À celles qui m'ont tant donné

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Chère Sarah, chère Amy,


J'ai tant de choses à vous dire et si peu de temps pour vous l'écrire. Josette l'infirmière m'a emmenée dans le jardin pour que je puisse profiter des rayons de ce soleil chaud de Mai. C'est d'ailleurs elle qui écrit cette lettre et qui râle doucement parce que je parle trop vite. Comme ça me manque le temps où je pouvais encore écrire, dessiner, jouer du violoncelle ou de l'accordéon, danser avec vous sur "Les Rois du Monde" de Roméo et Juliette. Tout est allé trop vite ces dernières semaines.

Mais il y a une chose pour laquelle je serai pour toujours reconnaissante: Vous.

Vous avoir dans ma vie a été la plus belle chose qui me soit arrivée. Je me rappelle encore de notre première rencontre : cet après-midi de Septembre quand vous êtes venues me chercher à l'aéroport de Los Angeles. C'était comme un rêve. Je me rappelle de vos rires quand vous aviez vu ma tête ébahie. Me retrouver en face de vous deux, les deux personnes que j'admire le plus.... Même dans mes rêves les plus fous je n'osais l'imaginer.


Enfin, si je veux être précise, nos premiers échanges partaient d'un dessin. D'abord toi Sarah, dont j'étais si heureuse de te partager ton portrait, puis toi Amy. Puis j'ai decidé de vous dessiner toutes les deux et là tout a vraiment démarré. Je me souviens de ce jour où, sortant de l'hôpital, j'ai reçu ton message Amy. "ça te dirait qu'on se fasse une visio' toi, Sarah et moi ?". J'ai pris des heures à trouver quoi te répondre - alors que dans ma tête je hurlais de joie.

Alors pendant près d'une heure, on a parlé de tout. De votre travail en tant que créatrice, scénaristes et productrices de ma série préférée, des mes dessins, de ma maladie aussi. Cette foutue mucoviscidose qui m'empêche de vivre normalement.

Ces rendez-vous virtuels se sont multipliés jusqu'à devenir quasiment quotidiens. J'étais tellement heureuse. Parfois, avant de m'endormir, je repensais à tout cela, sans arriver à croire que c'était réellement avec vous que je parlais. Puis un jour Sarah, tu m'a demandé de te rejoindre à Los Angeles pour l'écriture de la saison 3. Le moment le plus incroyable de ma vie.


Dès mon arrivée auprès de vous, ça n'a été que fou-rires, tendresse et franche amitié. Vous m'avez accueillie et adoptée comme si on se connaissait depuis toujours. Sarah tu es devenue la grande soeur que je n'ai jamais eue. Amy tu alternais entre la maman quand je n'étais pas assez raisonnable à ton goût, et la meilleure amie quand il s'agissait de partir à l'aventure ou d'empêcher Sarah de se concentrer.

Jamais vous n'avez eu peur de la maladie. Même lorsque je toussais à m'en décrocher les poumons toute la journée. Même quand vous avez découvert pour la première fois la montagne de médicaments que je devais prendre tous les jours. Même lors des scéances de pneumothérapie, d'oxygénothérapie, de kinésithérapie, de JenAiMarreThérapie... Vous avez toujours été présentes, la main sur mon épaule et le sourire bienveillant. Plus important encore, vous n'avez jamais fait preuve de pitié à mon égard.


Je ne devais rester que deux mois et finalement je ne suis jamais rentrée. Vivre à tes côtés tous les jours Sarah, cela a été les meilleures années de ma vie. La petite blague quotidienne du matin, la musique que tu trouvais que je mettais toujours trop forte, les balades au couché du soleil avec Zayn ton chien adoré, les retrouvailles avec Amy tous les jours qui nous demandait toujours un résumé détaillé de notre soirée, ces soirées justement, devant Netflix bien enroulées sous le plaid, les danses improvisées lorsqu'un titre nous plaisait à la radio (peu importe ce que l'on était en train de faire), les week-ends chez tes parents, les livres qu'on s'échangeait à l'infini, nos duos piano-violoncelle, les randonnées du dimanche, les barbecues tous ensemble, les journées à la plage, les fou-rires devant Friends. Les fou-rires tout court. A longueur de journée. On riait tellement fort que le voisin est venu se plaindre. Ce à quoi tu as répondu "la seule solution c'est que vous riez plus fort que nous!".

Les jours et les semaines ont défilés tellement vite. Grâce à vous, j'ai vécu ma meilleure vie. J'ai vécu plus fort, plus profondément. Comme cette phrase que l'on avait peinte sur le mur toutes les trois : "Puisqu'on ne peut pas rajouter de jours à la vie, il faut rajouter de la vie aux jours".

J'ai aimé pleinement et été aimée encore plus. Vous avez rajouté de la vie à mes jours par votre simple présence. Vos yeux merveilleux, vos sourires, votre voix, tout est gravé dans ma mémoire. Et c'est à vous que je pense de mon lit d'hôpital chaque soir avant de m'endormir.


La maladie a pris le pas sur le reste ces dernières semaines. Je sens bien que mon chemin se termine. C'est allé vite. Mais c'est mieux comme ça. Pour vous surtout. Je vois vos yeux cernés et rouges d'avoir trop pleuré, votre phobie du téléphone qui vous annoncerait le moment de venir pour mon dernier souffle. Je m'en veux de vous infliger cette douleur, même si on a toujours su que ce moment allait arriver. Que cette foutue maladie allait gagner.

Grâce à vous j'ai appris ce que le mot "Aimer" avec un grand "A" veut dire. Vous m'avez tellement apporté. Je n'ai jamais été aussi heureuse qu'avec vous. Vous êtes de si belles personnes. Tellement humaines, pleines de vie, dotées d'une intelligence et d'une créativité qui dépasse l'entendement, d'une bienveillance et d'une gentillesse à toute épreuve, d'un humour qui ferait rire même le mec le plus blasé du monde. Vous faîtes partie de ces femmes qui changent le monde, qui changent les mentalités des gens. Ne doutez jamais de vous-même. Jamais. Je suis tellement fière de vous connaître. Je suis tellement fière d'avoir partagé votre vie pendant presque deux ans. Amy, ta fille a tellement de chance d'avoir une mère comme toi. Elle ira loin j'en suis sûre !


J'arrive à la conclusion de cette lettre et je ne sais que dire. J'aimerais vous demander de ne surtout pas pleurer, ni d'être triste. Mais je vous connaîs par coeur (quand on pleure comme une madeleine devant Belle et Sébastien déjà... Je ne juge pas, j'étais en larmes aussi. Mais chut!). Je sais aussi que vous aller recommencer à rire, à danser et à vous moquer gentiment de mon accent français et de mon impossibilité à prononcer le prénom "Fatin".

Parce que vous êtes les femmes les plus fortes que je connaisse.

Je vous aime plus fort que tout ce que vous pouvez imaginer, et je ne cesserai de vous aimer, même dans l'au-delà. Vous avez été les meilleures rencontres de ma vie. Et les prochaines personnes qui entreront dans vos vies seront les plus chanceuses du monde.

Merci pour tout.


Votre Marianne.

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