Romance en danse.

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Passé de l'autre côté.

Silence dans la nuit où je ne dors pas. Je suis au jour d'après. Le jour où j'ai dit adieu à mon prince, voilà une semaine que le froid de la mort s'est posé sur lui. Mais sans réussir à prendre ni son sourire ni sa chaleur. De toutes ces heures que j'ai passées à lui caresser doucement le visage ou la main, je n'ai jamais ressenti le froid cireux de la mort. Pas une fois mes enfants n'ont reculé en embrassant son visage. La mort n'a pas réussi à voler la chaleur de son âme, la chaleur de son être, la chaleur de ce qu'il a toujours été : un homme chaleureux, tendre et bienveillant. La maladie a triomphé, son cœur a cessé de battre. Et je l'ai vu, immobile, gisant sur un lit.
Je lui avais donné la permission de s'en aller, la douleur et la souffrance était si grande en lui. J'ai fait cet acte d'amour et il a rendu son dernier souffle.
Que de rêves j'ai fait : rêves dans lesquels il venait me prendre dans ses bras, me sourire, m'embrasser, me parler, m'expliquer ce qui lui était arrivé. Rêves dans lesquels je le voyais traverser un fleuve, dans une frêle embarcation. Je le voyais marcher au bord de la route et je ne m'arrêtais pas pour le faire monter à bord.
Et puis, ces signes, un filament tendre et blanc dans le ciel, comme un lacet d'amour pour me dire, pour nous dire "je suis là, près de vous", un lacet d'amour pour venir fermer autour des petits une couverture tissé de son amour. Il est là auprès de nous, je le sais, je le sens.
Et ces longues minutes passées à scruter le ciel, à guetter l'éclat de la première étoile et savoir quoi y voir : sa lumière, son sourire, son amour. Sentir sa présence à chacun de ces instants en pleine nature.
Et au hasard d'un baptême de plongée, se laisser emmener dans les profondeurs par le professeur. Prendre le temps de calmer sa respiration pour s'habituer, et puis, soudain, en remontée, apercevoir à la surface de l'eau, un halo accueillant, lumineux. Nager vers cette lumière et surgir en son centre, comme tant de fois où je me lovais dans ses bras accueillant. Et pleurer au bord de la plage, submergée par l'intensité de l'expérience et des souvenirs qui remontaient.
Et cette odeur, l'odeur de son parfum, enfermé dans un flacon bleu transparent. Un flacon ouvert et une vague de souvenirs qui remontaient, à m'en fracasser le coeur, tellement c'était puissant. Une odeur, comme une clé pour ouvrir l'armoire aux souvenirs, rien d'oublié, tout chevillé à mes yeux.
Et une mélodie, douce et rythmée, la mélodie d'une valse et les sensations d'avoir tant tourné dans ses bras, la sensation d'avoir si souvent valsé au-dessus du sol, dans une harmonie des corps tellement forte. Tant de fois ces trois temps éternels qui n'appartenaient qu'à nous, ces heures à glisser sur le parquet, son sourire posé sur moi, ses yeux rivés aux miens, et cette légèreté qui nous emportait au delà des notes, au delà de la vie, au delà du temps.
Tout cela, la mort ne l'a pas tué. Mon Prince est toujours là. Juste derrière le rideau ? Non, il est en moi, il est un peu de moi. Il est l'essence de ce que je suis aujourd'hui, celle qui a avancé sur un chemin tellement caillouteux, celle qui a réussi à se relever et à apprivoiser la douleur d'une telle perte.
J'ai son amour en moi, cela me donne la force d'avancer. Je porte son nom, son alliance. La mort n'a rien emporté.

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