VII. Se relever et affronter
On ne se doute pas que maintes supplications et cris eurent lieu lorsque notre demoiselle rentra chez elle. Elle pria de plus de manières différentes qu'il n'en existait sa belle-mère pour qu'elle l'autorise à participer à ce bal. Elle exposa point par point ses arguments, insistant sur le fait qu'elle avait toujours ce qu'on lui demandait, sans jamais rechigner.
Mais sa belle-mère tint bon. Et pour être sûr qu'elle n'aille pas contre sa volonté, elle arrassa la jeune fille de travail, lui réclamant deux fois plus d'efforts pour arriver au bout de la liste de corvées qu'Adélie avait imposées à sa belle-fille pendant toutes leurs années de vie communes réunies.
Ainsi, Urielle et Prielle passaient leurs journées dans l'excitation que procurait l'annonce de ce bal alors que l'ardeur que mettait Eleanor dans ses cruelles tâches n'arrivait pas à masquer la déception et la tristesse qui la comblaient en permanence depuis le refus d'Adélie.
Il est si étrange et rare d'avoir ce genre de contradictions dans une même demeure, surtout au royaume d'Ametys où la population était régulièrement nommée Nation heureuse. Mais ce n'était pas chose exceptionnelle chez les Tissam depuis la mort des deux parents. Cela arrivait même tous les jours. Une opposition si horrible que pour une d'elle en devenait douloureuse. Une injustice si barbare qu'elle ne devrait même pas exister.
Pourtant elle était là, présente chaque jour depuis de décès d'Evelyne et Pilémon, et Eleanor la ressentait dans chacune des parcelles de son âme. Cette sensation la faisait douloureusement vibrer secondes après secondes, minutes après minutes, heures apères heures.
Durant toutes ces années, elle s'était résignée à son sort, obéissant aveuglément aux ordres toujours plus barbares de son excécrable belle-mère. Mais depuis ce rejet, elle sentait la haine monter en elle. Eleanor savait qu'elle n'aurait pas du ressentir ce sentiment. Sa mère l'aurait vivement désapprouvé mais elle ne pouvait s'en empêcher. Ce ne venait pas d'elle. Aussi, pour ne pas trahir la mémoire de sa mère bien-aimée, elle transforma sa rage en envie de vengeance. Une terrible envie de vengeance qu'elle devait satisfaire rapidemment sans quoi ses représailles seraient beaucoup plus terribles qu'elles ne devaient l'être.
Eleanor avait toujours courbé le dos face aux injures d'Adélie mais aujourd'hui, elle se releverait et l'affronterait en face. Et cette lutte pour la liberté commencera par ce bal. Ce bal où elle irait, qu'elle en ait l'autorisation ou non.
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