Chapitre 1 - Alba
Premier jour
Souvent je m’étais dit que rien de fantastique, d’irréel ou de bizarre n’arrivait dans la vie ordinaire. Le cinéma, la littérature en faisaient leurs choux gras, mais la réalité n’en tenait aucun compte et poursuivait, imperturbablement sa route coutumière, désespérément banale.
Rien d’exceptionnel en somme, la nuit n’est pas peuplée de démons, de monstres assoiffés de sang, d’extraterrestres belliqueux ou de diables vengeurs. Notre esprit seul divague, le merveilleux nous attire. Hélas ! Le réel nous rattrape et cette grise évidence nous ramène de notre exquise odyssée fantasmagorique et... parfois du gouffre de nos cauchemars fort heureusement.
Tout à ces pensées matérialistes, j’entrai dans la cuisine pour prendre mon petit déjeuner, m’affairant près de la machine à café posée près de l’évier, quand je la remarquai. (!!!) Installée sur le rebord du buffet, tranquillement assise près de la cloche à fromage, une souris blanche me regardait, la tête légèrement penchée sur le côté. Ses petits yeux ronds et noirs me fixaient, sans crainte apparemment, car elle entreprit de faire sa toilette à grands coups de langue sur son pelage immaculé.
J’étais fasciné, d’où provenait-elle ? Pourquoi était-elle ici, à me jeter un coup d’œil de temps à autre, sans peur ?
Je posai ma tasse de café et m’assis à ma place habituelle, de l’autre côté de la table, face au buffet. Je la contemplai à mon tour. Je ne sais qui de nous deux était le plus anxieux. Sans doute l’étrangeté de la situation me clouait-elle le bec car je n’avais pu émettre aucun son jusqu’au couinement léger produit par l’animal, comme une interrogation. Avait-elle faim, assise à côté de ces fromages inaccessibles, car placés sur un plat recouvert de cette cloche en verre qu’elle était incapable de ronger ? Voulait-elle entamer un dialogue ?
Qui sait ? Je lui dis bonjour m’attendant presque à une réponse, mais non... rien ! Plus de chicotement, juste un regard impénétrable.
Sans la quitter des yeux, j’attrapai derrière-moi, dans le confiturier, le grille-pain, le pain de mie, la confiture. À côté, dans le réfrigérateur le beurre et le jus d’orange.
Elle ne bougeait toujours pas. Elle me scrutait en humant l’air. L’odeur du pain grillé… peut-être du café ! Les souris aiment-elles le café ? Plutôt les toasts beurrés tartinés de confiture ! Je terminai mon déjeuner et rangeai tranquillement le matériel, je finis mon café, lavai la tasse dans l’évier calmement, tout près du buffet situé à deux mètres sur ma droite, je tournai la tête, elle n’avait pas bougé.
Par la fenêtre, située à ma droite, je vis passer un autobus. Une voiture pressée, le dépassa en klaxonnant, la circulation n'était pas dense. En face une dame âgée promenait son chien devant les vieilles maisons inhabitées. Le jour finissait de se lever, paresseusement, car le ciel était couvert ou brumeux, en tout cas le soleil ne brillait que par son absence. Je jetai un coup d’œil sur la souris, elle m'observait ...
Je décidai de l’ignorer mais laissai les miettes de pain sur la table, pour voir ! Puis je sortis.
Absorbé par mon travail je n’y pensai plus de toute la journée, je fis quelques courses dans le supermarché du coin et, passant à côté d’une animalerie, la souricette me revint à l’esprit, je l’avais presque zappée.
La boutique étant ouverte, j’entrai et demandai à une jolie vendeuse coiffée d’oreilles de Mickey, ou plutôt de Minnie, s’il était normal qu’une souris blanche soit aussi peu farouche. Pas de chance, elle était spécialisée en oisellerie et savait tout sur les perruches, colombes et autres canaris, mais ne pouvait rien me dire sur les souris, malgré ses belles oreilles de rongeur, la minette. Dommage ! J’allais devoir m’adresser au Docteur Nora pour les infos (il paraît qu’elle est spécialiste des mus musculus, nom savant de la souris de laboratoire).
J’entrai chez moi et posai mes courses sur la table de la cuisine, les miettes étaient toujours là, la bestiole aussi, au même endroit, le regard fixé sur moi, sereine. Ne sachant pas quoi faire, je décidai de ne pas m’en préoccuper . J’allai prendre une douche, me changeai, revint dans la cuisine mis dans le micro-onde une barquette de poisson que je mangeai à même le plat, nettoyai la table et sortis, je me rendis au théâtre pour voir une pièce farfelue : « Le clown triste et la danseuse » dont je devais faire un compte-rendu.
En rentrant je pus constater qu’Alba était toujours là, j’avais décidé de lui donner un nom, afin de gommer un peu de l’étrangeté de cette situation. J’allai me coucher sans plus m’intéresser à elle. Je supposai qu’elle ferait de même.
à suivre
JI 15/02/23
Annotations