Velory

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Le jeune homme était allongé sur le dos, dormant à moitié. Casque sur les oreilles, il écoutait du epic metal à s’en faire exploser les tympans. Pourtant, un bruit parasite commençait à le faire sortir de son cocon musical. Au plus les secondes passaient, au plus il se faisait désagréable. Jusqu’à ce que, sans prévenir, son casque fut arraché de ses oreilles.

  • VELORY !!! cria, une enième fois, la femme qui venait d’entrer dans sa chambre.

En réponse, le jeune homme n’émit qu’un gémissement. Il attrapa rapidement un coussin pour dissimuler son visage lorsqu’elle ouvrit les rideaux qui le protégeaient du soleil jusqu’à présent.

  • Arrête de faire l’enfant, ajouta-t-elle plus doucement mais sur un ton tout aussi énervé. C’est un grand jour pour toi. Tu ne peux pas te permettre d’arriver en retard à cette cérémonie !

Face au silence de la marmotte, la femme aux longs cheveux bruns lui retira sa couverture pour l'envoyer au fond du lit. Vel se recroquevilla sur lui-même en resserrant ses doigts autour du coussin.

  • Mais je ne serai pas en retard, Anna ! J’ai pas besoin de me lever une heure en avance pour être à l’heure !
  • Debout !

Non sans une certaine peine, Velory ouvrit ses yeux émeraudes en retirant le coussin de son visage. Il les referma aussitôt quand les rayons du soleil en profitèrent pour lui agresser la vue.

  • J’ai préparé tes vêtements, dépêche-toi de les enfiler et viens manger !
  • Oui oui…

Après de longues secondes de silence, Velory entrouvrit les yeux pour voir si son bourreau s’en était allée. Il rencontra le regard assassin de sa tutrice et comprit sa menace silencieuse : il se levait ou c’était le seau d’eau froide.

  • Ok ok ok !! Je me lève !!

Il se redressa en un mouvement. Satisfaite, Anna sortit de sa chambre pour laisser le comateux se préparer. Par pure provocation, Vel brûlait d’envie de se laisser retomber dans les bras de Morphée, mais il savait qu’il ne gagnerait pas à ce petit jeu. D’ailleurs, il ne souhaitait pas être en retard non plus.

Une fois debout, il poussa un soupir de fierté. Il n’était pas certain de savoir ce qu’il y avait de plus difficile entre tuer des zombies ou parvenir à se lever le matin. Ses vêtements en main, il se dirigea vers la seconde porte de chambre, tellement recouverte de posters et stickers de groupes de musique qu’on ne pouvait plus distinguer sa couleur d’origine.

Lorsqu’il entra dans la pièce, qui se trouvait être une salle de bain, la lumière s’alluma d’elle-même. Au même moment, la douche émit un doux bruit mécanique : l’eau était déjà en train de se réchauffer pour que Vel n’ait pas à attendre. Chaque goutte était précieuse, il serait bête d’en perdre simplement car il est désagréable de se doucher sous l’eau froide.

Vel se débarrassa de son pyjama qu’il jeta dans la panier à linge puis entra sous la douche. La vitre se referma automatiquement derrière lui et l’eau se mit à couler. Un petit écran indiquait la température de l’eau mais également un compte à rebours au terme duquel la douche s’arrêterait. Le jeune homme sortit de la cabine avant qu’il n’arrive à son terme.

Il attrapa une serviette pour l’enrouler autour de son corps androgyne. Son regard émeraude se posa sur le miroir, assez grand que pour lui renvoyer un reflet complet de sa personne. Tout en essuyant son corps, il énumérait tel un mantra ses propres faiblesses anatomiques et les moyens de les compenser au combat.

Une fois ses cheveux suffisamment secs, Velory se tourna vers les vêtements qu’on lui avait sélectionné. Cela le fit soupirer d’ennui : trop formels. Mais il savait que le protocole était ainsi fait. Il enfila le costume noir taillé sur mesure. Le jeune homme ne connaissait rien en couture, mais il sentait bien qu’il avait à faire à un tissu de très bonne qualité.

Attrapant un peigne, il se dépêcha de démêler ses cheveux couleur neige qui ondulaient jusqu’à la base de son cou.

Pour accompagner ce sombre ensemble, il n’y avait nulle cravate ou nœud papillon. Ca, c’était pour les humains ou les sorciers trop froussards ! Vel, lui, il était un exterminateur, un chasseur de zombies ! Le jeune homme attrapa le tissu rouge soigneusement replié. C’était sa cape de Chaperon Rouge. Bientôt, il en aurait une autre, bien plus prestigieuse. Cela lui donna le sourire.

  • Tu crois que Driss sera là ? demanda-t-il alors qu’il rejoignait Anna dans la salle à manger

La femme, qui préparait la table, fut surprise par cette question. Elle réfléchit un instant avant de secouer la tête.

  • Tu le connais aussi bien que moi, trésor… Cet insolent ne viendra sûrement pas.
  • Mh. Merci pour le repas, Anna.

Vel se renfrogna, coupant court à cette discussion. Il se contenta de venir s’asseoir et manger ce qu’Anna avait prévu pour lui.

La décoration intérieure de la maison était dans un style bien différent de celle de la chambre de Velory. Cette dernière avait cet excès de sobriété et ses formes presque parfaites rappelant le désir de perfection du style moderne. Tandis que le reste de la maison était composé de murs en pierre, d’un sol en bois craquant, de portes grinçantes et de charpentes apparentes. Deux époques s'efforçaient de coexister dans cette bâtisse. C’était un choix architectural particulier, mais typique de cette nouvelle civilisation.

Dès qu’il eut fini son assiette, Velory se leva et enfila une paire de chaussures soigneusement cirées pour l’occasion.

  • Si tu vois Driss, s’exclama Anna, dis-lui de passer ! Ca fait longtemps qu’il n’est plus venu ici.

Vel acquiesça puis ferma la porte derrière lui. Il finit d’ajuster sa cape et se dirigea vers la rue principale qui menait au centre-ville. Beaucoup de monde s’y rendaient. Le jeune sorcier commença à se faufiler entre les personnes mais, très vite, certains le reconnurent. La plupart se contentait d’un sourire et d’un petit mot de félicitation mais d’autres, plus jeunes ou plus téméraires, bloquaient l’avancée du sorcier pour avoir un vrai échange avec lui. Velory dut redoubler d’effort pour rester sympathique et ne pas envoyer balader ses inconnus.

Cela prit plus de temps que prévu, mais il finit par rejoindre la gigantesque scène en bois devant laquelle la foule s’agglutinait. Vel dévia sa trajectoire pour rejoindre les coulisses. Un large sourire éclaira son visage lorsqu’il aperçut tous ses camarades de chasse sous leur capuche rouge. Il y avait aussi quelques capuches noires, dont le meneur de sa dernière vadrouille.

  • Ah ! Le voilà enfin, notre cher nouveau Petit Exterminateur ! lâcha-t-il fièrement entre deux félicitations d’autres sorciers.
  • Pfh. Réinvente pas les titres, Shirai. T’es pas doué en impro.

Le dénommé Shirai ria à la taquinerie de son ami. Il était bien plus grand et plus musclé que Velory, et beaucoup plus sympathique aussi. Sa peau était basanée, ses yeux marrons et ses cheveux légèrement bouclés d’un brun presque noir.

  • Driss est pas là hein ?

Les sorciers perdirent leur sourire à cette question, un malaise palpable prit la place de la bonne humeur.

  • Il devait faire un discour avant le Chaperon Blanc je crois, tenta de répondre un sorcier. Mais…
  • C’est bon, coupa Velory. J’ai compris.
  • On s’en fiche de lui, c’est son problème s’il est pas là ! Comment tu te sens Vel ? finit par demander Shirai. Pas trop stressé ?
  • Stressé ? s’exclama Vel. J’en peux plus d’attendre !! Qu’on me donne vite ce titre pour que je puisse retourner dehors ! Ça fait des semaines que j’ai plus pu chasser, Shirai ! Des semaines ! Tout ça parce que je devais rester disponible pour leurs fichus rendez-vous et examens en tout genre… J’en peux plus !

Shirai riait face au désarroi de son ami. Il n’eut pas le temps de répondre car on leur donna le signal. Tous les sorciers en capuche montèrent sur scène et s’alignèrent au fond de celle-ci. Ils étaient dos au majestueux bâtiment gothique qui servait de mairie.

Une fois les encapuchonnés en position, le silence s’installa dans la foule immense. Plusieurs minutes s'écoulèrent. Malgré son impatience, Velory restait bien en place entre Shirai et un autre de ses camarades sorciers. Son regard balaya la foule puis s'arrêta sur le micro solitaire au-devant de la scène.

De légers claquements, lent mais réguliers, brisèrent le silence religieux. Un homme, âgé d’une quarantaine d’années, marchait vers le micro. Il s’appuyait sur une canne au pommeau joliment taillé. Il traînait sa jambe droite derrière lui. Son visage était aussi marqué par les années et surtout par le métier : trois énormes cicatrices le traversaient de part en part. Ses cheveux d’un noir grisonnant étaient parfaitement coiffés et son costume était encore plus chics que ceux de Velory et des autres sorciers. Il arborait sur ses épaules ni une cape noire ni une cape rouge. Non, la sienne était blanche. C’était le Chaperon Blanc, le maire de Bleckingham : monsieur Aayden Chessman.

Il s’arrêta face au micro. Un sourire éclairait son visage alors que deux drones s’élevaient autour de lui pour renvoyer des images à d'énormes écrans de part et d'autre de la scène. M. Chessman fit taire la foule d'un simple mouvement de la main qui applaudissait sa venue.

  • Mes chers amis, merci d’être venus si nombreux pour assister à ce grand et heureux évènement.

Sa voix douce était empreinte d'une lourde prestance.

  • Cela fait maintenant plus de deux cents ans que nous nous battons pour survivre. Mais c’est aussi depuis cette époque que nous avons trouvé notre place en ce monde. Une place que nous méritons après ces millénaires passés dans l’ombre. Maintenant, mes camarades sorciers, marchons main dans la main avec nos cousins humains, continuons de prendre soin de notre si fragile civilisation. Ne laissons aucun être extérieur menacer notre paix !

Le silence restait proche de la perfection. Pourtant, la rancœur des sorciers pouvaient encore se sentir dans la foule. Bien qu’aucun n’ait vécu cette époque, peu d’entre eux ne pardonnaient les humains de leurs mauvais traitements d'antan. Heureusement pour eux, personne n’oserait contredire les volontés du Chaperon Blanc.

  • Aujourd’hui, nous fêtons la montée en grade d’un de nos chers camarades ! Comme vous le savez tous, chaque cité nomme le meilleur de ses Chaperons Rouges. Il devra s’être distingué par ses talents pour le combat, par son pouvoir hors norme et par ses compétences impressionnantes. Il recevra alors le titre de Petit Chaperon Rouge et devra défendre l’honneur de sa cité jusqu’à sa mort.

Il se retourna vers Vel, tendant un bras pour l’inviter à approcher.

  • Mais nous avons dû nous rendre à l’évidence. Bleckingham, notre chère cité, reine de la nouvelle humanité, a la chance d’avoir parmi ses rangs un deuxième combattant d’élite ! Du haut de ses vingt-et-un ans, il est bien meilleur que nous tous au combat grâce à son pouvoir aussi exceptionnel que impressionnant ! Velory ! Notre tout nouveau Petit Chaperon Rouge ! Applaudissez-le !

Alors que la foule tonnait des louanges pour Vel, le maire les encouragea à faire encore plus de bruit. L’exterminateur observa un instant son supérieur et son sourire sincère avant de se tourner vers la foule immense qui l’acclamait. Pendant un instant, il resta ainsi, l’air ailleurs, avant qu’un sourire étrange ne se dessine sur son visage. Il leva les bras au ciel, et la joie des spectateurs s'intensifia. Un sentiment de puissance s’empara de lui : il aimait l’admiration que le peuple qu’il devait protéger lui vouait.

Lorsque le calme se rétablit enfin, on amena au Chaperon Blanc une nouvelle cape rouge sang. Velory laissa tomber la sienne au sol et se courba légèrement face à son supérieur. Ce dernier lui mit le nouveau vêtement sur les épaules. Elle était en tout semblable à l’ancienne mais arborait un large symbole noir : l’emblême de Bleckingham.

  • Bleckingham est désormais l’unique citée à être sous la protection de deux Petits Chaperons Rouges. Velory, puisses-tu à jamais protéger notre ville contre les menaces extérieures.

Sur cette dernière déclaration, Velory serra la main à son supérieur et la cérémonie se clôtura pour laisser place aux festivités.

Le tout nouvellement nommé ne s’attarda cependant pas. Conscient qu’il était le centre de toute l’attention aujourd’hui, il n’était que peu sensible à ce genre de fête disproportionnée. Il préférait tenter de fuir ce qu’il pouvait et préféra partir à la recherche de Driss. Il savait parfaitement où le trouver.

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