Le soleil

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Je me rappelle avoir lu avant tout cela dans l’âme de mon père avant qu’il n’ait eu cédé sa vie pour sauver les nôtres. Et ce fut ensemble qu’ils étaient revenus à la ferme. L’homme s’était présenté sous le prénom River sans faire mention de plus, car c’était sa volonté, disant lui-même qu’il ne méritait d’avoir une famille et encore moins un nom de famille. Mon père avait rassemblé le premier homme dans sa ferme.

Celui-là qui avait voulu à sa vie et surtout à la mienne. Je l’avais reconnu au premier coup d’œil, mais je n’avais rien dit, car j’avais lu dans son cœur qu’il ne cherchait qu’à se faire pardonner. Cet homme était devenu bon. Tellement qu’un jour, tous deux partirent couper un petit arbre dans un bois voisin, éloigné de la ferme pour construire des barrières pour les bêtes. Quand soudain l’arbre chuta, ce jour-là le tronc fut comme possédé par un esprit sylvestre et River n’avait pas eu le temps de prévenir mon père et le bouscula pour sauver la vie à celui qui lui avait donné une nouvelle. À ce même moment, je me rappelle que j’avais donné à manger aux bêtes quand j’entendis au loin le cri strident du Gardien de la Vallée de Guerre résonner en tout lieu. Je compris que cela était le signe d’un mauvais présage.

J’avais alors compris que mon père était en danger, je lâchai le sceau de nourriture et me précipitai vers le lieu où River et mon père s’étaient dirigés. J’avais couru sans m’arrêter au travers des hautes herbes, laissant maman seule s’occuper du déjeuner. J’avais plus de mille suppositions mais plus je m’approchais du bois, plus je balayais ces mauvaises pensées de ma tête. Jusqu’à parvenir à l’orée de ce bois enchanté. J’appelai mon père ainsi que River, mais aucun d’eux ne me répondait. Prise par la panique, j’éveillai de nouveau le pouvoir que j’avais eu lors de cette nuit. Car j’étais trop épuisé pour aligner un pas de plus pour aller dans la forêt. Mon esprit sortit de mon corps, je me mis à parcourir les bois, planant à quelques mètres au-dessus du sol.

Ma vision était sombre, obscurcie comme en pleine nuit. Je n’avais pas mis longtemps à croiser un esprit sylvestre qui voletait comme une luciole, dont la lueur était bleue.

Je lui demandai s’il n’avait pas croisé mon père et son ami. Je me rappelle qu’il m’avait dit ceci — le Gardien de la Vallée de Guerres est passée par-là pour accéder à la requête d’un homme, dont l’âme voulait trouver la paix.

Je n’avais pas compris sa parole aux premiers abords puis cet esprit avait ajouté — beaucoup d’âmes noires connaissent la volonté du Gardien et nombreuses sont en train de se diriger vers ces terres, les vôtres. Si j’étais vous jeune Flamme, je partirai loin et ne reviendrai jamais ici, au risque de faire pénitence dans un lieu sans espoir.

Je ne compris toujours pas compris sa parole. Moi une Flamme et avec une majuscule, impossible ?! Puis, l’esprit termina avec cela — dès que je vous ai vu, j’ai vu en vous cette Flamme — Or, la volonté du Gardien veut que je vous révèle leur position, elle se situe au sud-ouest de votre corps, mais faites vite !

À cela, je n’avais toujours pas compris mais je me précipitai vers mon corps en suivant les indications de cet esprit, dont la parole était vérité, car je retrouvai River et mon père allongé par terre. Je m’approchai et je vis du sang sur eux, beaucoup de sang et je mis aussitôt mes mains devant ma bouche, choquée. Quand mon père se réveilla, je me ruai sur lui pour l’aider à se relever.

— Il... il m’a sauvé la vie… il... s’est sacrifié pour me sauver mais mon père se reprit aussitôt. Il me dit : J’ai tout vu et ta mère va mourir. Anaëlle, ma fille, fuit vers l’Est et ne revient jamais !

A ce moment, j’avais refusé de partir et il m’avait giflé si fort que j’en étais tombé. L’instant d’après, il m’avait relevé par le bras. Puis il me prit par les épaules, approcha son visage du mien et plongea son regard dans le mien. J’avais enfin tout compris mais je fus figée par la peur, je ne pouvais bouger. Mon père dut m’en remettre une pour que je puisse en sortir.

— Maintenant, cours ma fille ! Je t’en supplie sauve ta vie, je vais tenter de les retenir !

J’avais couru si vite qu’à chaque mètre parcouru, mon cœur me brûlait plus fort, à chaque arbre dépassé mon ventre se tordait plus fort et plus je m'enfonçais dans les bois, plus mes larmes coulaient.

Je me rappellerai toujours de mes parents et plus encore de leur humilité.

Cette vertu avait conclu mon histoire et je vis qu’autour de moi tous avaient les larmes aux yeux, alors que moi, Destinée, non.

Ce moment où j'ai ouvert mon cœur me fut étrangement presque me sentir humaine. Je leur ordonnai de quitter cette terrasse sans qu’ils ne prononcent mot, simplement, leur disant qu’ils devaient s’occuper du palais et des leurs. Tous quittèrent les lieux sauf l’un d’entre eux qui patientait dans le plus grand silence. Quand le soleil fut caché par un épais nuage cet homme eut pris parole :

— Destinée, puis-je désobéir pour vous poser mes interrogations ? Enfin et j’ose croire que grandes elles seront comme vous nous l’avez si bien indiqué.

J’avais laissé un temps de silence pour qu’il puisse bien les réfléchir et surtout les poser sans faute, sans qu’il ne prenne un ton ou un air flatteur. Car je détestais la manière qu’ils avaient tous de me flatter surtout à mon réveil et plus encore le reste du temps. Mais comme j’étais trop bonne ici, je ne disais rien, enfin presque rien dans ce monde. J’avais lu cela dans le regard de ma fidèle Tayhra.

Lors de ce temps, j’avais posé mes mains sur le rebord de la terrasse et plongea mon regard à l’horizon pour voir si mon espoir allait me trouver aujourd’hui ou demain. À cette hauteur où je me situais, je pouvais voir ce monde s’étendre comme peut s’étendre un empire mais à mes pieds. Enfin presque… puis l’homme m'interpelle sur un ton assuré :

— Il me semble Destinée, que vous ne ressemblez en rien à la Reine que j’ai eu l’occasion de connaître. Il me semble encore que plus pure vous êtes mais plus troublée encore. Disons plus encore, torturée. Cela m’intrigue, pourrait-on en discuter ? Je suis un mage noir de la tribu des Delainos du pays de Trihane. Je me rappelle que vous m’aviez choisi, moi, au sein même de ce palais pour en assurer la protection et plus encore.

Le temps que je le laisse terminer son discours, un vent d’ouest et tiède vint balayer une mèche de mes cheveux châtain. Elle passait devant mes yeux et je la plaçais derrière mon oreille. L’instant d’après, je me retournai sourire aux lèvres vers cet homme frêle, mais dont la source énergétique aurait pu blesser une Flamme guerrière voire même lui faire un peu mal.

— Je suis navré de vous importuner de la sorte, mais j’ai juré fidélité à ma Reine, qui m’avait prévenue qu’il y aurait un bouleversement dans le temps et je crois bien que cela soit pire encore que ce que je pensais.

À cela, je me figeai aussitôt sur ses yeux, il était bien fidèle et plus encore vérité, ses épaulières serties de pierres précieuses et faites d’or laissaient présager son grade au palais, mais étrangement ce fut seulement ce que je pus lire de son âme.

—Puis-je alors vous demander autre chose ? J’aimerais vous aider à repartir et surtout pour retrouver ma Reine. Loin de moi l’idée d’affirmer que vous ne l’êtes pas, Destinée. Mais disons que j’ai juré fidélité à une seule Reine. Pour cela, laissez-moi vous éclairer sur ce monde, sur la manière dont il fonctionne et surtout, aidez-moi à retrouver celle que j’ai perdu.

Il eut pris un temps de pause pour ponctuer sa parole, pour qu’elle laisse affirmer toute son importance.

— Disons plus encore que j’en suis éperdument amoureux de ma Reine, tellement amoureux que parfois elle m’accorde ses grâces. Je lui suis fidèle en tout point. Je serai prêt à voyager dans le temps rien que pour la revoir une seule fois et même si je dois mourir ou être réduit au néant.

Quand il eut fini, je ne puis m’empêcher de sourire en laissant passer un petit éclat de rire. Je m’étais aussitôt retournée vers cet empire et j’avais pensé ceci :

« Mes espérances ont finalement trouvé un adepte dans ce monde. »

— J’oubliais l’essentiel, Destinée d’un autre monde, je me nomme Liorike le mage noir, bras droit de la Reine Destinée de ce monde.

Le soleil se remit à briller au moment où il eut prononcé son nom.

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