Crural.
Je rêve d'une cuisse gauche qui n'en finit pas, avec, à côté, une cuisse droite qui n'a pas de fin...
Une paire de jambes, sans pieds, sans bassin, mur de fémurs jointurés de genoux.
Ça s'enfonce loin dans le duvet du sol, loin dans le coton du ciel, le reste n'est qu'horizon.
Je rêve d'une chaîne de cuisses aux maillons de rotules, et cette chaîne ne s'arrête jamais...
(À l'occasion, j'y accepte
l'intrusion d'un mollet,
tolérant que je suis)
Le regard épouse les pentes, scande les vas-et-viens de cette sinusoïde de chair :
longuecuisse longuecuisse courtmollet longuecuisse longuecuisse... ( — — ∪ — — )
En se penchant très haut ou très bas, on s'aperçoit que les jambes spiralent l'une envers l'autre
s'enlacent et s'emmêlent, à la manière d'un chromosome ou d'une hélice désoxyribonucléique...
(Mais jamais au grand
jamais ne se touchent,
pudiques comme elles sont)
Qui s'amuse à jeter l'oeil sous les jupes, connaît l'étrange déception de trouver ce que l'on cherche :
appâtée par les cuisses, la curiosité butte sur le sexe, s'échoue sur les fesses, y meurt accomplie
(Dur de vouloir encore
une fois qu'on a eu
ce qu'on a voulu avoir)
Je rêve d'une promesse qui ni ne se réalise, ni ne se trahit, d'une promesse qui reste promise
d'un désir qui ne se tarit pas, d'une envie d'avoir envie, d'un moteur qui soit sa propre essence
( ∪ ∪ — ∪ ∪ ) ...courtecuisse courtecuisse longmollet courtecuisse courtecuisse
Pattes qui serpentent, gigots qui gigotent, galbe hypnotique de l'onduledanse
(À trop quêter l'éternité
on finit par s'enticher
d'un petit bout de rien)
Dans la rue, on me scrute, on m'épie, on m'espionne, on me sonde les recoins obscurs du corps
Les fouineurs s'étanchent la fouinerie le regard en biais sous mes dessous ; grand mal leur fasse.
Depuis que je me promène en jupe, j'ai à disposition mon propre mystère — J'ai beau contor
sionner, j'ai beau tordre le dos — je ne saurais voir ce qui se terre tout là-entre les fesses...
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