FEMME OBJET
Je retourne au boulot le surlendemain, toujours victime d'une méchante gueule de fatiguée... Cool… Malgré tout, je passe une bonne journée : les clients sont super sympa, pour une fois !! J’ai même récolté de bons pourboires aujourd’hui ! Franchement : nickel !
Je rentre chez moi et termine la soirée avec un peu de révisions… sur lesquelles je m’endors littéralement : je suis vraiment crevée en ce moment… Faut que je dorme plus !... Même si je décide jamais à la place de mon putain de sommeil mes heures de sommeil ! Je m’endors que quand ce connard veut bien me laisser dormir !
Bref. C’était une bonne journée.
Très bizarrement, mon mois et demi de travail se passe aussi bien : à croire qu’un dieu veille sur mon bien être !
Même au niveau du gang, je suis pas surchargée : les connards inutiles sont de moins en moins nombreux à venir m’emmerder tout le temps ; Johanna ne me harcèle plus avec des milliers de messages sur l’organisation que je dois tenir… Tout va pour le mieux en ce moment !
Le seul truc dont je peux me plaindre, c’est que je vois quasiment plus Georges. Je vois Augustin de temps en temps, quand j’ai un peu de liberté dans mon emploi du temps, mais j’ai pas vu Georges depuis des semaines : il est en révisions intenses pour le concours d’entrée à ce qu’il m’a dit.
J’espère qu’il réussira… comme moi. Je révise à côté de mes heures de travail et d’entrainement (c'est à dire le soir)… J’espère que ce sera quand même suffisant : je veux vraiment rentrer dans cette école !!
***
Je ne suis pas en dépression à cause des cours… Je ne suis pas en désespoir à cause des leçons auxquelles je ne comprends rien… Mais non, voyons !
Je meurs sérieusement : vivement que tout se termine !! Dans une semaine. Une seule et unique semaine ! Courage !! Après je fais ce que je veux… comme passer mes journées avec mes amis, chez nous ou sur nos lieux de travail respectifs.
Parce que, oui, Augustin s’est décroché un petit boulot dans une supérette. Il y est presque seul toute la journée, si on exclut les clients, donc je peux me permettre de squatter un bon moment.
Bref ! Je dois travailler : attaquons ces cours de langues que je déteste tant !
***
Ma dernière semaine de boulot intensif se clos sur une note positive : le patron a renouvelé mon temps partiel pour l’année scolaire ! Je suis tellement heureuse !
Je termine ma journée seule, derrière le bar. Le dernier client part et je commence le ménage pour laisser un endroit propre de a à z à mes collègues de demain. Je termine le ménage assez rapidement. Je me dirige ensuite vers la réserve pour me changer et enfin rentrer.
Alors que j’enlève mon tablier, je sens un objet dans la poche de celui-ci. J’en sors une carte de visite (qui appartient à un hôtelier si on se fie à ce qui est écrit) sur laquelle est inscrit un petit mot manuscrit :
« T’as l’air vraiment bonne. Appelle-moi. »
PARDON !!!??? QUI OSE ÉCRIRE ÇA SÉRIEUX ??!! Je crois que je vais appeler ce connard pour lui expliquer la vie !!
Je sors mon portable et compose le numéro. Je vois dans le même temps qu’il est bientôt minuit.. et alors ?!
Ça sonne… Une sonnerie, deux, trois… Il va répondre ou quoi ?! J’entends un déclic à la quatrième.
« Allô… ? »
Je crois que je l’ai réveillé… Je m’en fous complétement !
« Tu sais que les femmes sont pas des objets ?! »
Oui, au cul la politesse et le vouvoiement !
« Ah… C’est toi. » »
Je crois qu’il s’en fout aussi d’ailleurs.
« T’es sûr de savoir qui je suis ?!
_ La charmante demoiselle aux magnifiques cheveux colorés, qui travaille dans le café au coin d’une rue. »
Okay. Il se souvient de moi.
« T’es qui ?
_ Juste un gars ébloui par ta beauté.
_ Ah. Ah. Beauté ? Que viens faire le mot « bonne » dans l’histoire du coup ?
_ Je savais que ça te déciderais à m’appeler, alors j’ai tenté le coup.
_ Hum, hum. Va te faire foutre. »
Je raccroche.
Quelques secondes plus tard, mon portable sonne. Merde. Je décroche.
« Merci de m’avoir donné ton numéro, chérie. »
Merde.
« Te fais pas chier, vas-y, donne-moi des surnoms !
_ D’accord mon amour. »
Je l’aurais tué sur place s’il avait été devant moi ! Au lieu de quoi :
« Non.
_ T’aime pas « mon amour » ?
_ Non : je t’aime pas.
_ Tu ne me connais même pas !
_ Et j’en ai pas envie.
_ …Si jamais tu changes d’avis, tu sais où me trouver : je t’ai laissé ma carte. Bonne nuit, je t’aime chérie. »
Il raccroche. Ce connard. Je vais le tuer. Demain. Demain, il est mort.
6h00 est l’heure de sa mort. Je me suis levée le plus tôt possible pour aller le tuer. Il avait pas à me chercher sur ce terrain ! Il va pas comprendre sa douleur !
J’atteins enfin ce putain d’hôtel. Je rentre sans ménagements. Je m’avance vers le comptoir de la réception. Je lui présente la carte de visite. Il m’indique mollement l’étage et la porte du propriétaire, blasé, comme habitué à cette situation. Ça me met encore plus en rage : putain, on est pas des objets les femmes !
Je gravis les marches dix à dix. J’atteins enfin l’étage. Je trouve la porte et entre sans douceur. Je fais à peine deux pas dans la pièce, que je me fais agressée par une chose non identifiée. C’est lui : il se jette sur moi… pour me faire un câlin !!?? Il est mort.
« Tu m’as manquée, chérie !
_ …dégage. Maintenant. »
Je le repousse brutalement. Il rapproche son visage du mien en souriant :
« Oh… tu as mauvaise mine. Tu as peu dormi, mon cœur ?
_ Ta gueule.
_ J’en suis la cause ?
_ Ta. Gueule.
_ Je te manquais tant que ça pour que tu viennes me voir le lendemain de notre premier appel ?
_ Je suis là pour te défoncer.
_ Je suis flatté !
_ Sors. Maintenant. Je vais te refaire le portrait !
_ J’ai hâte, mon amour ! »
Il frappe bien ce connard ! Ça fait déjà un moment qu’on a commencé à se battre, et il s’écroule pas sous mes coups… Ça me frustre, et m’énerve encore plus !
Droite. Gauche. Esquive. Circulaire haut. Encaissement. Douleur minime. Crochet arrière…
Quand est-ce qu’il va céder ce connard ?! Sa garde est presque parfaite : peu de mes coups l’atteignent… Je n’ai qu’à prier pour qu’il ne soit pas endurant. C’est pas mon cas, ça me donnerait la victoire !
Mais non : ce salaud a décidé de rester sur ses jambes !
Il me fait une balayette. Oups, j’étais dans mes pensées. Je me retrouve quelques secondes au sol. Un coup de pied dans les jambes, et il me rejoint sur la surface sale de la ruelle. Dans ta gueule !
Notre combat se transforme en lutte au sol. Chacun notre tour, nous dominons l’autre, essayant de le faire céder. Mais ça n’arrive pas. On est trop forts. L’un comme l’autre. A forces égales, qui plus est. On doit donc attendre. Le temps décidera pour nous.
Je m’effondre au sol, à ses côtés. Seules nos respirations saccadées sont audibles. Le combat est un match nul. Égalité. C’est frustrant et rageant.
Nous reprenons notre souffle, puis nous relevons tous deux. Je prends la parole :
« Tu ferais un bon adversaire en combat.
_ Toi aussi. Espérons qu’on aura l’occasion de se battre encore une fois !
_ Pas forcément : j’ai pas l’intention de te revoir.
_ Donc tu restes sur ton refus ?
_ Oui.
_ D’accord.
_ …C’est tout ?
_ Bah oui, pourquoi ?
_ Je pensais que tu ressortirais ton image de macho chiant.
_ Pas chiant mais adorable. Et non, tu pensais mal : j’avais pas l’intention d’insister. Et juste pour ton information, je suis pas un macho.
_ …Okay. Adieu.
_ Au revoir… mon cœur. »
Il m’adresse un sourire en coin, tandis que je quitte la ruelle, me retenant de toutes mes forces pour ne pas le frapper. Ce salaud…
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