CAFÉ CRÈME
Hey !! Voici un chapitre assez long et doux (comme l'indique le titre) : on dit toujours que le calme précède la tempête... Bonne lecture !! :D
Je l’entends marmonner, alors que nos pas s’éloignent de l’endroit où je me tenais :
« Pas aujourd’hui… ni demain, ni même dans deux semaines ou trois ans avec toi…
_ Ça ne sert à rien d’essayer de me raisonner, je ne changerais pas d’avis !
_ Oui, je sais ça… et c’est ça qui m’énerve avec toi, Georges.
_ Qu’est-ce que j’y peux, Augustin ?
_ Rien du tout ! T’y peux juste que t’as aucune volonté, sérieusement ! »
Je m’arrête de marcher. Il se stoppe à mes côtés. Je le regarde dans les yeux : il me cherche ou quoi ?!
« Qu’est-ce qu’il y a ? Ça ne te plaît pas que je sois moi ?
_ Si, si, mais bon, ça m’exaspère un tant soit peu là : elle t’as fait de l’effet, ça se voit, mais toi, tu fuis, pour changer…
_ Oui, et bien j’y peux rien si j’ai toujours aussi peur de me retrouver sur le cul !
_ Oui, bah assume un jour, prend des risques ! Vit, sérieux !
_ Parce que tu trouves que je ne vis pas ? Que je ne fais rien d’autre que de fuir et de me cacher ?!
_ Oui. Tu es comme ça depuis qu’on se connaît, mais c’est de pire en pire, et ça devient un problème.
_ Un problème pour qui ? Pour toi ?! Si t’es pas content, rien ne te retient, tu peux me laisser en plan !
_ Tu sais bien que je ne peux pas, je n’en ai pas le droit. Et puis même, je n’en ai pas l’envie. Alors calme-toi un peu s'il te plaît !
_ …
_Tu ne veux pas plutôt entendre mon plan génial, au lieu de te morfondre pour ça ?
_ …
_ Je vais prendre ça pour un oui. Je pensais attendre ta chère et jolie amie derrière le café où elle travaille : elle devra bien rentrer chez elle à un moment donné !
_ …en quoi ça m’avance de l’attendre ?
_ Eh bien, ça te permettra de lui parler ! Peut-être même de lui avancer certaines choses si tu t’en sens capable…
_ Ah. Ah. Ah. C’est très drôle. Vraiment.
_ D’accord ?
_ Non. Je n’ai rien à lui dire.
_ Hmm, hmm ? Tu n’avais pas quelque chose à lui demander ?
_ Pardon… ?!
_ Je t’ai vu toute la journée tripoter un porte-clés qui ne t’appartient pas. En plus, tu avais cette tête que tu fais quand tu te poses des questions, alors…
_ …okay.
_ Bien ! Je passe vite fait acheter mon matos et c’est bon, on va se placer ! »
Son… matos ? J’aurais peut-être dû rester dans la peur de son sourire initial.
On reste auprès de la porte arrière du bar quelques heures, à attendre comme des cons. Chaque minute qui passe est pour moi une source de stress. Je me passe et me repasse des phrases d’accroches en tête, les unes plus nulles que les autres (« Hey, comment vas-tu depuis hier ? », « Salut, comme on se retrouve ! »…), tandis que mon ami s’adosse à un mur en fumant.
Parce que, oui, monsieur avait besoin d’aller acheter des clopes pour passer « plus inaperçu », comme il disait… Je ne le comprends pas certaines fois !
19h02. C’est précisément à cette heure que mon cœur faillit s’arrêter à jamais. La porte s’ouvre pour la troisième fois (les fois précédentes, pour laisser sortir deux serveurs) : elle sort. Habillée d’un simple manteau kaki descendant mi-cuisses, d’un jean et de bottines noires, elle sort, dans le froid. A cet instant, j’ai juste envie de passer mon écharpe autour de son cou dénudé…
« Puis-je vous proposer une cigarette, charmante demoiselle ? »
Il aurait dû me prévenir avant de parler : il a failli me tuer ce con ! Je me retourne vers elle et mon visage se décompose : elle a le visage tourné vers mon ami et est… émerveillée. Mon cœur se serre. Je savais que ce n’étais pas une bonne idée que de l’attendre, aujourd’hui, avec lui.
***
C’est le premier mot qui me vient à l’esprit : magnifique. Tout simplement. Adossé au mur près de la porte de sortie, il tire sur une cigarette. Une fumée blanchâtre s’échappe de ses lèvres tandis qu’il m’en tend une de sa main libre. Magnifique…
« Comment tu fais ça ? je demande, les étoiles dans les yeux.
_ Quoi ? me questionne-t-il.
_ Tes ronds de fumée ? je continue.
_ Ah ! Ça ? dit-il, comme déçu de ma question. Tu veux que je t’apprenne ?
_ Merci, mais je fume pas donc ça va être compliqué !
_ D’accord… »
Il range son paquet de clopes dans son manteau et continue de faire des ronds dans l’air. C’est superbe. Je ne peux pas détacher mon regard de ce spectacle. Enfin… les éléments extérieurs le peuvent.
***
Je ne sais pas ce qui m’arrive, je ne me contrôle pas. Je ne me contrôle plus. J’avance d’un pas décidé vers elle et m’interpose entre eux. Je me tourne ensuite vers mon ami et m’exclame d’une voix un peu trop forte :
« Ça y est, t’es content !?
_ Qu’est-ce que j’ai fait de mal ?
_ Rien ! Rien, DU TOUT ! »
Les larmes me montent aux yeux sans aucune raison valable. Je tente de m’enfuir. Une main me rattrape. Mon cœur bat à cent à l’heure : elle me tient par le bras, empêchant ma fuite et ajoute, les… sourcils froncés ?
« Tu ne pars pas avant de m’expliquer ce qui te met dans cet état, toi ! »
Euh… oui. Bien sûr. Enfin… peut-être… Euh… je dois faire quoi là ?
« Il vous répondra avec plaisir, mais pas ici. »
Augustin me sauve la vie. Il rattrape sa connerie. Je le remercie sincèrement du regard. Elle se tourne vers lui, intriguée, puis me demande :
« C’est ton ami ?
_ O…oui, je réponds.
_ Okay. Alors c’est décidé : bougez vos fesses et suivez-moi, je gèle, dit-elle, parcourue d’un frisson en même temps.
_ Euh… on va où ? je demande timidement.
_ À ton avis : dans un endroit calme.
_ C'est-à-dire ? je continue, appréhendant sa réponse.
_ Chez moi. »
Elle sort cette phrase avec tellement de naturel… je sens que mon cœur me lâche peu à peu. Je vais finir par faire une crise cardiaque à ce rythme-là !
***
« Chez moi. »
Pourquoi j’ai dit ça, moi ?! Je me sens rougir en plus, merde ! Je prends la tête du groupe le plus vite que je peux : je veux pas qu’ils voient mon visage !
Je marche devant eux durant tout le trajet jusqu’à mon domicile, les guidant à travers les rues. Arrivés devant mon immeuble, je les mène à mon appartement, le numéro 7. Chiffre divin à ce qu’il paraît…
Après avoir retrouvé mes clés, je les laisse entrer dans mon humble demeure, puis les débarrasse de leurs manteaux :
« Je vous sers quelque chose de chaud ?
_ Volontiers ! »
J’esquisse un sourire : ils m’ont répondu en même temps, c’est mignon.
« Un café crème ça vous va ?
_ Oui, s’il-te-plaît. »
Idem. Je peux pas m’empêcher d’agrandir mon sourire.
« Installez-vous à table, je vous prépare ça. »
Et voyant que Georges (si je me souviens bien), s’approche de moi dans le but certain de m’aider, j’ajoute :
« C’est un ordre. »
Il fait donc demi-tour, le visage tourné vers le sol, et va s’asseoir auprès de son ami. Enfin libre de mes mouvements ! Je me dirige vers la cuisine et commence ma préparation. Rien de compliqué. En deux-trois mouvements, j’ai terminé. L’habitude, on va dire. Je leur apporte leur boisson et me joins à eux autour de la table.
« En y regardant de plus près, tu as vraiment le profil d’une serveuse.
_ …merci ?
_ Désolé, Georges est assez maladroit. Ça a toujours été le cas…
_ Eh ! Je ne te permets pas ! »
Ils commencent à se chamailler : des vrais gamins ! C’est… mignon ? J’emploi beaucoup trop ce mot pour eux ! Je rigole intérieurement tandis que je bois tranquillement mon café.
Au bout de quelques minutes, ils se calment et font de même. Dès la première gorgée, je vois leurs yeux s’illuminer, surpris :
« C’est super bon ! Comment tu fais ça ? »
Ils sont encore en rythme. Ça dépasse le mignon, ça devient bizarre !
« Hmm, c’est secret.
_ C’est ta spécialité maison ? demande timidement Georges.
_ En quelque sorte, oui... »
« Tu m’as fait quoi là ?! Ta spécialité maison ?! »
Exaspérante, comme à son habitude…
« Quoi !? Ça te plaît pas ?!
_ Ça va, c’est… buvable. »
Combien de fois elle m’a répété ça : c’est « buvable » ? Je l’aurais étripée à l’infini cette fille ! L’ami de Georges, Augustin je crois, me sors de mes pensées :
« Euh… Rachel, c’est ça ?
_ Pardon, oui, tu disais ?
_ Je te demandais si tu vivais seule ici…
_ Je suis obligée de répondre ? »
Oups, mon ton était assez désagréable… J’ai pas fait gaffe, j’étais ailleurs. J’essaie de me reprendre :
« Oui, je vis seule dans cet appartement depuis maintenant deux ans.
_ Tu es majeure depuis deux ans ?! Si c’est le cas, tu ne fais pas du tout ton âge ! »
Mais c’est quoi ces questions ?! Il me veut quoi ce mec ?
« Tu veux savoir quoi sur moi, sérieux ?
_ Moi ? Rien. Lui, tout. »
***
Ce café-crème est vraiment trop bon ! Elle a du talent ! Je déguste sa boisson tout en la regardant : la lumière du plafonnier créé de magnifiques reflets dans ses cheveux colorés, je ne peux m’empêcher de l’admirer. Je reste ainsi, à boire, le regard tourné vers elle, tandis que mon ami l’assène de questions. S’il croit qu’elle va répondre à tout sans demander pourquoi, il se met le doigt dans l’œil !
« Tu veux savoir quoi sur moi, sérieux ?
_ Moi ? Rien. Lui, tout. »
Je m’étouffe avec le café dans ma bouche. Il est conscient de ce qu’il vient de dire ?! J’essuie mon visage et la table que je viens récemment d’éclabousser, tout en rougissant légèrement : je sens son regard posé sur moi. Je prends mon courage à deux mains et relève la tête, prêt à l’affronter.
« Alors, tu veux savoir quoi sur moi ?
_ Euh…
_ Mon âge ? 18 ans depuis trois mois. Mon statut social ? Lycéenne. Quoi d’autre ?
_ …
_ Je t’écoute, je ne vais pas te manger.
_ ...j’aurais voulu savoir ce que ça signifiait… »
Je sors de ma poche son porte-clés. Je vois son visage passé de la surprise à la neutralité totale.
« Oublie ça. Ça te dépasse. »
Je laisse l’objet sur la table, dépité. J’attendais tellement une réponse de sa part ! Et à la place ? Rien. Je me lève soudainement et me dirige vers la porte d’entrée. J’agrippe la poignée. Fermée. Où sont les clés ? Là, sur le crochet au mur. Je tends la main vers elles. Je n’ai pas le temps de les saisir que je me retrouve poussé au centre de la pièce.
« Désolée de ne pas répondre à ta question, mais c’est pour ton bien. Alors, s’il-te-plaît, évite d’agir comme un enfant. Et puis, si tu tiens tant que ça à partir, n’oublie pas ça. »
Elle me jette mon manteau dans les bras. Je ne sais plus quoi faire : partir ? Rester ?
« Pars. On se reverra bientôt : tu dois me rendre mon manteau. »
Elle lit dans mes pensées, ou quoi ? J’enfile mon manteau et m’empare des clés pour ouvrir la porte.
« Rentre bien. A bientôt. »
Je quitte l’appartement. Les larmes dévalent mes yeux alors que je coure dans les rues pour rentrer chez moi. Je suis tellement faible.
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