Crinière de feu

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Image de couverture de Crinière de feu

Un regard. Voilà tout ce qu'il avait fallu pour que l'image de cette femme à la chevelure de lionne ne soit imprimée dans mon esprit. Seulement un regard, le bleu de ses yeux. Le bleu azuré, le bleu de la mer, du ciel... Une couleur si pure dans laquelle je me suis perdue durant des secondes bien trop longues mais, aussi, bien trop courtes. Un court laps de temps pour les navetteurs autour de nous. Court sûrement pour elle aussi. Pourtant... Pourtant, ce stupide train, je le prenais tous les jours. Tous les matins, à 8 heures. Tous les soirs, je revenais avec ce même train, vers 19 heures. Il était mon meilleur ami depuis le début de mes études, un ami fidèle et sincère. Chaque visage m'était connu : la vieille dame aveugle, que l'accompagnateur aidait à monter, qui descendait quelques arrêts avant moi. L'homme pressé, celui qui avait toujours cet air débraillé, qui arrivait au dernier moment, juste avant que les portes ne hurlent de l'alarme indiquant leur fermeture. Les filles que j'avais connues lors de notre parcours scolaire dans le secondaire. Mais cette toison rousse... Non, jamais je ne l'avais aperçue.


Cette lionne dont je ne connaissais pas le nom, hantait mon esprit depuis ce matin. Je revoyais son sourire, si doux, si tendre alors qu'elle ne me connaissait pas. La politesse avait dû lui écorcher les lèvres et, même si ce n'était que pour ça, pour cette politesse pure, il avait semblé si naturel. Il avait illuminé cette matinée morose où la pluie tombait à flots sur les quais, tapait sur ma capuche et brouillait la vue de certains malchanceux portant des lunettes. Il avait été le soleil de ce départ si froid et si sombre, avant la journée de cours. Malheureusement, ma vie était tout sauf un film d'amour à l'eau de rose ou ce genre de navet que je pouvais regarder durant Noël, parce que je n'avais pas d'autres choix... La mystérieuse rousse n'était pas venue me parler, elle n'avait pas pris le même train que moi - elle attendait sûrement quelqu'un ou souhaitait prendre le suivant, qui sait - et, surtout, nous n'avons pas été gênées lors d'une collision fortuite dans l'enceinte de l'université.


La vie est injuste, eh oui. En général, elle n'autorisait pas que ses "jouets" - car que sommes-nous, à part des jouets pour la vie qui s'amuse de nos déboires et de nos malheurs, elle nous accordait que peu de fois un peu de bonheur ou, lorsqu'elle le faisait, elle le reprenait aussi sec - soient trop heureux. Sûrement une règle écrite au moment où les humains ont été créés : vous ne serez jamais heureux ! Insérer un rire machiavélique, juste après. Pour un petit effet théâtral.


Alors non, je revenais chez moi sans avoir la chance de revoir cette belle rousse. Sans avoir la possibilité de me rattraper, d'avaler ma timidité pour oser et aller lui parler. Me prendre une claque, un vent ou, au mieux, une chance sur cent, finir avec son prénom. Son numéro ? Hé, j'étais réaliste. Pas débile, je savais bien que je n'allais pas l'avoir. Les coups de foudre, c'était le cliché préféré des films débiles ou des livres. Enfin, les coups de foudre réciproques ! Car, moi, là, j'étais... Empoisonnée. Cela faisait onze heures que je l'avais vue et je me souvenais encore de cet éclat dans le regard, cette petite lueur innocente et pleine de joie. Je n'avais même pas répondu à son sourire, idiote que j'étais... Que je serai toujours, même à soixante ans ! Dentier ou pas, jamais je n'oserai sourire en retour à une jolie fille.


Gé-ni-al.


Je marchais dans la gare, m'avançais vers le parking pour voir une foule amassée à l'arrêt de bus. Une foule en colère. Le peuple semblait ne pas apprécié une nouvelle et, tout ce que je pouvais espérer, c'était que cela ne concernait pas une potentielle grève sauvage des bus ou l'annulation des derniers bus... Je préférais encore assister à une bagarre de rues - gang ou pas, je m'en fi-chais -, tant que je pouvais finir par prendre mon bus et rentrer chez moi. Marcher une heure jusqu'à mon domicile - minimum - ou faire du stop, je n'en avais pas du tout le courage. Surtout qu'avec mon karma, le conducteur allait être un psychopathe de la musique, mettant des artistes faisant saigner mes oreilles de littéraire.


Pour me rassurer, tout en priant n'importe quelle divinité - Brigit, Artemis, Zeus, Odin ! N'importe ! -, j'osais enfin sortir mon téléphone pour regarder mes e-mails, regarder les notifications des bus et... Voir, qu'en fait, l'annonce des bus de ma ligne... Annulés. Un accident. Ah. Ah. Comme quoi, prier, à part faire perdre du temps et de la salive, ça ne servait à rien ! Un grognement s'échappait d'entre les lèvres, un son guttural et rageux que je ne pouvais garder au fin fond de moi, tant la journée semblait se retourner contre moi, de toutes les façons possibles : une belle fille que je ne reverrai jamais, des travaux impossible, des collègues de groupe aussi exécrables que la Peste, un type qui avait roulé dans une flaque de boue alors que j'étais sur le trottoir à côté de ladite flaque, mon sandwich qui s'était défait en l'ouvrant, le bus qui décidait de me nier royalement... ça allait être quoi, après ? L'orage pendant que je marchais ? Ou comment faire pitié, même au Diable.


"Voulez-vous que je vous dépose ? Ou vous payer un café ?

- Non et non. Je peux très bien me débrouiller toute seule. maugréais-je, en croisant les bras."


En plus, un café. Qui était ce cinglé ? Un lourd qui pensait qu'à cause d'une mauvaise journée, j'accepterais de retourner ma veste et de devenir hétéro' pour ses "beaux" yeux ? Même Richard Madden n'arriverait pas à me faire aimer les pectoraux. Donnez-moi une Karen Gillan, là, je dirai oui sans hésiter !


"Oh allez, vous avez l'air perdu et je parie que vous faites partie de ces pauvres gens privés de bus."


En fait, c'était marqué sur mon front que j'étais désespérée, aujourd'hui. Mais... Pas au point de dire oui au premier venu ! Finalement, je tournais légèrement la tête pour observer ce type... Qui me disait quelque chose. Il prenait souvent le train, tous les lundis en fait. Le matin et le soir, il était fréquent que je le croise. Il souriait toujours et moi, je fuyais. A. Chaque. Fois. La rousse de ce matin avait un bien plus beau sourire, plus chaleureux et, surtout, elle ne ressemblait pas au Joker quand elle souriait, elle.


"Non merci.

- Je ne partirai pas tant que vous ne direz pas oui."


Ne pas répondre. Même s'il était tentant de lui dire qu'il n'avait qu'à se les geler toute la nuit, moi, je partais... Il ne fallait pas que je parle à nouveau, sinon il allait finir par croire que j'étais simplement timide et effrayée à l'idée de lui dire oui. Sauf que, non, pas du tout. Je le ressentais, son côté lourdeau... Déjà qu'il envahissait mon espace personnel, j'étais obligée de reculer. Il ne ressemblait pas qu'au Joker, pour le sourire, mais aussi pour le côté oppressant... Je serrais la mâchoire, m'empêchais de courir et restais simplement calme, avançant vers la sortie du parking. Quitte à marcher toute la soirée, sous la pluie, la grêle ou qu'importe ce que prévoyait la météo, je ne monterai pas dans sa voiture...


"Alors ?"


L'homme me barrait le chemin. Purement et simplement. Il était là, face à moi, et m'empêchait de passer. De quoi donner des envies de lui foutre un coup de pied entre les jambes. Ça allait calmer sa testostérone.


"Désolée, chérie ! Mon train était en retard, je n'ai pas pu te prévenir, mon téléphone est tombé mort, ce matin. Mais je peux toujours te déposer !"


Chaud. J'avais très... Trop chaud, là, alors qu'un bras se glissait au creux du mien et s'y accrochait d'une façon si naturelle. Ce qui ne l'était pas. Ce n'était pas normal que je sente une sensation de chaleur sur mon côté gauche, à l'approche de cette inconnue, de cette voix que je ne connaissais pas mais qui me venait en aide, d'une façon des plus originales. Le regard sur elle, mon coeur ratait aussitôt un battement. La teinte de mon visage virait au rouge vif, tandis que celle de ma "chérie" était aussi pâle que la lune lorsqu'elle était pleine. Le myocarde dans ma poitrine, devenait fou, empêchait mon esprit de raisonné tel qu'il le devrait et aucun son ne s'échappait d'entre les lèvres désormais closes, non pas pour éviter de donner de l'importance à un macaque mais pour éviter de faire fuir ma sauveuse à la toison de feu, en bégayant tel un nouveau-né qui babillait.


"Vous pouvez partir, maintenant, monsieur, je m'occupe d'elle.

- Mais je suis sûr que...

- Vous n'êtes sûr de rien et s'il faut, je hurle que vous nous agressez, ma belle et moi. - un sourire ponctuait sa menace non-dissimulée, le même sourire qui m'avait fondre ce matin - Alors ?"


Mes yeux ne se détournaient pas de cette inconnue, n'arrivaient pas à se défaire de cette beauté que j'avais cru ne jamais revoir. La vie m'en avait tellement voulu, durant toute la journée, que j'étais persuadée ne jamais revoir cette beauté rousse. Mon attention n'était rivée que sur elle, ne remarquait pas le départ de cet homme un peu trop oppressant, un peu trop collant envers moi et que j'avais été à deux doigts d'émasculer pour m'en sortir. Le sourire de ma sauveuse ne se décollait pas de ses lèvres, il brillait toujours des mêmes étincelles que ce matin et m'éblouissait de cette pureté... Mon coeur battait si fort que j'avais l'impression qu'il allait finir par exploser ma cage thoracique et sortir de mon propre corps. Il émanait de ses battements une chaleur agréable, qui se répandait dans tout mon être, mais aussi un froid piquant lorsque le bras de la rouquine s'éloignait du mien. Un vent glacial s'emparait de moi, comme si elle venait de m'arracher la vie et que je n'étais plus qu'un corps refroidi par le temps.


"Ah euh ! M-m-m... - une grande inspiration, je reprenais ensuite contenance - Merci ! Vous m'avez sauvé sur ce coup...

- Je l'ai fait avec plaisir."


Ba-doum. Ce sourire qui s'élargissait quand elle me répondait, que son regard azuré croisait le mien. Mon coeur était devenu fou et ma raison suivait doucement ce chemin de la démence... Cette douce démence à laquelle j'étais inconnue, un coup de foudre en plein, où cette sublime femme hantait mon esprit depuis ce matin. Où je n'arrivais pas à aligner deux mots, sans que mes joues ne deviennent encore plus rouges, encore plus vives. Il fallait que je montre que je n'étais pas qu'une carpe - ou un homard bien cuit, vu la teinte que devait prendre mon visage - et que j'avais autre chose à dire que : merci.


Attrapant le peu de courage en moi, j'osais, j'ouvrais la bouche et je sortais... La pire des conneries de stéréotypes :


"Je peux vous payer un café pour vous remercier ? Enfin, euh... Non, on oublie, c'est ce que m'a proposé ce type et j'avais envie de le claquer...

- Avec plaisir !

- Oui, je... hein ?"


Un timide sourire s'affichait enfin sur mes lèvres, le coeur ratant un battement lorsque mes pensées comprirent qu'elle avait bien accepté, qu'elle n'avait pas dit non, à la même demande qu'il m'avait faite... Oh... Mon... Dieu... Peut-être que les films à l'eau de rose avaient en partie raison ? La vie pouvait être belle !


"Je m'appelle Willow.

- Elisabeth... soufflais-je en attrapant doucement la main qu'elle me tendait."


Ses doigts se glissaient sur la paume de ma main, lorsqu'elle séparait notre poignée de mains, ce qui provoqua de violents frissons chez moi. Des frissons alors qu'une nouvelle vague de chaleur se répandait en moi, partant du bout de mes doigts jusqu'à mon coeur. Coeur qui se voyait être meurtri, le battement s'interrompant quand son bras se glissait à nouveau dans le mien, qu'elle prenait place à côté de moi... Contre moi.


"Autant continuer à jouer les petits couples, au cas où il reviendrait.

- Ah euh, ce n'est... Pas une mauvaise idée, oui !"


Au secours, j'allais finir par faire un arrêt cardiaque, à force...


"J'avais vraiment envie de te parler depuis ce matin."


Elle disait ça si simplement, alors que les mots restaient au fin fond de ma gorge et ne sortaient qu'en sons séparés. J'aurai voulu avoir son aisance pour lui faire comprendre que, moi aussi, depuis ce matin, je ne pensais qu'à elle. Qu'à lui demander son prénom, apprendre qui elle était et laisser mon coeur voguer sur cette douce aventure qu'était le coup de foudre... A quel moment était-il possible de tomber sous le charme d'une inconnue, aussi vite, aussi fort ? Avoir son corps qui perdait le mode d'emploi de toutes fonctionnalités ?


"M-moi aussi... Mais je pensais... Bah, je me suis dit que... J'avais raté ma chance. riais-je doucement, en souriant en coin, gênée.

- Je n'aurai pas laissé partir une fille si mignonne !"


Elle voulait ma mort, en fait... Mais ça faisait tellement plaisir. De se dire que les illusions des films et des romans, ça existait. Que j'avais peut-être ma chance avec cette rousse, cette lionne à la si belle crinière et au regard aussi profond et envoûtant que l'océan... C'était surréaliste comme situation et, pourtant, j'étais là... Avec Willow à mon bras, le coeur battant avec force dans ma poitrine, nous nous dirigions vers le café de la gare, pour discuter... Pour faire connaissance et... Nous allions voir. Je ne pouvais connaître le chemin du destin et du futur, je ne pouvais l'anticiper. Je l'avais bien compris, là, maintenant. Mais, ce qui était sûr, c'était que je n'avais pas l'intention de lâcher cette belle lionne. Je comptais bien saisir cette chance que la vie m'avait enfin offerte... Celle de combler cette attirance, ce charme que j'avais pour cette femme... Vivre, tout simplement, une histoire. D'amour ? Une partie de moi l'espérait, vivre une relation avec cette femme que je ne connaissais pourtant que très peu, mais dont tous mes atomes étaient attirés...


Plus qu'à voir ce que me réservait le futur. Rien que cette soirée.

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Commentaires & Discussions

Crinière de feuChapitre1 message | 3 ans

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