Chapitre 14 : Le conseil d'administration (2)
Cela faisait une trentaine de minutes que la réunion du conseil d’administration avait débutée. Cédrick, qui se tenait debout devant tout le monde et avait donc leur attention, avait beaucoup de mal à cacher sa nervosité. Cependant, malgré ça, il continua sa présentation jusqu’à ce qu’un des jumeaux Wingston lui pose soudainement une question vis-à-vis du produit qu’ils étaient sur le point de lancer.
- Bien que je sois très impressionné par les résultats que ce produit puisse avoir sur le corps humain, ne serait-il pas mieux d’être moins transparent sur les effets secondaires ? Certes, nous sommes tenus par la loi de les indiquer dans la notice, mais pourquoi devons-nous également le faire durant la campagne publicitaire ? Je pense que cela risque de réduire nos ventes.
- J’allais justement y venir, monsieur Wingston. La campagne marketing mentionnera bel et bien les effets secondaires, mais uniquement à la fin du spot publicitaire. Nous avons également décidé d’accélérer l’énonciation. Selon les résultats obtenus des groupes tests, 85 % des sujets tests ne se souciaient pas de ce qui était dit en accéléré à la fin de la publicité.
- Si l’on se base sur la taille de notre population cible, les 15 % restants représentent tout de même un peu à peu près 21 millions de personnes. 21 millions de personnes peuvent ne pas acheter notre produit par peur des effets secondaires. Comme Henry l’a si bien mentionné, cela risque effectivement de réduire nos ventes en plus d’impacter négativement nos actions. Nous ne pouvons pas laisser une chose pareille se produire.
- Alice, il n’y a pas à s’affoler. Je suis sûr que monsieur Schwartz saura répondre à toutes nos préoccupations, n’est-ce pas ? rétorqua Herman.
Alors que son employeur venait tout juste de prendre la parole, Cédrick ne put s’empêcher de se demander pourquoi il s’était levé cette matinée. Cela aurait été tellement plus facile pour lui rester dans son lit. Mais il avait besoin de son travail. Non seulement cela payait très bien, mais il était également assez attrayant, si tant est que l’on ne tînt pas compte de certains évènements comme celui qu’il était en train de vivre.
- Bien entendu, monsieur Invictus. Pour revenir où nous en étions, parmi les 15 % des sujets tests qui ont fait attention à la liste des effets secondaires mentionnés à la fin du spot publicitaire, seulement 13 % d’entre eux ont été réticents à utiliser notre produit. Néanmoins, c’était avant que nous ne procédions à une nouvelle expérience…
Herman et les autres membres du conseil d’administration l’écoutèrent très attentivement tandis qu’il leur expliquait, images à l’appui, comment la plupart des sujets tests avaient été manipulés afin que tout le monde se mette à utiliser leur produit.
- Nous avons pu ainsi obtenir un taux de consommation de 98,7 % avec un taux de rétention de 100 %, poursuivit-il.
- 1,3 % des participants restent toujours hésitants à se procurer notre produit. Cela reste néanmoins excellent. Avec un tel taux de rétention, nous sommes sûrs d’en tirer un profit phénoménal. À combien se sont élevés les coûts de développement et de production ?
Herman montra alors à Wrightway Sr le montant que la filiale pharmaceutique de sa société avait dépensé pour mettre au point le produit et celui représentant une estimation du profit qu’ils allaient faire sur le marché domestique.
- Des gains très attrayants. Néanmoins, je me permets d’émettre quelques préoccupations vis-à-vis du coût de développement. Y a-t-il une raison qui expliquerait un tel nombre ?
- Il y en a en effet une, mais nous en discuterons après la présentation de monsieur Schwartz.
- J’étais également sur le point de te faire part d’un problème au niveau du nombre affiché au niveau des ventes à l’international, mais je suppose que cela va également être discuté après la présentation, n’est-ce pas ?
- C’est cela, Jennifer. Tout sera plus clair après. Cédrick, vous pouvez poursuivre.
Schwartz poursuivit donc sa présentation sous les regards attentifs et les nombreuses questions des membres du conseil d’administration.
*
Tandis que la réunion entre Herman et ses invités se poursuivait, Natacha, qui avait temporairement quitté son poste, se trouvait désormais dans la cafeteria. Elle se tenait debout devant la machine à café, observant comment cette dernière déversait le liquide noir dans son thermos. La jeune femme avait alors l’esprit ailleurs, repensant à ce qui s’était passé plus d’une heure auparavant, repensant à comment elle avait fini dans les bras d’Herman Invictus. C’était une image qui était désormais gravée dans son esprit, une image parmi toutes celles qu’elle détestait. Et pour cause, finir involontairement dans les bras de cet homme qui avait souri juste après était comme si l’univers lui disait qu’elle devait tout simplement accepter sa nouvelle condition et lui laisser faire tout ce qu’il voulait d’elle.
Barnes était certes obligée de se plier à ses moindres désirs sordides pour le moment, mais elle ne souhait pas que cela devienne permanent et encore moins prendre du plaisir au cours de ces activités obscènes. Elle avait déjà un homme pour ça, un homme qu’elle aimait au plus haut point et elle ne voulait absolument pas que ses obligations actuelles entachent sa relation avec Michael quoiqu’elle avait déjà l’impression que c’était déjà le cas. Néanmoins, elle ne voulait pas que les choses s’enveniment. Michael était beaucoup trop important à ses yeux et elle ne souhaitait pas le perdre.
Et alors qu’elle avait l’esprit ailleurs, quelqu’un tapota soudainement l’épaule de Natacha, ce qui la fit légèrement sursauter.
- Natacha, ça fait des lustres que je t’appelle. Est-ce que tout va bien ?
La personne qui venait tout juste de surprendre Barnes et à qui elle répondit que tout allait bien était une jeune femme portant un hijab.
- Tu es sure ? Tu avais l’air plutôt distraite.
- Oui, Fatima, tout va très bien. J’avais juste l’esprit ailleurs à cause de tout ce qui se passe en ce moment. J’ai tellement de travail que je ne sais plus où donner de la tête.
- Je vois. Il ne faut pas trop te surmener.
- Tu n’as pas à t’inquiéter pour ça. Je fais très attention à moi.
- On ne dirait pas…, rétorqua Fatima en pointant du doigt le bandage que Natacha avait autour de la main.
En le voyant, la jeune femme ne put s’empêcher de penser à ce qui s’était passé la veille dans les toilettes pour femmes, de penser au moment où elle avait failli quitter ce monde et laisser Michael et toutes les personnes qu’elle aime derrière.
- Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Rien de très grave. Je me suis juste coupée hier pendant que je travaillais.
- Il faut faire attention à toi, Natacha. Cette entreprise ne mérite pas qu’on sacrifie notre santé ou notre vie pour elle.
- Tu as absolument raison.
Les deux femmes se mirent ensuite à rire de façon conviviale, du moins jusqu’à ce que la machine à café signale qu’elle avait fini d’accomplir sa tâche.
- Du café à cette heure ?
- Oui, malheureusement. Je n’ai pas assez dormi la nuit dernière et avec les membres du conseil d’administration qui sont actuellement en pleine réunion, je dois impérativement rester éveillée, dit Barnes en se saisissant de son thermos.
- Dure. Force à toi.
- Merci beaucoup. Bon, à plus tard.
- À plus.
Cependant, contrairement à ce que Fatima espérait, Natacha se dirigea d’abord vers sa voiture dans le parking sous-terrain où elle avait pour but de mélanger un certain liquide à son café avant de retourner à son poste.
Alors qu’elle venait tout juste d’arriver à son poste de travail, Natacha tomba nez à nez avec Cédrick Schwartz qui venait tout juste de sortir de la salle de réunion. Elle lui demanda bien évidemment comment sa présentation s’était déroulée, ce à quoi il répondit qu’il s’en était sorti vivant malgré les incessantes questions des membres du conseil d’administration.
- Au moins, ce n’est pas aujourd’hui que je vais perdre mon boulot, poursuivit-il.
- Tu sais, si cela devient trop stressant, tu peux toujours démissionner. Je suis sûr que les ressources humaines trouveront vite quelqu’un pour te remplacer.
- Ahahah ! C’est très tentant, mais je vais me contenter du stress pour l’instant. Au moins, cela me fait gagner de l’argent.
- C’est bien vrai. Nous en avons tous besoin, dit-elle avec le sourire.
Barnes avait beau afficher un plaisant sourire et plaisanter avec son collègue de travail, elle l’enviait énormément. En effet, contrairement à elle, il pouvait véritablement déposer sa lettre de démission et en finir avec tout ce qui concernait Herman Invictus et son entreprise, Black Crown. Ce n’était malheureusement pas son cas. La jeune femme n’avait pas ce luxe, elle n’était pas en mesure de s’éloigner de l’emprise de cet homme et encore moins d’échapper à ses moindres désirs. Toutefois, elle espérait, espérait que tout cela s’arrête et qu’elle retrouve une vie normale aux côtés de son homme à la fin de cette semaine.
- Bon, Natacha, c’est pas tout ça, mais il faut que j’y aille. J’ai encore beaucoup de travail qui m’attend.
- Je ne vais te retenir plus longtemps. Prends soin de toi, Cédrick.
- Merci beaucoup. Prends aussi soin de toi.
- J’y tacherai.
Les deux collègues se séparèrent finalement, chacun retournant à son poste.
*
La réunion du conseil d’administration se poursuivait toujours. Et maintenant que son employé avait quitté la pièce, Herman et ses invités de marque pouvaient désormais discuter en toute quiétude.
- Vous pouvez désormais me poser vos questions, rétorqua Invictus.
Sans perdre la moindre seconde, Homes lui demanda des explications vis-à-vis du nombre affiché au niveau des estimations de leurs profits au niveau international.
- S’agit-il d’une erreur de frappe ? continua-t-elle.
- Il ne s’agit en aucun cas d'une erreur, Jennifer. Le chiffre que vous avez tous sous les yeux est bel et bien une estimation de nos profits sur la première année de mise sur le marché…
- Tout ça rien que sur la toute première année ? C’est incroyable.
- Nous sommes sur le point de mettre sur le marché un produit révolutionnaire, un produit qui va changer la vie de nombreuses personnes. Il est donc tout à fait normal que nous fassions autant d’argent.
À ce moment, Wrightway Sr intervint en lui disant que tout cela était très plaisant à entendre, mais que ça n’expliquait pas pourquoi les coûts de développement du produit avaient été aussi élevés.
- En ce qui concerne les coûts de développement, David, cela s’explique par le fait que nous avons mis au point deux formules différentes.
- Deux formules différentes du produit ? Mais pourquoi faire ? C’est une perte d’argent considérable.
- Pour ralentir les progrès de nos concurrents. J’ai pour objectif de faire fuiter la seconde formule du produit quelques semaines après son lancement. Cette dernière est près de 50 % moins efficace que la formule originale, ce qui nous permettra de faire un maximum de profit pendant qu’ils chercheront à l’améliorer.
- Et en employant cette stratégie, on évite également de s’attirer les foudres de la commission fédérale, ajouta Alice.
- Exactement. Nous contrôlerons complètement le marché tout en étant protégés de la commission fédérale. Et si par je ne sais quel moyen, ils venaient à nous tomber dessus, nous n’aurons qu’à faire pression sur nos concurrents ou les poursuivre pour espionnage industriel. Et avec tous les politiciens que nous avons sous la main, la partie est gagnée d’avance.
Les membres du conseil d’administration restèrent sans voix devant le plan d’Herman. Et pour cause, il était très bien ficelé et, comme il l’avait si bien dit, la partie était gagnée d’avance. Tout ce qu’il leur restait à faire était juste de mettre le plan à exécution et de récolter leurs profits.
- Quelqu’un a-t-il quelque chose à rajouter avant qu’on mette un terme à cette réunion ? questionna alors Invictus.
Tout le monde dans la salle resta silencieux, n’ayant visiblement rien à dire, du moins tout le monde sauf Jennifer Homes qui intervint en lui demandant s’il serait à même de lui rendre un service assez important.
- Bien évidemment. De quoi s’agit-il ?
La jeune femme lui expliqua alors qu’elle avait besoin de son aide pour faire des recherches sur le patron et fondateur d’une société au potentiel exceptionnel.
- Comme vous le savez si bien, je garde un œil sur la plupart des start-ups qui émergent.
- Nous le savons parfaitement. Où veux-tu en venir, Jennifer ?
- Olympus, l’une d’entre elles a particulièrement attiré mon attention de par sa croissance fulgurante. Cela ne fait même pas un an qu’elle existe que son chiffre d’affaires dépasse déjà le milliard de dollars, et ce sans le moindre investisseur extérieur.
- C’est très impressionnant en effet. Et je suppose que tu as pour objectif de racheter sa société ou du moins y investir.
Jennifer lui répondit que c’était effectivement le cas, mais qu’elle se heurtait continuellement au même problème. Pour faire simple, Fujitora, le patron et fondateur de cette entreprise refusait de s’entretenir avec elle, prétextant à chaque fois qu’il était occupe et n’avait donc pas le temps pour une rencontre.
- Il doit sûrement être allergique au plastique. Ce serait vraiment dommage pour lui de faire une crise moins d’un an après avoir démarré sa société.
- Ferme ta grande gueule, Alice. Personne n’a demandé ton avis. Bref ! Pour revenir à ce dont je parlais, j’ai essayé de faire des recherches sur lui pour trouver une faille que je pourrais exploiter, mais tout chez lui est correct. Que ce soit sur le plan professionnel ou personnel, tout est clean.
Wrightway Sr intervint à son tour en disant que personne n’était vraiment clean, que tout le monde avait des secrets sales à protéger.
- Surtout une certaine personne parmi nous, pensa Alice à cet instant.
- Je suis du même avis. C’est pour cela que j’ai besoin de ton aide, Herman. Tu as des ressources que je n’ai pas.
- Je vois exactement de quoi il en retourne. Je mettrai mes meilleurs hommes sur le coup et t’informerai des résultats. Sur ce, je pense que nous avons fait le tour de nos investissements et du lancement de notre produit sur le marché.
- J’ai vraiment hâte de m’en mettre plein les poches.
- Moi aussi, Alice. Mais pour l’instant, je pense qu’il est temps de nous ressourcer.
- Je pensais que tu ne le proposerais jamais.
En voyant les réactions positives de la plupart des membres du conseil d’administration, Herman leur proposa de se rendre dans un restaurant situé non loin de sa société, ce qu’ils acceptèrent presque tous. Il contacta donc sa secrétaire, Tess Harlock, et lui demanda de prendre une réservation pour 8 au Bender dans la prochaine heure.
- Mademoiselle Barnes et vous viendrez ensuite récupérer dossiers et documents.
- Tout de suite, monsieur Invictus, répondit-elle au téléphone.
Alors qu’il venait tout juste de raccrocher, David Wrightway Sr, l’homme dont le pommeau de canne avait la forme d’un serpent, se leva de son siège et s’excusa auprès d’Herman et des autres personnes se trouvant dans la pièce. Il leur dit notamment qu’il ne pourrait pas se rendre au Bender avec eux.
- David, est-ce que tout va bien ?
- Pas vraiment, mais il s’agit de quelque chose dont je dois m’occuper personnellement. Navré de ne pas pouvoir aller à ce restaurant avec vous, répondit-il.
- Tu n’as pas à t’excuser, David. Nous te comprenons parfaitement. Mais tu seras tout de même présent parmi nous ce week-end, n’est-ce pas ?
- Bien évidemment. Il n’y a aucun moyen que je rate une séance de dégustation.
Et alors que le vieil homme se dirigeait d’un pas assuré vers la sortie de la salle de conférence, quelqu’un frappa brusquement à la porte avant de l’ouvrir. Natacha se présenta alors devant tout le monde, cette dernière étant venue récupérer tous les dossiers et documents ayant été utilisés durant la réunion. Et en voyant sa secrétaire à la peau couleur ébène et au corps de déesse, Herman ne put s’empêcher d’esquisser un léger sourire. Il était vraiment impatient d’être au lendemain soir.
A suivre !!!
Plus de chapitres sur amethystwriters.com
Annotations
Versions