Aurélie
Une nouvelle histoire, celle d’Aurélie. Une grand-mère de 70ans, seule, vieille, triste. Immobile sur son grand fauteuil bleu la vieille femme fixe le cendrier vide sur la table devant elle. Elle ne l’a jamais enlevé, elle l’a toujours gardé. En souvenir.
Aurélie fixe l’objet en verre, elle observe avec attention les taches noires au fond. Chaque trace lui rappelle. Chaque tache lui ravive la douleur. Tout ce poison, toute la mort et la vie résumés là sur cette fichue table. La vieille est ridée, fatiguée et marquée jusqu’à sa fin. Elle sait. Mais Aurélie ne pense plus, elle ressent. Aurélie à les larmes aux yeux, yeux gonflés et rougis comme deux montagne d’ocre où la neige fond. Certains lui disaient qu’il fallait qu’elle oublie. Mais comment oublier celui avec qui elle a passé 47ans de sa vie? Impossible. Impensable ! Voilà déjà 3 ans. Trois putain d’années se disait-elle. Peu importe la grossièreté, peu importe le jugement des autres. C’était trois putain d’années. Personne ne pouvait comprendre. Aurélie était seule. Seule. Ce mot avait un sens ici qui n’était pas le plus simple ni le plus beau. Non. Seule ici voulait dire seule. Toute seule. Plus d’amis, plus de famille, plus d’air. Juste seule dans l'immensité du néant, seule dans la douleur d'un chaud tord-boyaux. Et Aurélie savait. Elle avait fini par l’écrire partout, sur des bout de feuilles, sur le bureau du salon, sur la table en bois, sur les fenêtres avec la buée. La folie solitaire s'était emparée d'elle. La vieille femme s'était relevée, elle était à présent debout face à la baie vitrée. Sa main gauche était en appui sur le mur. Dans ses mains se résumait l'intégralité du travail, de la vie active, puis de la retraite et de l'ennui. Aurélie souffla de l'air chaud sur la vitre devant son visage. Elle dessina dans la buée quatre lettres. Toujours les mêmes. Celles qui jonchaient le sol, les murs, le plafond. Celles qui broyait son coeur vieillit. Léon. Toujours Léon…
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