Encore une belle réunion
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- Mesdames, messieurs, allez-y entrez et installez-vous rapidement. Il faut qu’on soit conclusifs cette fois-ci. Trois heures de réunion la semaine dernière pour n’arriver à rien, c’est pas possible ! Soyons efficaces et conclusifs (et synthétiques quand on parle) et on s’écoute et on ne parle pas tous en même temps.
Tout le monde s’installe (raclement des chaises sur le sol, chacun sort son PC, l’allume – oui, plus personne ne prend des notes sur un carnet avec un crayon… On est des gens modernes !)
- Allez, allez, activez un peu. Ce sera Madame Brun, la gardienne du temps, elle veillera à ce que chacun puisse parler mais ne s’exprime pas plus de deux minutes. Elle veillera également à ce qu’on arrive rapidement à une synthèse sur laquelle on votera à main levée. Allez, Monsieur Ploute, c’est à vous, exposez-nous le problème.
- Hem, voilà, le problème est le suivant : faut-il accorder des vacances aux parents, sans leurs enfants ou est-ce qu’on considère que celles-ci sont un moment privilégié de partage entre parents et enfants ?
- Bien, merci Monsieur Ploute, le problème est effectivement bien posé. Alors quelqu’un veut s’exprimer ?
- Oui, moi !
- Madame Flature ? Nous vous écoutons. Au fait, pouvez-vous rappeler à l’assistance qui vous représentez ?
- Bien sûr, je suis la représentante de l’association FBPF…
- Ce qui veut dire (brouhaha dans la salle, dehors les cathos, plein l’cul des traditions…) ? S’il vous plaît, chacun pourra s’exprimer. Quelle est la signification de ce sigle, Madame Flature ?
- Il s’agit bien sûr de l’Association des Familles Bien-Pensantes de France.
- Bien, je vous remercie et quel est l’avis de l’AFBPF.
- Euh non, Monsieur le conseiller du ministre, il s’agit de l’association FBPF.
- C’est ce que je viens de dire, non ?
- Non, vous avez dit l’AFBPF.
- Et c’est quoi la différence ?
- Et bien on ne met pas "Association" dans le sigle...
- Si vous voulez… (on s’en branle pfff) donc, faites-nous part de la position de l’association FBPF s’il vous plaît.
- Pour nous, les vacances sont effectivement un moment privilégié de partage et de communion entre les parents et leurs enfants. Il s’agit de retrouvailles autour du pain...
- (et du vin) suivis d’éclats de rires dans la salle.
- Je vous en prie, un peu de sérieux, allons, on n’est pas là pour toute la journée, vous avez terminé, Madame Flature
- Oui, pour le moment (vexée, la représentante de l’AFBPF, oups pardon, de l’Association FBPF)
- Surtout qu’elle a un peu dépassé les deux minutes, releva Madame Brun
- Bon, ça va, on ne va pas commencer comme ça… Qui veut prendre la suite ?
- Moi je veux bien
- Oui, vous êtes ?
- Monsieur Braloute
- Enchanté Monsieur Braloute et vous représentez ?
- Je suis là pour défendre les idées de l’APQeOMdEC !
- Houla, et ça veut dire quoi tout ça ?
- C’est l’Association des Parents Qui en Ont Marre d’Être Culpabilisés
- Eh bien, au moins les choses sont claires… Et votre position concernant les vacances, quelle est-elle ?
- Pour nous, les parents ont besoin de souffler, sans leurs enfants mais aussi de ne pas être culpabilisés, parce qu’ils élèveraient mal leurs enfants. En effet, s’il y avait une éducation parfaite, ça se saurait, vous ne croyez pas, Monsieur le conseiller. Avez-vous eu une éducation parfaite, vous ? Non je suppose ! Et est-ce que vous culpabilisez vos parents pour autant ? Non je suppose alors que la société, elle ne fait que culpabiliser les parents, pour un oui, pour un non. On fait trop ceci, pas assez cela, jamais comme il faut alors, y en a marre…
- Oui, oui, si je comprends bien, vous souhaitez des vacances sans vos enfants ?
- Oui parce que vous comprenez, on n’en peut plus. Il faut faire quelque chose avant qu’on ne les enferme dans la cabane au fond du jardin et qu’on reste à picoler pendant qu’ils hurlent dans le soleil couchant pendant qu’on boit…
- Oui, je comprends bien votre position.
- C’est bien parce que la culpabilité, on dit stop, ça suffit…
- Oui, oui, je crois que tout le monde a bien compris (il n’a visiblement pas fini avec la culpabilité, le garçon…). Merci Monsieur Braloute. Qui veut s’exprimer maintenant ?
- Moi, j’ai mon mot à dire !
- Oui, vous êtes Monsieur ?
- Je suis Monsieur Chantraud
- (Je suis bien avancé, là…) et vous représentez qui Monsieur Chantraud ?
- Je représente les professionnels du tourisme
- Mais qu’est-ce que vous venez faire dans cette réunion ? Et qui vous a invité ?
- Ben, c’est vous Monsieur le conseiller… Et je viens défendre la cause des professionnels du tourisme dans cette réunion, parce que votre décision aura un impact non-négligeable sur notre profession, mal connue et mal reconnue par le ministère.
- Je vous écoute, Monsieur Chantraud (soupir), quelle est la position de votre profession ?
- Ben c’est pas simple, d’un côté, on se dit que si les enfants sont avec leurs parents, ils vont plus dépenser, puisque leurs parents seront là pour céder à leurs caprices
- Et de l’autre côté ?
- Ben de l’autre côté, si les enfants partent d’un côté et les parents de l’autre, ça fait deux fois plus de séjours. Deux fois plus de séjours, ça fait deux fois plus de nuitées, donc c’est bon pour la profession. Mais d’un autre côté...
- Oui, donc d’un troisième côté ?
Sourire de Madame Brun qui flatte son chef en espérant avoir la classification 257 au premier janvier prochain
- Non, c’est toujours de notre côté, pas d’un troisième côté (mais qu’il est con, il n’a pas compris mon humour cet imbécile...), donc d’un autre côté, les enfants sans leurs parents, ils n’ont que leur argent de poche et comme les parents sont souvent radins, ils ne vont que très peu leur donner, donc pas beaucoup de dépense… Mais d’un autre côté...
- Ça devient un carré maintenant, Monsieur Chantraud (regarde-moi cette abrutie de Brun, elle est pliée de mes conneries... Comme si ça allait favoriser sa promotion... Même pas foutue de dire aux participants de se taire au bout de deux minutes. Faut que je fasse tout ici) Au fait, Monsieur Chantraud, au fait, ça fait largement plus de deux minutes que vous parlez...
- J’y viens, j’y viens. En fait ce qui est compliqué, c’est que les parents, quand ils sont seuls, ben ils vont plus souvent au bar, ils y restent plus tard et donc ils dépensent plus…
- Ce qui fait que votre position sur ces vacances avec ou sans enfants, c’est quoi au final ?
- Ben en fait on n’en sait rien.
- Je vous remercie de votre intervention qui était vraiment indispensable, Monsieur Chantraud (mais qui m’a foutu un connard pareil ?). Quelqu’un d’autre a un avis intéressant à partager ? J’ai bien dit intéressant…
- Moi j’ai quelque chose à dire.
- Oui, vous êtes ?
- Mademoiselle Gratu
- Et vous représentez qui, madame Gratu ?
- Je représente les parents d’enfants multiples.
- Mais ça veut dire quoi ça ? Les parents qui ont eu plusieurs enfants ? Vous devez être légion, non ?
- Non, pas du tout, les parents des enfants qui sont plusieurs dans leur tête.
- ????
- Voilà, je le savais, personne ne veut nous écouter, c’est comme si nous n’existions pas...
- Mais pas du tout Madame Gratu, je vous en prie, exprimez-vous (mais qu’est-ce que c’est que cette connerie ?).
- Alors pour nous c’est simple, déjà en temps normal, quand ils vont à l’école, c’est difficilement supportable juste les deux heures entre la sortie de l’école et le moment où ils sont mis au lit…
- Vous voulez dire que vous les mettez au lit à 18h30 ? (De pire en pire...).
- Pourquoi, vous trouvez que c’est trop tard ? Qu’ils ont besoin de plus dormir ?
- ….
- Pourtant on leur donne du Toplexil dès qu’il rentrent de l’école. Mais il faut quand même environ deux heures pour qu’ils s’endorment. Il faudrait peut-être qu’on demande aux enseignants de leur donner le sirop à la récréation de 15h.
- Mais enfin, Madame Gratu, ce sont des enfants...
- On voit que vous ne savez pas ce que c’est : Déjà deux enfants c’est difficile mais quand il y en a cinq dans chacune de leurs têtes et qu’en plus ils parlent aux pigeons en se parlant entre eux… Vous avez un joli chapeau Monsieur, pourquoi vos plumes deviennent-elles vertes ?
- Je crois qu’elle se sent mal, Madame Brun, vous ne voulez pas la sortir et appeler une ambulance s’il vous plait (au moins tu serviras à quelque chose... mais enlevez-moi cette folle de là. Qui est le cinglé qui a constitué le panel de cette réunion ? Je suis sûr que c’est Dupont, putain, je ne suis entouré que de branques ici…). Bon, reprenons, quelqu’un d’autre a quelque chose à dire sur le sujet ?
- Oui, moi, j’ai un truc à dire !
- Et vous êtes qui et vous représentez qui ? (Putain, mais ils n’ont pas encore compris qu’ils pourraient se présenter tous seuls ? Ils dorment depuis le début de la réunion ou quoi ?)
- L’APLCE.
- Ce qui veut dire (ils me font tellement suer avec leurs sigles à la con... Personne ne comprend de quoi ils parlent)
- L’Association des Parents pour le Libre Choix des Enfants !
- Pas la peine de crier comme ça, et votre position à vous, c’est quoi ?
- Il faut que les enfants puissent choisir s’ils veulent être en vacances avec leurs parents ou sans leurs parents ?
- Certes mais vous êtes plutôt favorable à quelle idée, vous ?
- Ça doit être le libre choix des enfants !
- Je comprends bien mais quand ils ont, disons 2-3 ans, voire avant, on fait comment ?
- Ça doit être le libre choix des enfants !
- Je vous remercie (il doit être rayé, celui-là) Quelqu’un d’autre ? (Putain vivement que ça se termine, j’en peux plus)
- Oui, ça fait longtemps que je veux intervenir mais personne ne me donne jamais la parole..
- Vous l’avez maintenant !
- Oui, mais je suis toujours invité à ne parler qu’en dernier, c’est injuste.
- Allez-y, venons-en au fait (j’en ai vraiment marre de cette réunion débile, je me demande bien qui a eu cette idée... Si ça se trouve c’est ce connard de ministre… Toujours avec des idées débiles qu’on doit mettre en musique nous-mêmes. C’est sûr qu’on ne le voit pas souvent se mouiller, celui-là. Tiens, quand je serai grand je veux faire ministre moi aussi, ça doit être cool), vous représentez qui ?
- Les PN.
- Les PN ?
- Oui, les Parents Normaux
- Ça existe ? (Mince, Brun n’est pas revenue, elle ne rigolera pas à mon humour pourri, dommage…)
- Oui, Monsieur ça existe !
- Et alors, c’est quoi leur position aux "Parents Normaux" ?
- C’est juste qu’il faudrait que vous arrêtiez de nous emmerder avec vos conneries de règlements, de lois, de culpabilisation (applaudissements de Monsieur Braloute). Laissez-nous élever nos gosses comme on peut. Ne nous faites plus chier et regardez, des fois, on ne réussit pas si mal, puisque certains de ces enfants peuvent devenir conseiller d’un ministre… Ou même des fois, là c'est exceptionnel tout de même, ils peuvent même devenir écrivains sur Scribay...
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