Obsession Rouge Sang.
L’impact des gouttes sur le métal picota le silence.
Soudain il y eut un temps mort !
Ils s’immobilisèrent…
Puis reprirent en catimini leur exploration dans l’atmosphère confinée.
Ses mains gantées de latex s’affairaient, la sueur perlait sur son visage et par fines rigoles chutait sur l’objet luisant qu’il maintenait avec peine.
C’était visqueux, rouge et poisseux, cela glissait entre le pouce et l’index.
Que dire aussi de l’odeur ?
Insidieuse, de métal rouillé.
Ça le prenait aux tripes, les siennes, alors qu’il violait celles du corps qu’il entreprenait… ces organes dont il jouissait le transportaient dans ses gestes.
C’était un infatigable perfectionniste et le scalpel volait sous ses doigts dessinant de fins graffitis. Roses, puis vermillon les ciselures violaçaient pour se transformer en inflorescences sanguinolentes qui se mettaient à bouillonner puis à bailler, offrant à ses doigts de latex la douceur d’un derme encore chaud.
Il était fasciné, submergé par la violence de ce qu’il ressentait, un puissant désir couvait entre ses jambes.
Tout à coup, des ligaments blanchâtres aux reflets bleutés sous la lumière frontale qui le coiffait lui arrachèrent un sourire de satisfaction. Cette boucherie serait-elle la dernière ou chercherait-il jouissance à découper, violenter d’autres anatomies dans de savantes chirurgies sophistiquées telles qu’il aimait en savourer dans les films d’horreur dont il était accro?
Ce défi le titillait et stimulait sa sanglante mission, il redoubla d’ardeur à fouiller et palper ce magma de muscles et de nerfs, de membranes et de vaisseaux. Il lui fallait faire place nette. Et vite !
Il serra les dents sous son masque, ses maxillaires se contractèrent dans un rictus découvrant quatre canines pointues. Au moins personne ne pouvait voir qu’il fourrageait dans les chairs en pataugeant dans ses incertitudes, tiraillé entre jubilation et nécessité.
Le temps lui était compté…
Son plaisir il devait juguler pour le pérenniser en ces lieux …
Sonia avait la même détermination. De ses grands yeux noirs et ses mains diligentes, elle le secondait parfaitement, complice et appliquée à écarter la plaie malgré quelques râles étouffés de leur victime qui commençait à reprendre conscience. Car c’était bien une victime qu’ils torturaient à deux.
D’un seul jet puis par saccades, le sang se mit à gicler !
Elle, ne vit rien venir, lui jubilait !
Sonia épongea impassible.
Elle épongea à chaque coup porté alors que le corps nu et incisé se vidait comme un lapin sous le faisceau blanc de la lampe. Spéléologues sans pitié pour le flanc béant et meurtri, ils charcutaient et s’acharnaient à en sonder la profondeur, en décalotter les os, en déchirer les peaux. Lui sirotait ses pulsions, résistant à l’envie de se lécher les doigts pour se concentrer sur le cou gracile de Sonia qui portait en son pli une petite corolle rose… Une fleur de lys !
…Monsieur Anubis se réveilla fort contusionné à gauche. Des hématomes zébraient sa hanche et les sutures tricotaient un gros point de bourdon qui le laissa fort marri. Un dispositif de transfusion ankylosait son bras droit.
Il ne sut jamais que sa prothèse avait servi de baptême du feu pour le jeune chirurgien qui était venu le visiter le soir de l’intervention pour s’enquérir de sa santé :
- Tout s’est bien passé ! Dans trois semaines vous cavalerez comme un lapin.
Il lui avait trouvé de drôles d’oreilles pointues, un sourire plutôt carnassier et son badge l’horrifia tant qu’il en fit un arrêt cardiaque…
On pouvait y lire : DR Drä Kulläh.
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