Paris, Août 2023

Dans la pénombre de son salon, Baptiste était affalé sur son vieux canapé, une cigarette entre les doigts, observant distraitement les volutes de fumée s'élever vers le plafond. Après une longue journée de travail au Bureau du BEA, il ressentait une fatigue profonde s'installer en lui. Il resta planté là sur son canapé, ne bougeant pas un muscle, lorsqu’il entendit au loin la voix de sa fille.

-Bonsoir Papa. Tu rentres tard.

-Bonsoir Romane. Je sais, je suis désolée. J’avais plein de boulot à finir.

-J’ai faim, dit Romane.

-Je vais te faire réchauffer des pâtes, ça te va ? , lui répondit son père.

Romane acquiesçât mollement et tourna les talons. Quinze minutes plus tard, le père et la fille dinait en tête à tête. Baptiste ne disait rien, il ne savait plus quoi dire. Romane mangeait lentement ses pâtes qu’elle voyait tous les jours dans son assiette.

-Elle revient quand maman ?, demanda Romane, comme tous les soirs.

-Je ne sais pas.

C’était la vérité. Baptiste ne savait pas quand est-ce qu’Alice rentrerait. Deux semaines s'étaient écoulés depuis le jour où leur mariage avait brusquement pris fin. Baptiste n’avait rien vu venir. Pour lui, ils étaient heureux. Ils avaient un appartement, un travail, leur fille Romane les comblait. Leur voyage en Grèce, l’été dernier, lui avait donné l’impression d’une véritable famille soudée et épanouie.

Puis, un jour, Alice lui avait fait part de son envie de déménager au Canada pour obtenir une promotion très avantageuse. Baptiste s’y était opposé en justifiant que toute sa vie était en France et que Romane avait ses copines et son école en France aussi. Baptiste et Alice se sont disputés de nombreuses fois à ce sujet. Il ne comprenait pas pourquoi elle tenait tant à ce projet et elle, ne parvenait pas le convaincre. Après 3 mois de disputes infernales, Alice informa Baptiste qu’elle avait pris son billet pour Montréal et qu’elle partait de son côté, puisque Baptiste et Romane ne voulaient pas la suivre. Malgré ses efforts pour la retenir, Baptiste se retrouva seul avec sa fille. Les murs de l’appartement semblaient résonner du départ d’Alice, chaque pièce était un rappel des moments qu'il avait partagé avec elle. Il ne savait plus comment s’occuper de Romane. Après tout, c’était sa décision qui l’avait privé d’une mère. Il n’arrêtait pas de se convaincre qu’il avait fait le bon choix. Romane n’avait peut-être plus sa mère, mais elle avait son père, ses grands-parents, ses copines, sa danse, ses habitudes. Il se rassurait en disant qu’ils iraient rendre visite à Alice pendant les vacances. Et puis, deux mois avaient passé. Alice n’était pas revenue, Romane avait 9 ans et n’avait reçu qu’un seul coup de téléphone de sa mère et Baptiste s’était concentré sur le travail pour se consoler.