En réponse au défi...

Nouvelle-instant
proposé par Pierre-Alain GASSE

Dénomination un peu abusive. J'entends seulement par là que votre texte devra se circonscrire à une unité de temps, objective ou subjective, aussi courte que possible et respecter les codes de base de la nouvelle : début "in medias res", personnages peu nombreux, action resserrée... Après, chute ou pas chute, à vous de voir. À vos plumes !

6 juillet 1954

—Tu as tout lavé.

— Mais oui, ne t'inquiète pas, je sais ce que je dois faire.

—Je n'aurais jamais dû les tuer, c'était tous des jeunes ! De toute façon, je refuserai si on propose un nouveau contrat.

— Viens te recoucher, chéri, tu sais bien que tu as fait ça pour sauver ta famille.

—Je n’en peux plus. Leurs têtes me hantent toutes les nuits.

René est assis sur le bord du lit. Le maillot trempé de sueur. Le visage entre les mains. Il pleure.

Germaine, sa femme, est depuis des années complice des horreurs de son mari. Elle n’a jamais rien dit. Pour elle, l’important n’était pas dans l’acte. Du moment que les victimes ne souffraient pas, elle acceptait tout en bloc sans rechigner.

—Tu te rends compte, hier, j'ai carrément rempli le camion avec Raymond

—Et Raymond il en pense quoi ?

—Oh, lui du moment qu'on le paye bien et en plus il aime ça.

—Demain, tu leur diras que tu veux arrêter, que tu veux passer à autre chose.

 —Chérie, je crois que tu t'imagines pas à quoi on s’expose. Regarde Jean-Claude, on l’a retrouvé la semaine dernière au rayon charcuterie chez Félix Potin. Tu te rends compte après trente ans comme tueur à la Villette. »

Note :

Félix Potin : Magasins fondé au 19e siècle et qui perdurera jusqu'en 1995.

La Villette : Abattoirs de bestiaux fermés en 1974 sur le site actuel du Parc de La Villette