Chapitre 1 : l'attaque
La forêt était calme et paisible. C’était le matin, l’aube pointait lentement le bout de son nez. Les rayons du soleil traversaient les feuillages et se reflétaient sur la rosée du matin, créant un hall de lumière. Le sol était couvert de fougères et buissons en tout genre.
Perché dans un arbre, un homme attendait, l’arc à la main, guettant le moindre mouvement. Il était grand, très svelte, les cheveux bruns court en bataille, la vingtaine. Ses yeux était marron avec une légère teinte de vert. Il portait un pagne en peau de smilodon avec une patte qui remontait sur son épaule et allais dans son dos, servant de bretelle. Un carquois avec une dizaine de flèche était accroché à sa ceinture, ainsi qu’une dague en silex. Une lanière de cuir traversait son torse en diagonal, maintenant trois lances dans son dos.
Un bruit attira son attention. C’était un grand cerf. Son pelage était gris. Ses larges et grands bois attestaient de son âge. Sa fourrure était marquée par de nombreuse cicatrice. C’était de toute évidence un animal exceptionnel. Le chasseur observa le sens du vent. Par chance, il se trouvait sous le vent par rapport à sa cible. Il sortit une flèche et arma son arc. Sa respiration ralentit. Il inspira profondément et bloqua son souffle. L’animal, en train de brouter, tourna la tête vers lui, mais trop tard. La corde claqua. La pointe de flèche siffla. Elle planta dans l’œil du vieux cerf. Celui-ci hurla de douleur et chargea l’arbre soutenant le chasseur. L’impact acheva la créature et provoqua la chute de l’homme. Il chuta mais se rattrapa à une branche juste avant de s’empaler sur ses bois. Il attendit un peu pour être sûr que son adversaire était mort, puis descendit. Il s’accroupit, ouvra le ventre de sa proie avec sa dague et commença à le dépecer.
Alors qu’il faisait son office, des bruits de branche cassées et de feuillage s’approchèrent dans son dos. Il sourit. Il avait reconnu le rythme des pas. Le nouvel arrivant était maintenant juste derrière lui. Sans se retourner, il demanda :
- Que fais-tu là, Sahan’ra ?
- Comment as-tu su ?
- Tu n’es pas très discrète, répondit-il en tournant la tête.
Près de lui se trouvait une belle jeune femme, aux longs cheveux noirs. Ses yeux étaient aussi verts que les fougères environnantes. Elle était vêtue d’une tunique en peau de renne qui s’arrêtait juste au-dessus de ses genoux. Elle s’accroupit à côté de lui, un sac serré dans ses bras.
- Que fais-tu là ?
- Je suis venue te voir. Quelle question ! et t’apporter ce sac de fruit.
- Merci beaucoup. Attends-moi là je vais chercher quelque peau pour transporter la viande. Tu pourras en emmener avec toi.
Il la laissa et partit avec le sac de fruit. Il revint une vingtaine de minute plus tard avec de nombreuse peau de loups, de cerf, de rennes... et les dispersa sur le sol. Après avoir fini de dépecer l’animal, il découpa des morceaux de viande et les enroula dans ses fourrures. A deux, ils ramenèrent tout cela à la hutte du chasseur. C’était une cabane dissimulée sous d’épais branchage, au pied de trois immenses arbres. A l’intérieur se trouvait juste un lit en peau, de nombreux pelages, de pierres de silex, des plumes ainsi que beaucoup de branches. Du matériel servant aux flèches et lances.
- Dis-moi. Que vas-tu faire de toute cette viande ?
- Nous allons l’amener à la tribu. Il y en a trop pour que je puisse la manger avant qu’elle ne pourrisse.
- Nous ?
- Bien sûr, fit-il en souriant. Tu vas m’aider un peu, n’est-ce pas ?
- Si tu y tiens.
- Merci.
Alourdis d’une demi-douzaine de sacs, ils partirent en direction du village. A mi-chemin, Sahan’ra reprit la parole :
- Tu sais... tu devrais revenir dans la tribu.
- Non. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
Elle se plaça devant lui et l’arrêta.
- Tu es devenu un grand chasseur ! tu nous apporte beaucoup de viande et de peau. Tellement que ce qui reste chez toi n’est que l’ombre de ce que tu as chassé ! Ils n’ont plus le droit de te rejeter !
Des larmes apparurent dans ses yeux. Le grand homme lâcha ses bagages et l’enlaça. Elle fut surprise mais répondit à l’étreinte. Il rompit le contact et ramassa les peaux et viandes.
- Merci Sahan’ra. Ce que tu dis me touche beaucoup, mais je n’ai pas la carrure pour appartenir à cette tribu. Les anciens privilégient la force, et malgré ma grande taille, je ne satisfaisais pas leurs attentes.
- Mais ce n’est pas important.
- Tu es bien la seule à le penser. Je suis content de t’avoir en tant qu’ami. Puis cette vie isolée me convient.
Ils terminèrent la route en silence et sortirent enfin de la forêt. Face à eux se dressait les nombreuses tentes de la tribu. Au centre du village se dressait la grande hutte du chef et des anciens. Le jeune homme déposa son dû et s’apprêta à repartir quand une voix forte et imposante les interpela :
- Sahan’ra !! Sahan’ra !! Ou étais-tu ? Et que fait-il ici, celui-là ?
- Excusez-moi, grand chef. Je vous apportais de la viande et des peaux. Sur la route, j’ai croisé votre fille et lui ai demandé un peu d’aide afin de transporter tout ça, intervint-il en s’agenouillant.
Sa réponse fut accueillie par un coup de pied dans la mâchoire. Il fut projeté contre un arbre et cracha un peu de sang qui coula sur son vêtement. Son amie cria :
- Nirmir !! Père, s’il-vous-plait !!
- Tais-toi ! tu n’as rien à faire dans la forêt ! Et toi, ne t’approche plus de ma fille. N’utilise pas ta faiblesse pour te rapprocher d’elle. Tu me fais pitié ! Disparait de ma vue !!
- A vos ordres, grand chef. Il se remit à genoux, s’inclina puis se leva avant de s'évanouir dans la forêt.
Il jeta un dernier coup d’œil à Sahan’ra. Il lisait la tristesse dans ses yeux, et lui sourit pour la rassurer.
La nuit était tombée. Perché dans un arbre surplombant la forêt, Nirmir observait les étoiles en taillant un morceau de bois. Il sculptait de temps à autre pour se détendre. Il avait réussi à faire un mammouth, un tigre à dent de sabre, un renne... cette fois, il avait créé un sosie de Sahan’ra. Il soupira et arrêta son activité. Son regard se porta sur une lueur rougeoyante venant de l’est. Son visage se décomposa. C’était la direction du village. Il paniqua. Une seule chose surgit dans son esprit : le visage de son amie. Il descendit affolé de son perchoir, manquant de tomber à plusieurs reprises, et courut à en perdre l’haleine.
Il atteignit enfin son but et se figea. Les tentes, la hutte du chef, les enclos, tout était détruit. Le feu dévorait certaines habitations. Au sol gisaient les corps meurtris et sans vie des villageois. Face à cette vision d’horreur, l’odeur de mort et de chair brûlée, Nirmir vomit. Il pensait qu’il était résistant à cela, avec les animaux qu’il dépeçait, mais apparemment non. Après s’être remis du choc initial, il traversa le village de part en part, plusieurs fois, à toute vitesse, dans tous les sens, cherchant désespérément Sahan’ra. Il fouilla les tentes qui n’étaient pas encore mangées par les flammes, mais rien. Elle n’était pas là. Autre chose interpela le jeune homme : il avait vu les corps de toute la tribu, hommes, enfants, mais pas une seule femme ou fille. Les agresseurs les avaient-elles emmenées ?
Il entendit des râles derrière lui et se retourna. L’un des fils du chef était encore en vie, mais plus pour très longtemps. Il avait les jambes cassées, écrasées, la cage thoracique enfoncée. Les os de son bras droit ressortaient dans un sens peu naturel. Chaque respiration lui arracha un rictus de douleur et lui faisait cracher son sang. Le chasseur se jeta à genou près de lui. Le mourant tourna la tête difficilement vers lui, offrant son visage à la lumière et à la vue de Nirmir. Il avait été battu à mort. Ses yeux étaient enflés, ses arcades sourcilières ainsi que ses joues fendues. Quelques dents manquaient à l’appel. Le tout noyé sous un flot continue de sangs. Le jeune homme demanda, presque en criant :
- Que s’est-il passé ?! Où sont les femmes ? Où est Sahan’ra !?
- Qu...que ...fai... tu...
- Par où sont-ils arrivé ?! Vers où sont-ils repartis ?!
Le blessé savait qu’il en avait plus pour longtemps. Dans un dernier effort, il leva son bras valide et pointa l’étoile polaire, ainsi que les montagnes. Le nord. Sa main retomba lourdement au sol. Il avait rendu son dernier soupir.
Le jeune se leva et repartit dans la forêt. La colère grondait en lui. Il jura de retrouver celle qu’il aimait, peu importe le prix. Une fois chez lui, il s’équipa. Il prit son meilleur arc, ses trois lances, son propulseur en os, son carquois rempli de flèche, et une demi-douzaine de dague en pierre. Il était paré pour faire la guerre.
Il retourna au village, toujours dévoré par les flammes. Il fixa les lumières dansantes, adressa une prière à la lune, qu’elle puisse accueillir les hommes de son peuple dans son royaume, et partit, déterminé vers les montagnes aux neiges éternelles.
Annotations
Versions