Jingle bells

4 minutes de lecture

– Aïe !

Fichue barbe, ça fait trois fois qu’elle se coince dans ce maudit pédalier. Fais chier ! Si ça ne tenait qu’à moi, j’te couperais tout ça d’un coup de ciseaux et j’me ferais la boule à zéro aussi. Je ne ressemble à rien avec tous ces poils blancs partout. J’me vois bien tout rasé, déambulant sur une plage de sable fin, le corps huilé, l’œil vif, les muscles saillants. Au moins, tout le sport que je fais servirait à quelque chose. Sea sex and sun disait la chanson, mouais, en rêve. Mais non, je suis coincé là à me les geler toute l’année, j’en ai marre de cette neige et de ce froid. Et dire qu’il y en a qui trouvent ça beau. J’les entends toujours à la même époque qui disent :

« T’as vu toute cette neige, c’est si beau, si romantique, c’est si… et regarde le père noël en bois, il est si ressemblant. Quel métier fantastique il fait ! »

J’vais te montrer moi ce que j’ai en bois, sûr que tu vas ouvrir de grands yeux. J’ten foutrais du beau, du romantique, des guirlandes, des illuminations et tout ce qui va avec. Et qu’est-ce qu’ils croient les gens, que c’est facile de bosser un jour par an et de ne rien glander le reste de l’année ?

Merde, j’crois que je fais une dépression, va falloir que j’aille consulter.

Je décoince ma barbe et me redresse pour aller soulever un peu de fonte quand :

– Papa Noël, votre sauna est prêt.

– Ah quand même, j’espère pour toi qu’il n’est pas trop chaud, sinon…

– Il est à la bonne température Papa Noël.

– Retourne bosser Gribouille, espèce de feignant. Au passage, tu diras à Bouftou de charger le traîneau et de donner à bouffer aux rennes. T’as pigé ?

– Oui Papa Noël, oui…

– Et arrête de lever les yeux au ciel.

Satané lutin, ce n’est vraiment plus ce que c’était le personnel !

J’me fous à poil et entre dans le sauna, la chaleur humide fait ruisseler des gouttes sur mon corps. J’suis bien là, je prendrais bien un thé. Mais, la porte s’ouvre d’un coup.

– Papa Noël, on a un problème sur la ligne de production des sex-toys.

– Hein ! Ha non, pas les sex-toys, c’est le jouet le plus demandé.

– Une courroie de transmission a cassé et on a pas de pièce de rechange.

– Merde ! Bon, dit au service confiserie de préparer plus de sucettes, et qu’ils fassent en sorte que le chocolat coule bien sous la langue, ça remplacera le plastique des sex-toys. Et puis donne-moi la liste des cheminées à livrer, je vais me débrouiller.

Mon manteau rouge sur le dos, mon bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles, je suis prêt à fouetter Rudolph quand Bouftou se porte devant les rennes.

– Non Bouftou, ne passe pas derrière Rudolph…

Trop tard.

– Hey Papa Noël, cet enfoiré de rennes m’a fait caca dessus.

– Je t’avais prévenu… Qu’est-ce que tu veux encore ? Je dois partir en livraison.

– Tenez Papa Noël, une boite de préservatifs. Comme vous ne sortez qu’une fois par an, vaut mieux que ce soit couvert.

– Sacré lutin, tu penses à tout.

Mon traîneau garé sur une toiture, j’attrape un cadeau et passe par la cheminée. J’arrive en bas, un joli sapin vert scintille de toutes les couleurs, je m’arrête un instant pour le contempler. Merde, c’est vrai que c’est beau… et romantique. J’ajuste les lunettes que m’a offert Alain, et commence à lire le nom sur le paquet quand derrière moi :

– Je t’attendais Papa Noël.

Je me retourne surpris. D’habitude, les enfants sont couchés à cette heure tardive. Mais ce n’est pas un enfant. Lovée sur une fausse peau d’ours blanc, une femme nue me fait signe d’approcher. Une faible lueur de bougie l’éclaire, j’approche et… Par le lutin noir en rut, c’est Maman Noël !

– Tu es surpris Papa ?

– Heu…

– C’est moi qui ai mis ta ligne de production de sex-toys en panne, et j’ai payé Gribouille pour qu’il écrive cette adresse en haut de la liste. Tu ne t’occupes plus de moi depuis des siècles, toujours fourré dans ta salle de muscu ou dans ton sauna. Je me languis de toi. Tu te souviens de ce jour où tu m’as prise par la main ?

– Oui Maman, comme si c’était hier. Il faisait beau, le paysage était si blanc, si romantique, des guirlandes illuminaient le ciel. On était bien tous les deux à se rouler dans la neige. Si je me souviens bien, c’est à ce moment-là que nous avons conçu notre premier lutin.

– Oui Papa ! Dis-moi, ça te dirait pas d’en concevoir un autre maintenant ?

– Si ! Tu es belle sur ta peau, on dirait un ange posé sur un nuage. Je meurs d’envie de te faire l’amour comme une bête, mais j’ai d’autres livraisons.

– Allons Papa, laisse tomber les mioches, ils attendront leur anniversaire.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Marsh walk ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0