Chapitre 3
Il laissa son bâton pour ne pas attirer les convoitises. Il changea à nouveau d’apparence, cette fois, celle d’un petit garçon, blond. Heureusement, il avait un long tissu prévu à cet effet dans sa sacoche. La forêt était brumeuse ce matin-là, il s’approcha en courant d’une grande palissade en bois. Il se fit bousculer par nombres d’hommes et femmes, estropiés, borgnes, couverts de cicatrices…. L’enfant observa que ce n’était qu’un agencement de tentes, pour la plupart trouées. Par l’immensité de cet endroit, il ne savait pas où mettre les pieds et quelqu’un le fit tomber dans la boue.
Ce fut alors qu’une vieille dame, d’une peau pale et vêtue de noir l’invita à rentrer dans sa demeure. Aussi étrange que cela puisse paraitre, il accepta. Cette tente n’avait qu’un sol boueux, avec une peau de bête servant de sol.
- Comment vous appelez-vous ? Oui-Oui, jeune homme, quel est votre nom ? N’avez-vous point de famille pour venir en cet endroit.
- Vieille femme, je n’ai de famille que les arbres, les cerfs et les oiseaux qui peuplent cette forêt, si je me trouve maintenant au seuil de ta porte, c’est que j’ai suivi mes pieds. »
- Pauvre petit, laisse-moi te raconter mon périple, mon récit, tout commença lorsque j’étais encore jeune. Je fus nommée Eneida, ce qui veut dire âme ou vie dans la langue de nos ancêtres. Le monde a changé depuis mon enfance. Tout commença :
« J’étais à l’est
Et défendais le fleuve
Quand m’attaquèrent
Les fils du Cymru
Ils me criblèrent de pierres
Mais le profit n’en eurent guère
Je fuyais dans la nuit
Courant de forêt en forêt
Devint une fugitive
Recherchée
Les Ténèbres s’alignaient
Devint le renard
Devint le cheval
Sautant de colline en colline
Arrivant en terre des réfugiés
Rencontre celui qu’on appelle Emerys, Suibhe, Lailoken, Meller
Il a bien des noms !
Généralement appelé Myrddin par ses proches et les Cymry.
Cela approche
Le Deuil, le chagrin, Arthur est mourant !
Lors du 4ème coucher du soleil, il mourra ! »
- Annonciatrice de la mort, Banshee ! fit-il en reculant dans la tente. Je le savais ! Je l’ai entrevu dans mes rêves et s’échappa en courant.
La fatigue le gagna petit à petit, il s’évanouit dans le purin. Il ne sut pas exactement combien de temps passa. Il fit un rêve étrange, se voyant d’un point de vue extérieur, Lailoken était habillé d’un haillon, une barbe longue grisâtre. Il était dans un endroit brumeux, à ses pieds, de l’eau, un marais. En face, seul contre des hommes l’attaquant. En son centre, se trouvait un homme tenant une boule de poils dans sa main, murmurant, « C’est à moi, je l’ai trouvé ». C’est alors qu’un homme armé d’une lance dit : « Rhaid i'n meistr gael ei aileni, dweud helo wrth dad celwyddau» et se réveilla brusquement.
Il empestait le crottin de cheval, et marcha en direction du campement, son ventre gargouillait. Au loin, il vit Arthur assit accompagné de Bran. Il retourna à sa forme précédente, celle d’un jeune homme.
- Qui es-tu ? Tyr, c’est toi ? Où étais-tu ? Tu ne m’as rien dit !
- Arthur, vieil ami. Tu te fais vieux, je le sais mieux que quiconque, même si tu m’oublies, je continuerai à t’aider. Finalement, un corps, qu’est-ce que cela signifie pour moi ? Un cerf ? Un oiseau ? Un Serpent ? Un arbre ? Je peux être tout cela…. Oublie ça, nous devons nous rendre à Cymru. Dans un songe, j’ai vu John, l’homme que nous cherchons dans un marais au nord du pays.
Chevauchant le sage
Changé en Cerf
Forêts, marais, plaines….
Campèrent au clair de lune
La 4ème nuit
Devint un humain
Conscient
Du tragique évènement
A venir
- Arthur, Le ciel est magnifique ce soir, cette lune blanche et scintillante comme je l’ai rarement vue. L’autonome prend place à l’hiver, froide et cruelle en ce soir de Samain.
- Ce n’était pas moi, non ? Je n’ai pas mangé ce vers de terre. Dans l’obscurité des tunnels, je rampe, oui, je me déplace furtivement et chasse mon repas. Ne m’emmenez pas là-bas ! Les gens disparaissent à la surface. Du poison dans l’air, des créatures qui rodent à la surface. Pas d’échappatoire ! Leurs griffent nous prennent….
- Arthur ? Calme-toi ! s’exclama-t-il en l’agrippant. Calme-toi. Tu penses à ta planète, là-haut, dans le ciel. Moi-aussi, j’aimerai revoir les miens mais je ne peux pas, je ne peux pas.
Myrddin insista pour rester sur le qui-vive en raison de l’ouverture de l’autre monde, le sidh. Les créatures y résidant pourraient franchir l’autre-monde, ce soir-là, les gens disparaissent. Plusieurs heures passèrent.
- Qui… es… dit-il en crachant du sang.
Myrddin se rua sur son vieil ami, le prit dans ses bras : « Regarde le soleil ! Il est en train de se lever, juste une dernière fois, regarde une dernière fois le soleil avec moi. Ce rouge flamboyant, une dernière fois, hein ? Je suis désolé, je savais que cela allait arriver mais je-je ne pensais pas tu mourrais de cause naturelle. Finalement, je n’ai jamais été capable de vous sauver, que ce soit toi ou Arthur. Par vanité, je l’ai emmené à Avalon. Tu m’as offert ce qu’aucune personne ne m’avait offert depuis des siècles : une amitié durable. D’habitude, ils disparaissent comme de la fumée. Je suis vieux, si vieux, j’ai vu passer les âges de ce monde, la chute et la naissance d’un Empire, la chute des miens, impuissant. C’est-c’est ton tour, n’est-ce pas ? Tu n’es pas le seul à sentir le poids des années, ce corps ne représente en rien ma vieillesse. Je suis une créature de l’ancien temps, transformée par les mythes au fil des siècles.
- Une derni…ère chose, ne… voy..age pas….seul cria-t-il en lâchant son dernier souffle.
Ses yeux s’étaient éteints sur une nuit grisâtre alors que l’aube se levait, symbole d’un nouvel espoir.
Annotations
Versions