Portail
Les jours s’écoulèrent longuement depuis que leur décision était prise. De retour sur Era, attendant que Belenok ne mette en œuvre le portail inter-cycle avec l’aide de l’Axem, Guidomex, Haria, Hellie et Vallia restèrent à Adrais pour préparer leur périple.
L’inconnu, voilà ce qui les attendait lorsque la porte de ce lointain monde serait franchi. Plusieurs sentiments s’entremêlaient en Vallia : L’excitation et la joie, mais également la sombre peur de ne pas le retrouver. Passant le plus clair de son temps à narrer, pour la énième fois, tout ce qu’Ashron avait accompli à son fils, elle cherchait à chasser l’éventualité de ne jamais le revoir de son esprit.
De son côté, Guidomex profita au maximum du temps qui lui était laissé avec Haria et son fils. Jamais la jeune Eraienne ne chercha à l’empêcher d’aller secourir Ashron. Malgré la peur d’une issue tragique, elle savait qu’il ne pouvait en être autrement pour lui. Ce choix confortait les sentiments qu’elle éprouvait, tout autant qu’elle se maudissait d’aimer un Eraien si téméraire.
Restée auprès de Vallia et Leon, Hellie n’avait plus aucune raison de retourner sur Isyliard. Redevenu le continent de l’ura si prompt à exploiter ceux pouvant participer à sa grandeur, elle préféra la douceur du temps passé avec son amie et son fils.
L’attente du départ dura encore une semaine. Seule l’excursion nocturne de Vallia et Hellie, ayant comme conclusion le vol de Ragnarok, brisa la quiétude de l’attente du départ. Vallia se devait de l’emmener pour qu’elle retrouvât son légitime propriétaire.
A l’appel de Belenok, la peur du départ se transmit de Vallia à Leon. Le petit Eraien, bien qu’ayant saisi l’enjeu du périple, craignait de ne voir sa mère partir si loin, sans savoir quand elle reviendrait. Ses pleurs déchirèrent le cœur pourtant endurcie de Vallia, au point que des larmes roulèrent sur ses joues en regardant son fils s’éloigner depuis le pont de l’aéronef.
A ses côtés, Guidomex fixait d’un regard triste sa famille rapetissant à mesure qu’ils s’élevaient dans les cieux. Fort heureusement, tous deux ne pouvaient entendre les sanglots de leurs enfants, les réacteurs d’amatia surpassant tout bruit autour d’eux.
Ce fut Vallia qui, la première, tourna les talons pour rejoindre le poste de pilotage, rapidement suivie par Hellie. Sous leurs yeux, la gigantesque verrière de l’aéronef laissait voir l’océan qui s’étalait sous leur pied. Et rapidement, l’île de l’ira, perdue au milieu du désert fait d’eau et de bleu, fut en vue.
Le portail de la stèle traversé, Belenok les conduisit, tous les trois, devant la création cyclique de l’Esgardien.
« J’ai suivi les instructions de l’Axem pour construire cette machine. Mais j’ai du mal à en cerner tous les effets. prévint Belenok.
— Tu penses que c’est dangereux ? demanda Guidomex.
— Honnêtement, je n’en sais rien. Je sais juste que cette machine relie deux cycles de Via. Elle créé un lien entre eux, permettant de replier le vide sidéral et ainsi, de passer d’un cycle à l’autre.
— C’est vraiment possible de faire ça ? interrogea Vallia.
— L’Axem semble convaincu que oui. Mais rien dans mes connaissances ne permet de corroborer cette affirmation.
— Quelle serait l’intérêt de nous mentir ? Un piège ? voulut savoir Guidomex
— Avec les Axems, tout est malheureusement possible. Surtout un piège.
— Il n’y a qu’un seul moyen de le vérifier ! » conclut Vallia en s’avançant.
Le portail était relié par d’innombrables câbles à des installations énergétiques Esgardienne. D’un pas décidé, l’Eraienne s’approcha de la porte ovale, dont le battant n’était que substance bleuâtre irradiante. Son visage s’y reflétait à traits déformés, tout comme celui de ceux qui se trouvait derrière elle.
A sa droite, Guidomex ressenti la peur de l’inconnu en voyant sa figure se dessiner sur le voile bleu. En s’approchant, il jeta un coup d’œil à Vallia, puis à Hellie, comme pour s’assurer que toutes deux étaient toujours enclines à franchir le pas de cette porte inconnue.
Soudain, sans prévenir, Vallia s’élança pour disparaitre à travers l’horizon abyssal du portail. Envahie par une sensation glaciale, chacun de ses membres ressentit la morsure polaire provoquée par la substance bleue qui l’avalait.
Puis, tout s’estompa et le néant s’installa. Vallia apercevait seulement des points blancs, ici et là, comme si le ciel nocturne d’Era avait pris place derrière le portail. Balayant du regard l’endroit qui l’entourait, Vallia remarqua qu’elle nageait parmi les lueurs et qu’aucun sol ne supportait ses pieds.
Tout à coup, alors qu’elle admirait le paysage de vide, une violente secousse l’ébranla et les points blancs s’allongèrent autour d’elle. Devenant filins rectilignes de lumières, Vallia comprit qu’elle était en mouvement, jusqu’à ce que le néant n’enveloppât de nouveau les éclats. Puis, un écrasant poids appuya sur tout son corps, au point que son esprit ne pût en supporter la pression.
***
Alourdies par l’étreinte qu’elle venait de subir, les paupières de Vallia laissèrent lentement filtrer la lumière sur ses iris. Tant bien que mal, l’Eraienne se redressa et laissa le temps à ses yeux de s’habituer à la clarté ambiante. Et lorsque ses pupilles eurent adoptées le bon diamètre, sa vision ne reconnut rien de ce qui l’entourait.
Une vaste étendue blanche, vide et silencieuse, se déroulait devant elle. De petites collines cassaient parfois l’horizon mais seul le blanc peuplait cet endroit. Au début, elle pensa à de la neige mais la chaleur et la texture du sol réfutaient cette supposition. N’ayant rien d’autre à faire, elle mit un pied devant l’autre pour avancer droit devant elle, seule. Mais où était Guidomex et Hellie ? se demanda-t-elle.
Tout en laissant ses pas la guider, Vallia serra Ragnarok contre elle, espérant ainsi entendre la voix de Belenok. Mais l’épée resta muette, aucune voix dans sa tête ne vint briser le silence de l’endroit. Mais plutôt que de s’apitoyer sur sa délicate situation, ses pas continuèrent leur mouvement pour poursuivre droit devant elle.
Au bout de plusieurs heures de marche, la fatigue gagna l’Eraienne. L’écrasante chaleur et le sol meuble épuisait son corps pourtant entrainé. Ses jambes peinant à la porter, Vallia laissa Ragnarok tomber et posa un genou à terre.
Tout à coup, sa tête se mit à tourner et, juste avant de ne fermer les yeux, l’Eraienne aperçu une silhouette qui se précipitait vers elle.
« Hey, ça va ?! Hey ! » fit une voix qui s’approchait.
Puis, seul le noir et le silence raisonna dans la tête de Vallia.
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