chapitre viii - confidences

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Le moment convenu fut dans la semaine qui suivit, mais c’est Samuel qui me le raconta. Le mercredi, il allait à la salle de sport à côté du collège situé dans une rue à l’est de la place où se trouvait le Bordeaux-Boston. Il venait de terminer son entraînement quand, en sortant, il tomba nez-à-nez avec Ethan.

— Tiens, qu’est-ce que tu fais ici ?

— Hum, j’aimerai m’inscrire à la salle…, dit mon ami avec timidité.

— Tu veux que je t’aide ? proposa Samuel.

Ethan ne le remercia que trop de cette initiative et la douce brise du chauffage toucha son visage en entrant. Samuel interpella les jeunes hommes de l’accueil, qui font partie de l’équipe des coachs sportifs. Ils étaient physiquement très similaire avec leurs grosses cuisses, leurs gros arrières-bras et leurs fesses musclées. La différence majeure était que l’un était rasé et avait une peau noire, quand l’autre plutôt olivâtre et une barbe bouclée.

— Rebonjour ! Je voudrais inscrire un pote.

— Bonjour, dit celui qui était rasé avec une aiguë. Mais avec plaisir, je vais lui expliquer.

Ethan devait contenir sa surprise de voir un homme aussi masculin dans son physique mais avec des manières aussi efféminées. « Pas de doute, lui, il est gay », pensa-t-il. Le jeune homme lui présenta les abonnements, les équipements, les avantages par rapport aux autres salles de sport et Ethan accepta de s’inscrire. Alors qu’ils sortaient de la salle et qu’ils devaient se quitter, Ethan lui demanda :

— Tu veux boire un verre au Bordeaux-Boston ?

Samuel était prit de court car il aurait aimé être le proposant.

— Écoute, avec plaisir.

Il m’expliqua ensuite que les deux hommes avaient eu la même idée, mais pour des motifs différents. Samuel était vêtu d’un t-shirts blanc à manches courtes, un pantalons brun en coton et une ceinture en cuir. Il remarqua qu’Ethan lorgna plusieurs fois, sans réussir à être discret, au niveau de sa poitrine dessinée.

— Bon alors…, commença Samuel avec humour, pourquoi tu veux boire un verre avec ton meilleur ennemi ?

— C’est un peu difficile à expliquer… En fait… J’ai découvert une lettre dans le grenier chez mes parents.

— D’accord… Et en quoi ça me concerne ?

Les mains moites et les pieds poites, Ethan sortit son téléphone, chercha dans sa galerie de photos et tendit à Samuel celle de la lettre de Simon Zadoc. Le visage de son fils n’afficha aucune émotion particulière ; mais il assura d’une voix grave :

— Je sais ce qui s’est passé à Ferney. Quand nous naquîmes à plusieurs mois d’intervalle, nous étions condamnés à nous détester à cause de leur récente rupture amicale, alors que nos mères auraient put rapprocher nos familles.

— Sérieusement ‽ Mais comment tu savais ça ?

— J’ai retrouvé le journal intime de ma mère, dit Samuel triomphant avant de soudainement s’impatienter : Bon, il vient se serveur ? J’aime beaucoup celui avec le petit bouc, il a un joli minois.

Le serveur que Marie et Samuel trouvaient reçu leurs commandes puis les jeunes hommes reprirent la conversation.

— Tu sais, dit Samuel, j’aimerai vraiment qu’on mette de côtés nos vieilles rancœurs. J’ai pas envie de continuer à voir nos familles se déchirer parce que le pardon, qu’on donne ou que l’on reçoit, c’est important dans nos Bible.

— Je suis content que tu me dises ça. C’est quelque chose qui me trotte dans la tête depuis longtemps. Mais c’est difficile de lier une amitié, surtout que nos parents vont pas aimer qu’on se parler.

Samuel gloussa :

— Qui t’a parlé d’être amis ? On peut toujours rester rivaux amicalement.

— Non, répondit immédiatement Ethan, j’en ai marre de ça ! J’ai envie de construire autre chose avec toi.

Samuel sourit car Ethan ne s’était pas rendu compte de la formulation de sa dernière phrase, que l’on disait généralement au début d’une confession amoureuse. Ethan venait d’avouer ses sentiments très involontairement et Samuel l’avait bien compris.

— Alors si veux pas qu’on sois ennemis ni rivaux, tu veux qu’on soit amis ?

Une larme coula de l’œil droit d’Ethan, qui inspira et expira profondément.

— Pourquoi faire ? Tu en as envie ?

Ce fut au tour de Samuel d’être prit par l’émotion, et deux larmes lui découlèrent sur une joue.

— Non, j’ai envie qu’Ourika et Charles s’aiment sans obstacles.

Ethan rit.

— Alors tu te souviens de la soirée des talents ? Tu avais deviné ?

— Bien sûr, bêta ! J'ai réalisé mon amour, que je ne pouvais pas me passer de toi. J'ai bien lu entre les lignes toutes les allusions à nos familles. Puis quand tu me regardais, je pouvais lire tes pensées à travers tes yeux qui scintillaient comme deux diamants.

— Tu n’étais pas le seul, ma mère avait quelques doutes sur le fait que nous perpétuions la haine familiale. Il se pouvait qu’il n’y avait rien, mais elle a préféré prendre les devants.

Devant cette révélation d’Ethan à Samuel, je ne pus m’empêcher d’insulter la vertu de la chère tante Charlotte. Samuel s’était douté de la manœuvre, mais sans avoir la certitude de sa théorie. Le serveur vint déjà leur apporter les boisson et leur dit que les commandes arrivaient bien rapidement. Les deux hommes trinquèrent et Ethan commença à boire avant de faire une moue.

— Qu’est-ce qu’il y a, Ethan ? Ta limonade est trop citronnée.

— Non… Mais… Est-ce que ça veux dire qu’on est en rendez-vous galant et qu’on sort ensemble, maintenant ?

Samuel s’esclaffa de la réalisation subite de son nouveau petit-copain.

— En fait, à la base, je voulais justement te proposer un verre pour discuter de nos sentiments pour l’un et l’autre. Et puis si c’était pas aujourd’hui, ça aurait été à un autre moment.

Mon imbécile d’ami était sous le choc de cette machination, dont il était le déclencheur et le participant inconscient. C’est donc autour d’un bon burger, d’une bonne boisson, dans l’ambiance chaude et tamisée du Bordeaux-Boston, un mercredi après-midi de la mi-décembre, tandis que se mettait à souffler une bourrasque de neige, que Cupidon toucha les psychés de ces deux anciens rivaux.

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