-3- combat de Timur et Xaria
Lorsque Timur entendit le cor de guerre, il était déjà trop tard pour faire demi-tour, les skraelings étaient déjà sur leurs traces. Deux traîneaux skraelings les poursuivaient, chacun chargé de quatre petits guerriers au visage porcin et tiré par des nagboar à la fourure sombre et aux courtes défenses d'ivoire. Timur fit claquer son fouet et les huskies forcèrent l'allure.
Les nagboar étaient des animaux forestiers, proches des sangliers mais d'une taille et d'une férocité bien supérieure. Les skraelings les utilisaient comme monture et pour leurs attelages parce qu'ils détestaient autant les chiens que les chevaux, et ces derniers le leur rendaient bien. Ils n'étaient pas adaptés à la vie dans le grand froid et c'est pour cette raison que les attaques des skraelings se limitaient à de courtes incursions, toujours en été.
Timur regrettait maintenant de ne pas avoir suivi les conseils de Tylak. Et plus grave encore, il avait fait courir ses huskies une bonne partie de la matinée pour le seul plaisir de clouer sur place l'équipage du maître de chasse. Cette seconde erreur pourrait se révéler fatale : les huskies épuisés ne pourraient pas garder le rythme contre les nagboar, aussi maladroits fussent-ils.
— Ils essaient de nous rabattre vers les montagnes, il y a sûrement un piège de ce côté là. Xaria ! Prends mon arc et prépare toi à tirer sur le cocher du traîneau de droite, celui qui nous barre la route du lac gelé. Ça nous laissera le temps de nous échapper.
— Prends-le toi même et donne moi les rennes, répliqua Xiara. Je suis meilleur cocher que toi.
La stratégie des skraelings était facile à deviner. Le traîneau de gauche, du côté de la montagne, avait pris du retard sur celui de droite, du côté du lac gelé. La fuite la plus évidente était donc d'obliquer vers la montagne, et c'est précisément ce que Timur voulait éviter.
Il confia les rennes à sa compagne, saisit de son arc et encocha une longue flèche à la pointe en acier.
— Dis-moi quand tu tourne !
— Virage très serré, je compte jusque trois... un !... deux !...
Timur ne pesta intérieurement. Xaria avait beau être « un meilleur cocher », elle n'en prenait pas moins beaucoup de risques avec un virage serré. Il visa soigneusement un point loin devant sa cible. À « Trois ! », les skraelings se trouvèrent juste en face de lui et il remarqua l'arme brandie par le guerrier à la gauche du cocher : une arbalète. Il ajusta son tir et lâcha sa flèche. Le trait transperça le de part en part le guerrier à l'arbalète et se ficha dans le bouclier de celui qui se trouvait derrière lui.
— Fouette ! hurla-t-il.
— Gash yash ! Cria Xaria en faisant claquer son fouet. Tu l'as raté ? Yash, yash !
Timur posa son arc et prit un harpon. Les skraelings étaient devenus plus prudent. A gauche du cocher se tenait maintenant un ature guerrier équipé d'un lourd bouclier de métal.
— Non, l'autre avait une arbalète ! Et maintenant ils protègent leur cocher.
Mais Timur n'avait pas dit son dernier mot, il ajusta la monture de tête et lança son harpon. L'arme traversa l'épaule du premier nagboar qui, fou de douleur, se roula sur lui même pour essayer de se dégager de son entrave.
— Et d'un ! S'exclama Xaria. Bien visé, guerrier !
— Surveille ton attelage et évite le centre du lac, je ne suis pas sûr que la glace va tenir.
Les géants pouvaient en effet se permettre de respirer ; le premier traîneau des skraelings était bel et bien hors-course, et le second avait un solide retard sur le leur.
— On va faire un large détour et repartir vers le sud, reprit Timur. Tylak a certainement entendu les carnix, et il a fait demi-tour pour mettre sa fille à l'abri.
— Et dans le cas contraire ? Répliqua Xaria.
— Quoi dans le cas contraire ? Tu crois qu'il exposerait sa cadette dans une bataille, sans même savoir combien d'ennemis il y a en face ?
— Je ne sais pas, c'est un sang-pur et c'est le maître de chasse ! Nous sommes sous sa responsabilité et il a une très haute opinion de son devoir. Qui peut savoir ce qui lui passe par la tête ? Moi je n'en sais rien, mais je n'ai jamais vu un maître de chasse s'enfuir en laissant ses compagnons derrière lui.
— Il y a un seul moyen pour le savoir !
Sur ces mots, Timur prit son inspiration et souffla dans sa corne.
Puis ils tendirent l'oreille. Une réponse leur parvint quelques instants plus tard.
Il est en route, et il est prêt pour la bagarre ! S'exclama Timur. Sans cela, il n'aurait pas répondu aussi vite.
Et comme pour répondre à la question que Xaria n'osait poser, il ajouta aussitôt :
Et il a certainement mis la petite à l'abri... c'est une tête de mule, mais il n'est pas idiot.
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