Entourages
Quel est votre auteur culte ?
Chateaubriand. L'incarnation du romantisme à la française. Les Mémoires d'Outre Tombe sont un chef d'oeuvre absolu qui m'accompagne tous les jours. Il est très rare et précieux d'avoir la sensation d'avoir un ami très proche auprès de soi, dont on est pourtant séparés par près de deux siècles et une pierre tombale. Lorsque j'écris : « La lune brillait au dessus de Rome », Chateaubriand, lui, écrit : « La lune promenait ses pâles déserts au dessus des déserts de Rome. » Voilà.
Quel est le livre qui vous a le plus marqué ?
Le Désert des Tartares, de Dino Buzzati.
Vous connaissez tous le phénomène de Déjà Vu ; avoir l'impression d'avoir déjà vécu un moment que vous venez de vivre. Qu'en est-il lorsqu'on rêve une scène d'un livre quelques mois avant de l'avoir lu ? C'est ce qui semble m'être arrivé avec ce livre qui m'a marqué à vie, et pas seulement pour cette raison là. Mais je ne rentrerais pas dans les détails, et n'essayerais pas d'expliquer une œuvre pareille avec mes petits mots ridicules, ce serait lui faire injure.
Avec quel auteur (vivant où mort) aimeriez vous passer le reste de votre vie coincé sur une île déserte ?
Avant d'être l'un des auteurs les plus brillants que j'ai eu la chance de lire, Jorn Riel était trappeur au Groenland, où il vécu seul et isolé de tout durant des années. De ces années de solitude extrême passées dans des conditions abominables, il tira une série de Racontars – petites fables que l'on raconte au coin du feu, lorsque les trappeurs des autres stations se réunissent pour descendre quelques bouteilles d'eau de vie. Tranches de vie probablement saupoudrées d'un peu de légende urbaine (où plutôt arctique), ces racontars racontent de manière flamboyante les anecdotes absurdes où déjantées du quotidien polaire de ces paumés alcooliques en proie aux éléments, et à bien pire, l'absence cruelle de la Femme. Par exemple, comment Björken repoussa les assauts d'un ours faisant le siège de ses toilettes. Riel peint des conditions de vies infernales avec une drôlerie exceptionnelle, mêlée à un sens de la poésie extraordinaire, au point de réussir ce tour de force que de parvenir à nous donner envie d'aller, nous aussi, nous perdre dans cet enfer. Je suppose donc que Monsieur Riel sera le partenaire le plus à même de rendre acceptable mon séjour fatal sur cette île déserte. M'est avis qu'on devrait avoir pas mal de choses à se raconter, tout en se torchant avec la gnole de noix de coco qu'il aura eu tôt fait de distiller dès notre arrivée sur l'île.
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