PARTITION VII : improvisation à Anjos (partie 2)
— Mellys ! Tu vas bien ? (Elle me lance un regard noir) Si tu lui fais du mal, je…
— Du calme, mam’s, je risque rien du tout. Enfin, je crois pas. Sans elle, je serai déjà morte depuis longtemps alors convaincs les autres de l’accepter. S’teuplé.
Désormais, elle m’étudie d’un autre œil. Reconnaissant mêlé de scepticisme.
— Cela ne dépend pas que de moi, Lys.
— Ouvrez la clôture, crie soudain la voix de Jak à deux hommes postés près de l’entrée. Irina, recule ! ajoute-t-il à la femme.
L’un des humains s’approche de pinces reliées à un bloc entouré de fils colorés et les retire. Aussitôt le grésillement cesse. L’autre en profite pour retirer des chaînes sur les portes de fer avant de les ouvrir et nous laisser entrer. Leur chef donne une corde à Mellys.
— Nous acceptons de la laisser entrer. À une condition. (Il marque une pause). Tu attaches ses mains ou branches, quel que soit le nom qu’ils leur donne.
La jeune fille se tourne vers moi, l’air contrit.
— Désolée, Syl, mais ils ne te font pas encore confiance.
Elle entreprend ensuite de me lacer mes mains avec le cordage sous le regard soulagé d’Irina. Les naïfs. Ils pensent donc que cette petite chose insignifiante m’arrêterait si je décidais de m’en prendre à eux ? Je choisis simplement de me soumettre un temps à leurs règles.
— T’inquiètes pas, poursuit-elle en prenant soin de ne pas serrer trop fort le nœud.
Attention inutile, cela ne m’occasionnera aucune blessure. En revanche, pénétrer leur bloc de pierre m’apeure un peu. Je repense à l’effet ressenti dans cet immense ruine, plus tôt. Le sol dur et glissant. Cette sensation de perdre tout lien avec la terre, le vertige qui m’avait alors envahie…
J’absorbe autant d’eau et de minéraux que possible à l’aide de mes racines afin de supporter ce qui m’attend, puis je marche en compagnie des humains, docile. Plus personne ne parle, seul le chant de l’averse domine. Ce bruit de fond m’apaise, question de fréquences. D’autres gardes viennent nous escorter et forment un cercle autour de moi. Leurs regards manifestent une nervosité palpable. Offensive. Accepter leur plus redoutable ennemi dans leur unique refuge les met tous en danger. Je ne peux les en blâmer. Ils ont parfaitement raison de me craindre.
Je marque un temps d’arrêt devant l’ouverture. La bouche sombre de l’imposante bête de pierre et de métal exhale un air chaud. Au fond, sur les murs, dansent des lueurs orangées. Un piège se refermera-t-il sur moi une fois à l’intérieur ? Mellys semble avoir compris mon dilemme, à moins que je n’interprète mal les signes de son visage. Au-dessus de nos têtes, de grandes barres forment d’étranges symboles.
— Anjos, m’annonce Jak. C’est le nom de cette cité marquée sur cet ancien hôtel.
— Hôtel ? répété-je.
Stupéfaits, tous reculent d’un pas, excepté Mellys. Quant à Jak, il se contente de lever un sourcil interrogateur.
— Vous savez donc parler. Intéressant, dit-il en se frottant la barbe, songeur. Avant le Cataclysme Vert, un hôtel accueillait des visiteurs du monde entier et leur servait d’abri pour quelques nuits. L’Ancien l’expliquerait mieux que moi.
— Jak, entrons, veux-tu ? L’humidité s’infiltre partout, surtout dans mes os, se plaint Irina.
Mellys me pousse délicatement à l’intérieur. Je lui fais confiance, j’espère ne pas le regretter.
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