Pourquoi ?

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Pourquoi ce soir là ? Pourquoi toi ? Pourquoi moi ? Pourquoi je me retrouve à commencer ma vie d'adulte emputée des pilliers de ma vie d'enfance ?

J'aimerais vous appeler, j'aimerais te pardonner, j'aimerais me dire qu'un jour peut-être je serai assez forte pour pouvoir te revoir en face. Mais je n'y crois pas. Je n'y crois plus. Tu m'as privé d'un morceau de ma vie, d'un morceau de mon histoire. Trois ans après, j'ai encore mal. Tu n'es pas le seul, j'aurais préféré que tu le sois mais tu as gangréné mon coeur avec ce role de victime. Tu as fait de moi une personne vulnérable, celle que l'on remarque. Tu as mis sur mon front ce panneau tacite qui m'offrait en pature à d'autres. Tu as ouvert la porte à d'autres maltraitances.

Je pense souvent à cela, contre moi, je revois cette scène en boucle. Je la revis. J'en re-souffre. Et quand ce ne sont pas ces souvenirs envahissants et écoeurants qui reviennent c'est d'autres plus agréables emprunt de nostalgie. Ta famille me manque. Ma famille me manque.

Parfois je me dis que j'ai peut-être sauvé quelqu'un d'autres et que frappé dans le sac de frappe abimé est bien mieux que de détruire la vie d'une pauvre fille. J'étais mal. J'étais déjà détruite et tu t'es permis ce que tu pensais autorisé. Je crois que c'est cela le plus dur. Pourquoi t'ai-tu dit que tu en avais le droit ? Est-ce que c'était écrit dans mes yeux ? Est-ce que mon comportement t'a indiqué quoi que ce soit dans ce sens ? Est-ce moi la fautive ?

Tu étais comme mon petit frère. Ma famille perdue face à ma dépression, tu étais le seul au courant. Je me rappelle de notre enfance. Je me rappelle de tout ces moments où j'avais confiance. Apparemment je me suis trompée.

J'ai mal. Moins souvent maintenant enfin je connais plutôt. Je connais ces cauchemars qui reviennent, je sais que tu en es le monstre. J'aimerais ne pas pouvoir dire cela de toi. J'aimerais que cette personne que j'aime ne soit pas celle qui me fasse souffrir.

Tu n'es pas le seul, je le répète. Cependant tu m'as privé de bien plus que mon corps et d'un certain bonheur, tu m'as privé de mes souvenirs. Tu m'as privé de mon passé. Désormais je ne peux plus pensé à mon enfance sans me remémorer moi, toi, là-haut, le dégout, la peur.

J'adore Granville. C'est ma ville, c'est mon berceau, c'est mon lieu-sûr; enfin, c'était. Je ne m'y sens plus à ma place, tu as cambriolé ce lieu, tu as brisé les vitres de cette maison rassurante, taché les murs de ton acte. Le pire c'est que tu n'en sais rien. Tu ne sais pas le mal que tu m'as fait. Tu penses sûrement du plus profond de toi que ce n'est pas si grave. Tu crois sûrment que j'étais consentante. En tout cas je m'en persuade, c'est plus simple de croire que tu es un idiot plutôt q'un monstre.

Chaque jour je me lève et je me bats car tout est dur. Le toucher est dur, aller chez le medecin, faire un câlin à un proche. Tout est dur. Manger, boire, me sentir vivre et exister. Sentir mon corps qui a senti des choses qu'il n'aurait pas voulu. J'aimerais arracher ma peau et la laisser derrière moi mais je ne le peux pas. Je ne peux pas enlever ce que tu as touché, je ne peux pas arraché ce que tu as sali; alors chaque jour je me lève et je me bats, car depuis toi, tout est dur.

Chaque été, les vacances arrivent comme une ombre menaçante. Elles viennent me hanter, me rappeler qu'une fois encore rien ne sera plus comme avant et que même en me promenant dans cette ville de mon enfance, même en faisant tout comme avant ce qui s'est passé; rien n'empêche les larmes de monter et de me noyer. Je coule. Je coule désespéremment vers le fond que je ne connais que trop bien maintenant.

Et malgré tout je continue d'espèrer, je continue de croire que je vais me réveiller de ce cauchemar. Je continue de croire que je me réveillerai un jour avec une explication autre que celle que m'offre factuellement ce qui c'est passé : j'étais une victime, je me présentais comme tel, j'avais été élevé dans l'optique de ce moment ; tu étais le dominant, oui, dire l'agresseur reste encore difficile, et tu t'es permis de prendre ce qu'on t'avait toujours fait voir comme acquis. Finalement, tu n'as pas eu plus de chance que moi de ce côté, on t'a imposé une image de toi-même qui t'a laissé croire que cela t'était due, j'aurai tellement aimé que tu ne t'y enferme pas dans ce rôle. J'aurai tellement aimé ne pas m'y être enfermé dans ce rôle qu'on m'a aussi donné. Mais je ne peux changer ce qui s'est passé.

Depuis plus de trois ans maintenant, je me tord l'esprit en refusant d'accepter que tu n'es finalement pas parfait et que tu n'as pas su te défaire à ce moment précis de ce background toxique qui te servait d'éducation. Depuis trois ans, je refuse d'accepter d'avoir fait de même. Mais les faits sont là. Tu m'as bléssé et j'ai subi. Tu as été mauvais, et accepter que quelqu'un d'aussi proche de moi, qui est censé m'aimer puisse poser de tel acte me fait tant souffrir. J'ai mal de ne plus avoir mes repères, j'ai mal de ne plus avoir confiance en personne. J'ai perdu l'équivalent d'un frère, mais c'est toute une construction familiale, certe bancale, mais présente qui s'est détruit ce soir-là.

Je cherche à me reconstruire, chaque jour je lutte désespérement rien que pour continuer de respirer; j'ai tellement peur de faire souffrir les autres par le moindre de mes actes, tellement peur d'imposer des souffrances à autrui que je continue de me violenter moi-même tout les jours. je continue de me forcer à être la pour les autres alors que l'énergie pour être là pour moi-même est déjà manquante.

J'aimerai pouvoir me concentrer sur moi. Je dois me concentrer sur moi, mais ressentir ce que tu m'as fait, ce que le autres après toi on fait, c'est faire de vous des monstres, faire de moi un objet sali, c'est associé ce dégoût à ta personne, cette souffrance à tes actes. Et je sais au combien cette souffrance exhale ma colère.

C'est injuste. Ce qui est arrivé n'est pas juste. J'ai mal, je souffre d'actes que je n'ai pas chosis, je me bats pour faire respecter une valeur, des droits, qui sont liés à ma personne mais auquels je ne crois plus, auquels chaque jour je dois faire semblant de croire. Parce que je n'y crois plus; comment croire qu'on mérite le respect quand on préfère ne pas entendre notre souffrance ? Comment croire qu'on mérite le respect quand nos idées sont bafouées en permanence ?

Et pourtant, c'est à moi, moi qui est souffert et ai perdu/ n'est jamais eu de considération pour ma personne de croire maintenant que le combat est plus dur que jamais que je mérite de me faire rendre justice. C'est à moi chaque jour, de convaincre mon avocat de cerveau de plaider pour ma cause, que je le mérite, qu'il s'agit même d'un droit inhérent à ma personne en tant qu'être humain et individu à part entière. Que ce combat est lassant, je dois me battre en extérieur pour une cause auquelle moi-même je dois me convaincre; je suis lassée des combats. Je suis lassée de ce combat d'existence.

Je l'avoue, parfois j'abandonne, je me dis que si c'est arrivé c'est qu'il y a une raison bien plus forte que la simple éducation, que le hasard, je me dis que si c'est arrivé c'est qu'en un sens je l'ai mérité; car, cela te rend vierge de tout défaut, cela ne remet en rien mes idéaux de confiance envers ma famille, cela ne remet pas en cause des années de souvenirs; cela ne me remet que moi en cause. Moi, une personne auquelle je n'ai jamais prêtée d'importance, auquelle beaucoup semble s'en prendre et qu'on peut donc accuser de culpabilité. Parce qu'il faut bien un coupable, parce que ça ne peut pas être toi, parce qu'il doit bien y avoir un sens.

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