Souvenirs
Elle rassembla alors, difficilement, toutes ses pensées afin de se remémorer les événements passés lors des heures voire des jours précédents.
Elle se souvenait vaguement de jeudi. Elle se rappellait bien d'une journée de travail normale, puis d'être rentrée chez elle sans encombre, sans avoir quelconque sentiment d'inquiétude ou de quelque chose d'inquiétant qui pouvait se tramer.
Non. Elle n'avait aucun souvenir de s'être sentie suivie ou épiée.
Comme d'habitude, elle était rentrée dans son immeuble, dans son souvenir, aucun événement sortant de l'ordinaire ne lui avait sauté aux yeux...
Elle revivait tout cela comme un film à la première personne, mais comme si toute cette vapeur d'eau avait également envahi l'espace de sa mémoire.
Elle se souvient mollement d'avoir simplement vécu sa vie ordinaire en suivant son bonhomme de chemin : le train-train habituel, se faire à manger, allumer sa télévision, aller prendre sa douche.
Elle n'a eu la visite de personne, aucun étranger collé à sa fenêtre, aucun message téléphonique. Cela en était frustrant, rien ne clochait. Aucun signe avant-coureur de tout cela.
Comme chaque soir, elle s'était posée devant son ordinateur en kimono avec sa tisane, toujours avec la télé en fond. Elle s'était connectée sur scribay, pour lire, comme d'habitude, de nouveaux textes, voir si de nouveaux défis la tentaient et si des gens avaient réagi à ses écrits.
Après quelques réponses apportées à certains lecteurs, elle avait fini de taper un chapitre de son histoire, le dernier.
Elle a avait enfin achevé cette autobiographie érotique débutée deux ans plus tôt.
Une grosse page de sa vie allait être tournée avec la diffusion de cet ultime chapitre.
Refermer ce livre était important pour elle, pour avancer.
Ce soir là, donc, elle avait publié le chapitre qui se termine par le mot FIN.
Après un soupir de douce nostalgie, elle quitta scribay et son ordinateur pour aller se coucher.
En gros pour jeudi : CHECK Rien à signaler... mais ce n'était pas rassurant pour autant, elle ne trouvait pas le bug, elle s'énervait contre elle-même d'être dans l'incapacité de se souvenir.
Vendredi matin, dernier jour de la semaine, elle s'était levée relativement tôt pour avoir du temps à elle, avant de se préparer et partir au boulot.
Elle se rappella que se trouvant encore dans son lit, elle avait dévérouillé l'écran de son smartphone et foncé directement sur le site voir les réactions de ses lecteurs.
Des "like" en veux-tu en voilà, sans exagérer non plus pas des "like" à foison mais, suffisamment pour lui donner le sourire. Les commentaires positifs de ses lecteurs habituels lui ont fait chaud au coeur et donné du courage et de l'allant pour cette journée.
Et c'est le coeur particulièrement léger qu'elle avait pris son petit déjeuner et fait sa toilette matinale.
Habillée chaudement pour affronter cette journée de novembre aux températures presque hivernales, elle était sortie de chez elle d'un pas dynamique pour rejoindre sa voiture.
C'est à rien n'y comprendre !!! rien ! elle avait beau tenter de se remuer les méninges, d'essayer de se faire calme, la panique remontait en elle. Non, rien aucun souvenir ne se rappellait à elle pour cette journée de vendredi... à part peut-être cette appréhension, oui cette peur qui a commencé à l'étreindre dans le parking souterrain en fin de journée...
L'étage étrangement calme, et sombre.
Tout lui semblait limpide tout à coup. Comme un flash, chaque ressenti, puis les images, les sons et même les odeurs lui sont revenus. Et cet instant était là, revécu, derrière ses paupières closes et fébriles, ces dernières secondes où le seul bruit des talons de ses bottes résonnait dans tout cet espace. Ce seul bruit s'accélérant indéniablement à chaque pas la rapprochant de sa voiture.
Elle aurait tellement souhaité que du monde soit présent ce soir là, pourtant, non. Même pas l'once d'un crissement de pneus ou le claquement d'une portière, juste le bruit de ses pas.
Trouver ses clefs de voiture rapidement était d'une importance capitale, devenu une urgence presque vitale.
Au moment de soulagement durant lequel elle touchait enfin le porte-clefs en forme de coeur dont elle connaissait chaque centimètre carré, se succèda tout à coup, la panique avec un bruit de tissu froissé, une soudaine étreinte. Ne rien pouvoir faire et entendre un claquement d'étincelles.
Comme une brûlure.
Trou noir.
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