Je voudrais dévorer

l’entièreté du monde

j’ai une faim ignoble

dans le creux de mon ventre

qui résonne contre mes os

je voudrais dévorer

ma propre chair

pour me faire disparaître

je suis épuisé

de lutter

contre les propres besoins

de mon corps

contre son envie de nourriture

laisse-moi être

ta pourriture

à force de me retenir

je pourrais dévorer

l’entièreté du monde

je pourrais dévorer

l’immensité de l’univers

ou tout un magasin

dans mes artères

les courbes de mon corps

sont décourbées

je n’en veux pas

de ces membres

qui forment un amas

je pourrais dévorer

l’entièreté de mon âme

si sombre

dans toute sa noirceur

la longueur de la chute

dans ma vacuité descendante

j’aurais peur du vide

et le vertige de vivre

je voudrais m’écraser

au fond de mon estomac

sentir les parois de mon être

se refermer et m’avaler

je ne veux plus

de mon ventre

qui crie à la faim

je ne veux plus rien

ressentir

ni l’envie, ni la vie

je veux me noyer

dans ma dénutrition

me laisser aride

dans ma déshydratation

je pourrais dévorer

l’entièreté du monde

ma faim semble si grande

elle en fait trembler mes os

frémir ma tête

les placards vident

c’est dans le vide

que je me construis

si je pouvais me scarifier

l’estomac

pour le punir

qu’il se taise à jamais

je le ferais

et je ne dévorerais plus

l’entièreté du monde

au bord du crépuscule

je plongerai

et me noierai

qui s’efforcerait à survivre

quand le monde l’a dévoré ?