Chapitre 18

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Le cœur de Joy battait fort, bien trop fort. N’importe qui pourrait l’entendre. Enfermée dans les toilettes de l’université, recroquevillée sur le carrelage glacé, elle était incapable d’arrêter les larmes de couler sur ses joues. Le bruit de l’alarme résonnait encore dans sa tête. C’était la première fois qu’elle y était confrontée : une alerte intrusion. Elle avait toujours pensé que de telles situations ne pouvaient arriver qu'aux autres, mais maintenant, elle se sentait piégée dans son propre corps, paralysée par la terreur.

Tout avait commencé quelques minutes plus tôt.

Alors qu'elle assistait à son cours d’économie politique, une alarme brutale avait interrompu le professeur. Celui-ci, la voix tremblante, avait demandé à tout le monde de se mettre à l’abri.

Une personne armée se trouvait sur le campus. Un étudiant dont personne ne connaissait encore l’identité avait été blessé.

Joy était tétanisée, prise de panique par cette annonce. Autour d’elle, les cris se mélangeaient à l’agitation tandis qu’elle, elle resta immobile. Jusqu’à ce qu’elle réagisse sans réfléchir.

— Joy ! avait crié Daniela, paniquée, en cherchant son amie dans la foule. Tu vas où ? Reste avec moi !

Mais les jambes de Joy s’étaient mises à courir, bien que son esprit voulait suivre son amie. Dans un moment de désespoir, elle s'était précipitée vers les toilettes, s'y était enfermée et se tenait maintenant là, seule, essoufflée, écoutant les bruits de l'université au-delà des murs.

Enfin ça, c’était ce qu’elle pensait.

Les sirènes de police hurlaient, et les voix de ceux qui essayaient de se frayer un chemin à travers la panique se mêlaient à ses pensées. Son téléphone vibra, la sortant de sa torpeur.

Elle essaya de calmer sa respiration avant de répondre.

— Joy ! hurla Daniela à l'autre bout du fil, sa voix tremblante trahissant son inquiétude. Tu es où ? Est-ce que tu vas bien ?

Joy essaya de parler, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge. Elle enroula un bras autour de ses genoux, cherchant du réconfort dans ce geste.

— Je... Je suis dans les toilettes… Je... Je peux pas sortir.

— Ne bouge pas, ok ? Reste à l’abri. Ils commencent à évacuer l’amphi par la sortie de secours. Tout le monde est en train de sortir, mais … je ne peux pas partir sans toi.

La voix de Daniela était ferme, mais Joy pouvait entendre toute son inquiétude.

— Il faut que tu partes, murmura Joy, la panique la saisissant à nouveau.

— Il ne va rien nous arriver, je te le promets. Reste juste où tu es et essaye de respirer. Je vais venir te chercher, d’accord ? dit Daniela en se dégageant des dizaines d’étudiants qui se ruaient vers la porte de sortie. Mais, l’idée que Daniela soit en danger à cause d'elle brisa le cœur de Joy.

— Ne fais pas ça, Daniela. Ça ne sert à rien.

— Si, j’arrive. Je te le promets. Reste en ligne !

Joy ferma les yeux et se concentra sur la voix rassurante de son amie. Elle pouvait presque imaginer Daniela à ses côtés, lui prenant la main, apaisant sa peur. Mais la réalité du moment s’imposait. Elle était terrorisée.

— Je... Je peux pas. J'ai trop peur.

Ses mots étaient à peine audibles, mais Daniela les entendit.

— Pense à toutes les fois où on a traversé des choses ensemble. On va s’en sortir, ok ? Tu es ma meilleure amie, et je t'aime. Je suis là.

Joy sentit une vague de chaleur l'envahir, tandis que la voix de Daniela résonnait dans son cœur. Elle avait besoin de cette force, de cette amitié qui l'avait toujours soutenue. Elle inspira profondément, essuyant ses larmes d'un geste de la main.

— Je suis désolée, je suis tellement désolée…

— Ne dis pas ça. Tu n'as rien à te reprocher. Reste calme. Je vais essayer de te rejoindre. Attends-moi juste.

Joy hocha la tête, même si Daniela ne la voyait pas. Elle comprenait que sa meilleure amie faisait de son mieux, mais l'incertitude pesait lourdement sur ses épaules. Elle avait besoin de ses forces. Elle avait besoin de retrouver ses forces. Les minutes s'étiraient comme des heures, et la peur la rongeait de l’intérieur.

Elle ne parvenait pas à se défaire de l'image de cet élève blessé, peut-être décédé à l’heure actuelle.

Joy, recroquevillée dans la petite cabine des toilettes, serrait ses genoux, tremblante, le souffle coupé par la terreur. Ses larmes avaient séché, mais la panique était toujours là, alimentée par le silence oppressant qui l’entourait. L’étudiante essayait de se concentrer sur la voix de Daniela à l'autre bout du fil, mais ses pensées étaient confuses. C’était comme si elle était là, sans être là. Comme si tout ceci n’était qu’un mauvais rêve.

— Dani, tu m'entends ? Je suis... Je suis… Je suis là..., murmura-t-elle d'une voix étranglée, ses lèvres à peine capables de former les mots.

Le téléphone tremblait toujours dans sa main. Elle essaya de se calmer, de respirer, mais un étrange frisson lui parcourut l’entièreté de son corps. Quelque chose n'allait pas, elle avait la sensation d'être étouffée, comme si une présence dans la pièce l'oppressait. Elle releva lentement la tête. Et là, juste devant elle, assise par terre, se trouvait la Dame du parc. Elle ne parlait pas. Son visage arborait un sourire énigmatique.

Ses yeux semblaient transpercer directement l'âme de Joy, comme si elle voyait au-delà de ses peurs, de sa panique, et touchait quelque chose d'encore plus sombre en elle. Joy aurait dû crier. Elle aurait dû paniquer encore plus. Mais elle restait figée, hypnotisée par la présence silencieuse de cette femme qui semblait sortir de nulle part

— Joy, parle-moi... Je t'en supplie ! criait presque Daniela à l’autre bout du téléphone, mais Joy ne l'entendait pas.

Tout son être était concentré sur la Dame du Parc. La femme ne disait rien. Elle se contentait de sourire, de ce sourire silencieux et insidieux, comme si elle savait quelque chose que Joy ignorait encore. Le silence était devenu assourdissant, et dans ce vide, une seule pensée traversa l'esprit de Joy. Une pensée qui émergea lentement, comme un secret longtemps enfoui.

Elle avala sa salive avec difficulté, les yeux fixés sur la Dame du Parc, puis respira profondément, comme si ces mots allaient lui coûter toutes les forces qui lui restaient.

— Je crois que... c'est moi, murmura-t-elle d’une voix brisée par l’émotion.

La Dame du Parc sourit plus largement, comme si ces mots étaient la réponse qu'elle attendait depuis tout ce temps.

Joy sentit un poids immense l'écraser. C'était comme si quelque chose en elle avait cédé, comme si toutes ses pensées, ses actes, ses choix, venaient de se briser. Elle commençait à comprendre. Enfaite, dans cette petite pièce, tout sembla prendre sens pour Joy.

Le téléphone glissa de sa main et tomba sur le sol des toilettes, émettant un bruit sourd. La voix de Daniela résonnait toujours dans le téléphone, mais Joy n'entendait rien. Ses mains tremblaient violemment, et quand elle les baissa, elle les vit… tâchées de sang. Un rouge sombre et collant maculait ses paumes, comme une preuve irréfutable.

Elle laissa échapper un sanglot, ses épaules tremblant sous le poids de la culpabilité qui l’envahissait.

Si la Dame du Parc n'avait pas existé, Joy n'aurait pas fait boire son père jusqu'à ce qu'il perde tout contrôle.

Si la Dame du Parc n'avait pas existé, Joy n'aurait pas dévissé les boulons de la voiture de Léo.

Si la Dame du Parc n'avait pas existé, Joy n’aurait pas envoyé ces messages à Marcus.

Et si la Dame du parc n’existait pas, Joy n'aurait pas tué Marcus.

Fin

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