Semaine 11 : (10 au 16 décembre 2018)
Consommateur invétéré de viande, passionné de chasse, Régis avait repris l’affaire familiale : la Boucherie Charcuterie. Durant les deux premières années, épaulé au quotidien par sa femme Jeanne et son ami Charles, il avait su développer avec succès une activité de traiteur.
Désormais, il était à la tête d’une équipe de six salariés. Son commerce jouissait d’une excellente réputation, mais aujourd’hui deux jeunes femmes plantées devant son magasin risquaient de mettre en péril plusieurs années de labeur .
Affairé derrière la vitrine réfrigérée, en début de matinée, il avait été averti du danger par la vieille Georgette. Cette cliente de la première heure avait déclaré d’une voix chevrotante :
— Les deux mangeuses de légumes qui sont dehors vont vous causer du tort !
Les habitués défilaient et à chaque fois Régis en apprenait un peu plus.
« C’est pas ces deux nénettes qui vont me culpabiliser d’acheter votre pâté en croûte ! »
« Deux militantes véganes dans notre village ! C’est dingue ! J’aimerais deux filets de poulets, s’il vous plaît. »
« Ne plus manger de viande, mais où va-t-on ? Vous avez des aiguillettes de canard ? »
Lorsqu’une dame lâcha :
— Pourquoi vous ne les chassez pas ?
Régis rétorqua :
— Elles vont bien se lasser ? Non ?
— Hum, j’en doute. Les véganes sont féroces.
Régis profita d’une accalmie pour épier de plus près les intruses. Elles étaient maigrichonnes, pâlottes, il aurait pu les croire malades, mais elles distribuaient énergiquement des tracts aux passants.
La porte automatique coulissa, vêtu de son tablier souillé de sang, il s’approcha et les jeunes femmes crièrent :
— Assassin ! Assassin !
Face à la situation, l’homme garda son calme, et lentement, sous les insultes qui fusaient, il extirpa de sa veste une photo en noir et blanc.
En leur présentant l’image, il prononça quelques mots à la consonance étrange.
Abasourdies, les deux végans se regardèrent et laissèrent tomber leurs tracts au sol avant de filer à toute vitesse.
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