Timothée avait quatre ans. Dans une aire de jeux, heureux, il chevauchait un canard monté sur ressort. Surexcité, en regardant les autres gamins, il se balançait énergiquement et riait.

 Assis sur un banc, son père qui le regardait attentivement, ne remarqua pas une jeune femme au teint livide qui s’approchait. Ses gestes étaient lents, mécaniques. Tel un fantôme, silencieuse, elle déambulait, au milieu des enfants déchaînés.

 Durant de longues secondes, elle fixa le petit Timothée qui s’amusait. Insouciant, il ôta ses mains des poignées, et chuta du canard. Sa réception sur le sol fut médiocre, il se mit à chialer, elle voulait intervenir, le serrer dans ses bras, mais son papa arriva pour le consoler.

 Après un gros câlin, un bisou sur la joue, le gamin avait retrouvé le sourire, quant aux yeux de la jeune femme, ils s’embuèrent et des larmes coulèrent sur ses joues.

« Vos deux trompes sont bouchées de façon irrémédiable. Vous ne pourrez pas tomber enceinte sans fécondation in vitro. »

 Les mots de la spécialiste résonnaient encore dans son esprit. Lors de l’annonce Sophie avait vacillé. Son rêve de concevoir un bébé de façon naturelle avait volé en éclat.

 Suivre un protocole strict dans l’espoir d’une grossesse.

 Avec sa phobie des aiguilles, elle se sentait minable, démunie.

Son conjoint était en déplacement professionnel pour quatre jours.

 Aujourd’hui, dans cette aire de jeux, elle était abattue et seule. Elle aurait aimé que Clément l’enlace entre ses bras musclés et qu’il murmure au creux de son oreille : « tu vas y arriver, tu es forte ma chérie ».