En recevant le message d’Anna, face à la douleur, Augustin avait grimacé, et après avoir extirpé le petit papier ensanglanté de son épaule, il s’était exclamé :

— J’arrive !

 Sac sur l’épaule, il avait annoncé à ses parents qu’il partait plusieurs jours chez sa bien-aimée.

 En l’enlaçant, sa mère s’était mise à pleurer. Après une accolade virile avec son père, il avait filé à la gare. Un train vétuste était arrivé, et heureux, il était monté à l’intérieur.

 Trois heures plus tard, arrivé dans un petit village de campagne, il était descendu du train et Anna était là, sur le quai pour l’accueillir. Avant de rejoindre mère-grand qui les attendait dans une camionnette en piteux état, ils s’étaient embrassés longuement.

***

 Le soleil déclinait à l’horizon. Dehors, assis autour d’une table, il y avait Augustin, Anna, et sa grand-mère. Au milieu de la table trônait un immense plat chargé de saucisses, de tomates farcies, de riz, et de poivrons.

 Comblé d’avoir retrouvé Anna, Augustin l’observait. Ses yeux verts, ses cheveux ambrés, sa gestuelle, et son timbre de voix, la rendaient presque irréelle.

 Avec sa fourchette, la vieille dame piqua une saucisse, puis la déposa délicatement dans son assiette. Elle la découpa rapidement, et amusée, elle jeta des morceaux aux trois jeunes canards qui se dandinaient dans l’herbe.

 Mouvements d’ailes, déplacements rapides, le bec ouvert, ils chopèrent les rondelles, avant qu’elles ne retombent au sol.

 Impressionné par la vitesse et par la force de ses canards, Augustin cria de joie, puis d’une voix rauque, en regardant sa petite-fille, mère-grand déclara :

— Tes fils sont prêts !

***

 À la lueur de la pleine lune, escortés par leurs canards, Anna et Augustin se promenaient main dans la main. En passant à proximité d’un étang, ils entendirent des grenouilles chanter et Anna s’exclama :

— Regarde, juste-là, des vers luisants.

 Dans la pénombre, au bord du chemin, sur les herbes hautes, Augustin distingua plusieurs points lumineux, et satisfait, il chuchota :

— Ah ouais ! C’est chouette.

 D’un coup des cris stridents retentirent, l’obscurité s’intensifia. En levant la tête Augustin distingua une centaine d’oiseaux, tourbillonner dans le ciel.

 En sentant son homme se raidirent, Anna lâcha :

— Ne t’inquiète pas, ce sont les canards de mère-grand.