Ailes écartées, gerbes d’eaux, perte de vitesse, les quatre canards géants amerrirent sur l’étang tel des hydravions. Tranquillement en toisant leur public, ils se dirigèrent vers l’aire de spectacle et crièrent.

 Effrayé, Noé se mit à pleurer. Pour tenter de le calmer, Marianne le souleva et le serra très fort entre ses bras. En tant que photographe amateur, Jérôme aurait aimé prendre quelques clichés, mais il n’avait jamais vu son fils dans un tel état. Noé semblait terrorisé. Désemparée, sa femme s’en alla. En père exemplaire, il les accompagna.

 Arrivés sur la scène, les canards furent littéralement mitraillés par les appareils photos, smartphones et caméscopes. Ils étaient aussi grands que des chevaux, c’était une véritable aubaine pour ceux qui souhaitaient faire le buzz sur les réseaux sociaux. Les spectateurs les plus téméraires s’approchèrent portable à la main, et tout sourires, ils firent des selfies.

 Les canards enchaînèrent les poses comme de véritables tops modèles et les gens s’amassèrent autour. Subjugué par cette entente cordiale entre l’homme et l’animal, un des soigneurs du parc s’approcha. Après s’être faufilé entre des visiteurs en extase, excité, il tendit sa main pour toucher les immenses plumes colorées. La créature se laissa caresser, joie intense, instant d’exception, il fut ému jusqu’aux larmes.

 Assis sur les gradins, avec un sombrero noir et doré vissé sur sa tête, un homme vêtu de blanc observait la foule en délire.

 D’un coup, les quatre palmipèdes s’agitèrent. Mouvements brusques, coups de bec, des spectateurs s’écroulèrent, effrayés, d’autres reculèrent.

 En poussant des cris effrayants, les canards géants chargèrent et piétinèrent des individus.

 À proximité du snack, Jérôme et Marianne, qui avait réussi à calmer Noé, virent des visiteurs sortir en courant de l’aire de spectacle. Affolés, sans s’arrêter, ils hurlaient :

— Sauvez-vous !

 Un canard géant fit son apparition, en quelques coups d’ailes, il rattrapa un gaillard aux muscles volumineux. Il ouvrit son bec armé de dents, et aussi sec, le referma sur la tête du malheureux.