Chapitre 18 (2/4)

8 minutes de lecture

Elle prit son fils par la main puis retourna à l'intérieur de la bâtisse. Victor se tourna ensuite vers Irvirn.

— Suis la procédure.

— A vos ordres, Commandant Mortis, répondit-il en s'inclinant.

Victor rejoint alors son groupe.

— En avez-vous fini ? lui demanda Thralond quelque peu irrité.

— Oui.

— Dans ce cas... En avant !

Margrave et Anceus ouvrirent la porte charretière de l'hôtel et laissèrent le groupe sortir au complet dans l'avenue. Thralond menait le groupe suivit de Victor Mortis et de ses gens. Le reste des chevaliers et gardes fermaient la marche.

Victor s'approcha de ses enfants et posa chacune de ses mains sur une de leurs épaules. Il leur chuchota ensuite :

— Quant à vous deux, n'oubliez jamais ce que votre mère et moi vous avons appris.

— Jamais, père. Jamais, répondit William.

Garance se contenta d'acquiescer de la tête, se remémorant au passage les mots en question.

« Incline-toi, et fais toujours preuve de respect envers ton prochain. Mais quoi qu'il advienne, ne ploie jamais le genou à terre. Les Mortis ne se soumettent à personne. »

Derrière eux, une fois l'ensemble du groupe sorti, les légionnaires verrouillèrent les portes repoussant au passage, et avec regret, ceux qui étaient venus s'enquérir de leur aide.


*****


Le groupe s'avança sur la grand-place où la foire battait de son plein. A leur arrivée, des soldats esseniens écartèrent une foule surprise de sorte à créer un passage leur permettant de rejoindre l'avenue des Montoineaux.

Autour d'eux, beaucoup de commerçants s'étaient tus, pris de court par l'étrange procession. Les réactions étaient diverses parmi la foule ; certaines personnes dévisageaient les Chevaliers noirs, tandis que d'autres discutaient entre elles à voix basse, émettant toutes sortes de théories farfelues sur les raisons de cette surprenante scène.

Morga avait l'impression d'être une vulgaire attraction. Son mécontentement était visible sur son visage. A son tour, elle dévisagea la foule. Sérion dû l'empêcher de répliquer à deux reprises. Le reste du groupe avança dans le silence, ignorant les médisants autour d'eux.

Garance fixait Baldwin Thralond du regard depuis leur départ. Elle se moquait bien de la foule contrairement à Morga. Le désamour qu'elle avait pour cet homme, tout comme pour un grand nombre de chevaliers esseniens, n'était un secret pour personne. Bien trop proche de certaines idées radicales de l’Ordre d’Eril, beaucoup avaient forgé leur opinion de sa famille sur un grand nombre de point que Garance jugeait questionnable.

Beaucoup trop ne semblaient voir le monde que d'une façon très manichéenne, avec eux dans le rôle des héros et les membres de sa famille et de son ordre dans le rôle des ennemis de la bonne société. Dans cette vision du monde, les Millervius et les Grandes archives semblaient être à une position un peu plus favorable que la leur, et ceux, même si certains membres de l’Ordre d’Eril ne se privaient nullement de leur faire de la mauvaise publicité chaque fois qu'ils en avaient l'occasion. Tout ce qui avait un lien de près ou de loin aux mots « ténèbres » ou « mort » devait être considéré comme suspect ou mauvais. Une vision simpliste et archaïque des choses qui les rendaient dangereux, pour la plupart aveuglés par le soi-disant bienfondé de leur philosophie.

Garance soupira. En vérité, elle n'avait jamais été vraiment neutre les concernant, plus depuis son enfance à la suite d'une altercation avec deux inquisiteurs un peu trop zélés. Les paladins étaient les seuls pour lesquels elle avait une once de sympathie, en tout cas, pour les plus ouverts d'esprits. Elle se refusa à songer aux plus extrêmes d'entre eux, tout juste bon à rejoindre les Écarlates. Eux ne méritaient rien d'autre que l'oubli.

Après une marche de plusieurs minutes, qui parut plus comme une longue heure à Morga, le groupe arriva enfin aux portes du château. La herse était déjà levée. Du groupe, seul Victor et Walther avaient pénétré les lieux et lorsque Garance demanda à son père à quoi ressemblait l'intérieur, il lui avait simplement répondu qu'il s'agissait d'une « bicoque sans intérêt ». Ses paroles l'avaient fait sourire. Mais en observant l'architecture autour d'elle, habituée qu'elle avait été dans son enfance aux somptueux domaines propres à sa lignée et à son ordre, elle se dit qu'il avait raison et elle ne s'attarda pas à contempler le paysage.

Ils traversèrent rapidement la cour intérieure avant de pénétrer dans le hall d'entrée. Ils montèrent un large escalier d'une dizaine de marches situé sur leur droite avant de s'engouffrer dans un couloir long d'une vingtaine de mètres.

S'approchant de la fin du corridor, Garance parvint à avoir un meilleur aperçut de l'intérieur de la pièce. Sa réaction ne se fit pas attendre.

— C'est une plaisanterie ? se dit-elle à voix basse.

Le groupe s'était attendu à la présence du roi et de ses ministres les plus importants mais certainement pas à celle de la cour au grand complet. Près des deux tiers des gens présents n'étaient pas concernés par l'affaire qui avait mené la Légion ici. Une démonstration de force qui les surprit plus qu'elle ne les impressionna.

Une fois à l'intérieur, les chevaliers esseniens les incitèrent à avancer jusqu'au milieu de la pièce. Ils refermèrent ensuite les portes de la salle avant de se placer devant comme pour empêcher toute fuite éventuelle. En les voyant faire, Garance ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel. Elle les trouvait ridicules même si d'un autre côté, elle admettait volontiers qu'ils aient raison de se méfier ainsi.

La salle du trône était plutôt grande et allongée. Son plafond voûté, soutenu par huit colonnes à chapiteau placées de part et d'autre de la salle, était recouvert de fresques à la gloire d’Aelleon et des principales figures historiques du pays. Lilua et Lothrean devaient se contenter d’un petit pan de mur niché dans un coin. Deux grands lustres en fer forgés pendaient de la voûte. Malgré l'heure précoce, la blancheur des pierres offrait à cette salle une excellente luminosité.

Sur la façade ouest, à droite de l'entrée, se trouvaient encastrées cinq fenêtres à arcs brisés. Chacune d'entre elles donnaient une vue plongeante sur une partie de la cour intérieure et de la haute-ville. La vue de l'océan de Pranamante était réputée être une des plus belles de la côte.

Le groupe s'avança jusqu'à la petite estrade en pierre où se trouvait le monarque essenien et son épouse. Tous deux vêtus du pourpre royal dont se paraient une partie de la royauté du sud de l'Alen, ils toisaient du regard les nouveaux arrivants avec un mépris non déguisé. Derrière eux, une grande tapisserie aux tons rouges arborant les armoiries du royaume, un navire d'argent sous une couronne d'or, se trouvait accrochée au mur.

Henrik Aerelm, le chancelier, se tenait à la droite du couple royal, les mains croisées dans le dos. Il fut rejoint par Baldwin Thralond, une fois que celui-ci eut salué son souverain.

Autour des membres de la Légion, les regards étaient soit moqueurs, soit accusateurs. Tous semblaient se réjouir de la conversation à venir, à l'exception de deux personnes. Les hauts-représentants des Trois se trouvaient à la gauche de la reine. Les Diaths Héloïse et Volusien auraient préféré qu'un tel jour n'advienne pas. Ils se sentaient bien démuni et devaient malheureusement se taire. Essayer de parler plus en faveur de Victor risquerait d'aggraver la situation pour lui et son groupe. Mais leur silence ne les empêchait pas de compatir à leur sort. Seul le Diath Herlemond, fervent serviteur d'Aelleon, semblait ravi de leur présence.

Victor et Walther s'étaient mis en avant du groupe, à la fois en tant que chefs mais aussi pour protéger les autres des quolibets acides qui s'apprêtaient à venir. L'absence d'Alan ne leur échappa pas. Il ne serait pas surprenant que le roi ait décidé de l'écarter de cette réunion considérant les liens qu'ils partageaient.

Pour le moment, Edwald demeurait impassible, scrutant attentivement le groupe face à lui. A ses côtés, la reine Mirah avait cette expression arrogante sur le visage, précisément celle que Garance détestait. Elle n'avait que deux ans de plus qu'elle.

Ce n'est qu'une fois les derniers murmures de la salle éteint qu'Edwald s'exprima.

— Une nouvelle fort intéressante est parvenue jusqu'à mes oreilles tôt ce matin. Le capitaine Thralond, ici présent, m'a fait parvenir un document attestant de nombreuses transactions entre votre ordre et ces misérables rats que sont les Noirelames. Ce document, délivré par une source de confiance, atteste aussi d'un ancien marché passé à nouveau entre votre ordre et ces criminels, au nez et à la barbe de feu mon grand-père. Et cette « nouvelle » n'est que la plus récente d'entre-toutes. La dernière en date, avant celle-ci, étant les nombreuses exactions commises par des membres de votre ordre à l'est de l'Alen. Et les témoignages sont tous les mêmes. Des cavaliers vêtus de l'uniforme de la Légion, tuant des innocents par centaines, brûlant et pillant des villages isolés, semant la terreur sur leur passage. Et d'après ces mêmes sources, le chef de cette expédition meurtrière n'était apparemment ni plus ni moins qu'un membre de la maison royale d’Evragartha, un Mortis.

Pardon ?! Un Mortis ?!

Garance et ses camarades ne comprenaient pas. Pourquoi un membre de la maison royale agirait de la sorte ? Étaient-ils devenus fous ? Elle regarda son père en silence. Si ce que le roi disait était vrai, il était peu étonnant que les tensions soient aussi fortes dans certaines contrées. Et ce genre d’événements était précisément ce que certaines personnes attendaient avec impatience ; une occasion pour eux de prendre le dessus et d'étendre leur influence.

Victor avait intérêt à choisir ses mots avec soin, ne serait-ce que pour assurer à tous un départ de la capitale et du pays dans le calme. Il n'avait aucun doute sur l'issue de cette « discussion », leur exil pur et simple du royaume. Il était impossible que les choses se passent autrement. Cependant, peut-être pourrait-il négocier le délais de leur départ et gagner quelques jours supplémentaires. Il n'oubliait pas les souterrains. Personne ne les oubliait.

Et pour ce qui était de ce Mortis renégat, oui, il était bien au courant de ces agissements mais n'avait à nouveau rien dit aux autres à l'exception de Walther. Il n'avait pas été nécessaire qu'ils le sachent. Qu'auraient-ils bien pu faire de toute façon ? Mais peu importait, cette fois-ci, sa chère cousine était allée trop loin.

Face au visage impassible du commandant de la Légion, Edwald poursuivit son monologue dans un calme mêlé d'un certain mépris.

— Bien des histoires courent à votre sujet mais je dois admettre que celle-ci dépasse de loin tout ce que je pouvais imaginer. Mais, enfin, venant de gens qui n'ont eu aucun scrupule à assassiner leur propre impératrice, certaines choses devraient simplement cesser de nous surprendre...

Annotations

Vous aimez lire Cassandra Mortis ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0