Fleur brûlée (OneShot)

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En novembre, il fait souvent froid. Je ne vous apprends rien. De temps en temps le jeudi, en dépit de la basse température, et comme d’autres étudiants et étudiantes, j’aimerais marcher jusqu’au pub de la ville et y boire un coup. C’est probablement un bon endroit pour rencontrer du monde. On m’a toujours vendu les bars comme les endroits parfaits pour se faire des amis, ou même trouver l’amour.

Certaines femmes de mon âge sont concentrées sur leurs études et se moquent de l’amour, d’autres ont déjà la personne qui leur faut. Moi, du haut de mes relativement récents 19 ans, je n’ai vécu que deux courtes relations. Elles étaient sans saveur, si ce n’est pour la première, celle amère de la manipulation. En effet, ma toute première relation, à 17 ans, avait été marquée par tout sauf l’amour sincère. Ce pourri m’avait fait comprendre, par l’intermédiaire de mes parents, qu’il m’avait quitté, au bout d’à peine deux mois et demi, car il ne voulait pas rester vierge trop longtemps. C’est plutôt déprimant, mais après tout, je suis encore jeune.

Il faut que je profite d’autres plaisirs de la vie. Comme l’atelier théâtre, qui lui aussi se déroule le jeudi soir, organisé par l’établissement où j’étudie. Et puis, il y a aussi ce site de rencontres, qui pourraient m’aider au moins à trouver des gens près de chez moi avec qui parler. J’ai peu d’affinités avec les étudiants ici. Hormis mes deux colocataires et une fille de l’étage en dessous, je n’aime pas les filles. Non pas que je les déteste, mais plutôt que leur présence me met mal à l’aise, je vois l’essence même des clichés sur les femmes dans leurs attitudes et leur superficialité. Je sens que même en le voulant, je ne serais pas sur la même longueur d’onde qu’elles. Quant aux garçons, même si je m’entends bien avec certains, je ne conçois aucune relation autre qu’amicale avec eux.

Certains soirs, je regarde les profils sur le site de rencontres. Parfois, j’ai quelques messages, fades. Les éternelles questions bateaux. Oui je vais bien. Et toi comment vas-tu ? Il n’y a rien de nouveau et toi ? Passionnant… Il y a des discussions sortant de l’ordinaire, trop à mon goût. Ce type qui a une dizaine d’années de plus et qui me dit quoi porter pour être sexy, attirante, désirable. Cool ton avis, mais je ne veux pas me faire tirer. Et je trouve ça presque malsain qu’un inconnu me dise comment m’habiller. Heureusement, il y a ce garçon là, Amaury. Il semble différent des pervers sexuels qui veulent juste me tringler, pour probablement ensuite ne plus donner de nouvelles. Ou ces idiots avec leur vieille combine, dire que je dois coucher avec pour que, peut-être, ils aient des sentiments, mais attention, seulement peut-être, et à condition d’avoir couché avec eux.

Amaury est mignon, il n’est qu’à peine plus vieux que moi. Ses yeux bleus sont hypnotisants. Son sourire a quelque chose de spécial. Mais ce n’est pas tout, sinon ce serait bien malheureux. Il est curieux. Nous nous posons des questions mutuellement. J’apprends qu’il fait une licence appelée STAPS, dans le but de devenir professeur de sport. Il me propose de discuter par appel audio et visuel. La caméra ne me met pas à l’aise, il le comprend et ne me force pas.

Quelques jours plus tard, nous échangeons nos numéros. Puis un soir, nous nous appelons. Il propose à nouveau de se poser des questions. Au détour de l’une d’elles, il parle de relations sexuelles. Je lui explique être vierge, ne pas me sentir prête à le faire. J’ajoute que le jour où je le ferai, j’espère que ce sera en étant en couple, dans un lit, avec personne autour. Il semble parfaitement me comprendre, et continue ce jeu de questions. J’y apprends des choses perturbantes mais néanmoins comiques à mes yeux. Il me raconte qu’une ex lui taillait une pipe dans une voiture, et qu’il n’avait pas tenu longtemps avant de devoir s’arrêter, la concentration ayant été trop compliqué. Amaury semble avoir beaucoup d’expériences, aimer tester des choses insolites. Malgré cette différence entre nous deux, j’apprécie sa compagnie, que je juge sympathique et drôle.

Un jeudi, après les cours, je rentre dans l’îlot de collocation me préparer. Pour un rendez-vous avec Amaury, comme vous vous en doutez. Je ne me souviens plus quels habits je portais. Certains détails sont flous. Ce dont je suis sûre, ce sont mes bottes hautes, avec des petits talons, et mon manteau noir. Je m’en souviens car j’adorais ces bottes. Leur bruit sur le macadam. Leur confort en dépit des talons. Confort réduit rapidement quand le chemin à pied s’avère long. Je n’ai pas attendu très longtemps Amaury. Installés dans l’un des pubs, nous buvons et discutons. Ou du moins nous essayons. La télévision rend la conversation compliquée.

En partant du pub, il m’emmène dans sa voiture où nous discutons. Je crois me souvenir avoir été embrassée. Il me semble qu’il disait faire attention de ne pas vouloir qu’un enfant dans le parking nous voit. Les souvenirs sont brouillés. Je me souviens juste qu’il m’a demandé si j’aimerais qu’il me chante une chanson. Aimant Brassens, mais ne sachant pas le titre de la chanson désirée à ce moment-là, je lui parle d’extraits de celle-ci que j’ai en tête. Il devine et me chante La Mauvaise Réputation.

L’heure de l’atelier théâtre approchant, il me raccompagne jusqu’à l’enceinte de l’établissement. Il espère que j’aille chez lui. Je ne peux pas. L’atelier théâtre compte beaucoup pour moi, et j’ai cours le lendemain, vendredi, à huit heures. Il me propose de me chercher après le théâtre, d’être son invitée, et de me ramener le lendemain avant mes cours. Amaury m’a l’air sympa, et j’aime sa compagnie, c’est pour cela que j’accepte.

Nous passons à l’immeuble, loué par l’établissement d’études supérieures, nous montons les quatre étages, et je vais dans ma chambre, On croise Sonia, une de mes deux colocataires. Ils discutent pendant que je remplis de quelques affaires ma valise, pour la nuit.

Assise côté passager, j’écoute la musique. Plus le moment fatidique est proche et plus les souvenirs se brouillent. Quelle musique ? Etait-ce la radio ou des cd ? A-t-il chanté ? Le seul détail, et j’ignore pourquoi je m’en souviens, est sa blague. Il coupe le son. Sans raison apparente. Puis le remet quand nous voyons apparaître la pancarte. Et là, il m’explique. Aucune musique dans la ville de Samson. Samson. Sans son. Est-ce que cette blague m’avait fait rire ? Je ne sais plus. Maintenant, ça ne me semble pas drôle du tout, en raison de ce qui arrivera quelques heure après. Pendant ce trajet en voiture jusqu’à chez lui, je suis sûre qu’il avait à un moment donné une main vers la moitié de ma cuisse. Ce détail me dérange quand j’y repense, mais… si seulement ce n’était que ça.

Pourquoi est-ce que je me souviens qu’il y avait de la viande en morceaux, des champignons, de la sauce, et probablement du riz ? Après que je ne croie m’en souvenir. Je doute être censée me souvenir de ce genre de détail. Tout comme le fait qu’il avait les pupilles extrêmement dilatées. Si dilatées que c’étaient deux ronds noirs, finement cerclés de bleu. Tout comme me souvenir qu’à un moment donné on rigolait sur ses yeux que je trouvais magnifiques et qu’il disait devoir remercier ses parents. Tout comme me souvenir qu’il me massait sur son lit, pendant que sur son pc portable était diffusé un film Rowan Atkinson. Je sens mon coeur s’accélérer en repensant à ce qui va suivre.

Je me revois sur le lit, allongée sur le dos, vêtue encore mes habits ou un pyjama ça je ne sais plus. Se positionnant au-dessus de moi, il me dit. Je me souviens de cette phrase. Je m’en souviendrai peut-être toute ma vie. "Laisse-moi t’exciter." Connard. Je ne comprends pas ce qu’il se passe. Connard. Je ne réalise pas encore ce qu’il se passe. Connard. Il a la tête entre mes jambes. Connard !On ne m’a jamais fait ça. Connard ! Ordure ! On ne m’a jamais touché à cet endroit. Je ne veux pas. Mais pour une raison que je ne saisis pas et qui m’horrifie, je ne peux pas bouger. Fumier ! Si je parvenais à bouger, qu’est-ce que je ferais ? Je ne sais pas où je suis. Je ne sais pas comment retourner à l’appartement. Il faudrait que j’appelle mes parents, mais comment leur expliquer ce que je fais là ? Va crever ! Est-ce qu’il va me tuer ensuite ? Enfant de putain ! Je gémis. Pourquoi est-ce que je gémis. Je ne veux pas qu’il continue. Je ne veux pas qu’il me tue ensuite. Je ne veux pas mourir. J’aimerais tant que ça soit juste un cauchemar. Connard ! Connard ! Connard ! Connard ! J’ai mal. Pas psychologiquement. Psychologiquement j’ai juste extrêmement peur. Perdue entre la confusion et la peur. J’ai mal parce qu’il me met des doigts, je crois. Un "aïe" arrive à sortir de ma bouche. C’est tout ce que je parviens à dire. Aucun autre son ne peut sortir. Il enlève ses doigts et continue son cunnilingus. Je me remets à gémir. Pourquoi gémir alors que rien de ce qui se passe n’est voulu ? "Aïe". La douleur revient. C’est un cercle infini, où se succèdent des gémissement extirpés contre mon désir personnel, et des "aïe" de douleur. Il essaye les deux en même temps. La douleur gagne toujours. Contrairement à la peur qui, en dépit de ce qui est en train de m’arriver, stagne au même point.

Enfin il s'est arrêté. C’est encore brouillé. Combien de temps s’est-il écoulé avant que… Il prend mon bras, il le dirige sous la couverture, ou le drap, pour le poser sur… Mais il n’avait vraiment pas compris ce fumier ?! J’ai la sensation de toucher un tube épais avec des anneaux. C’est une sensation bizarre et écoeurante gravée dans ma mémoire. Je le masturbe ? Me l'avait-t-il ordonné ? Forcé en bougeant ma main ? Il me demande si je veux la sucer… Bien sûr, évidemment que j’allais te la sucer, trou de balle, après un bon traumatisme, y a rien de meilleur ! Je refuse. Le fragment de mémoire qu’il me reste m’assure avoir dit non. Il m’avait demandé à plusieurs reprises si j’étais sûre. Je refusais à chacune de ses, aberrantes, tentatives. Il en fut de même quand il me demanda si je voulais le faire. A. Quel. Putain. De. Moment. Est-ce. Que. J’allais. Accepter. De. Perdre. Ma. Virginité. Avec une raclure pareille putain de merde ?! Il a beau me demander à nouveau si je suis sûre, plusieurs fois, comment si insister comme un connard allait me faire changer d’avis. Mais mec, t’as pas percuté que tu m’avais à moitié choquée, et que la seconde moitié allait arriver quelques jours après, quand j’aurais vraiment réalisé ce qu’il venait de se passer ? Je refuse. Encore et encore. J’arrive à bouger et j’essaye de sortir du lit. Il me retient, et me dit qu’il a compris. Compris quoi ? Que t’étais un crevard dont je rêverais aujourd'hui de couper les couilles au sécateur ? Un bon gros crevard des familles, qui est passé au journal, dont j'ai vu l'article, qui a à présent femme et enfant. Putain ! Ca me répugne ! Il me propose de dormir. Je ne comprends toujours pas comment j’ai réussi d’ailleurs...

Il est temps de me ramener à mon appartement, chercher mes affaires de cours et arriver dans la salle avant d’être en retard. Je vous épargne le suspense, j’arriverai en retard en cours et le professeur venu faire une annonce pour ses cours à venir, que l’on n’avait pas encore eus, semblera me prendre en grippe une bonne partie de l’année à cause de ça. Pendant le trajet en voiture, plus de main sur la cuisse. Il semble froid et distant. Sauf pour râler. Il y a des bouchons. Il pense que ça va être compliqué d’arriver à l’heure.

Devant l’appartement, je sollicite son aide pour monter la valide au quatrième étage. Après son refus, je cours. J’échange ma valise avec mon sac de cours, je salue Sonia pendant que je change mes bottes au profit de mes baskets. Et je me dépêche. En vain… Ah Sonia ! Tu m'as dit plus tard que ça se voyait qu'il avait envie quand on était montés chercher mes affaires. J'aurais tellement voulu que d'une manière ou d'une autre tu m'avertisses. Je ne t'en veux pas. Mais j'aurais tellement aimé que tu sois celle qui m'empêche de faire cette connerie de le suivre.

Dans le week-end, revenue chez mes parents, je reçois un sms. On se demande bien de qui…Amaury m’annonce avoir apprécié cette nuit. Il rajoute même mis un "aussi" dans sa phrase ? Genre il a apprécié, "aussi" ? Genre j’aurais apprécié ? Mais va te… Mais qu’il est mieux qu’on ne se revoie pas. Mon dieu ! Quelle perte ! Qu’il ne sent pas le feeling et bla et bla et bla. Du baratin...

Il me fallut encore quelques jours pour réaliser ce qui venait de se passer. Un beau fumier qui fait croire qu’il me comprend. Qui se rapproche de sa cible facile, encore vierge et peu affirmée. Un main sur la cuisse qui aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Une phrase qui pour une raison encore inconnue m’a mise en état de sidération. Ce fumier qui a cru que mes gémissements signifiaient que j’aimais et que je désirais ce qui m’arrivait. Son culot qui me pousse à le masturber. Son aveuglement égoïste qui le laisse penser que je veux le sucer, voire coucher avec.

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