Pardon mamie de ne pas avoir tenu ma promesse
Je marche, je marche, je marche.
Le bout de la rue me parait tellement loin. Je me sentais surpuissante il y a à peine une demie heure, mais là, tout tourne, je veux juste atteindre le bout de la rue pour rentrer chez moi. Je ne me rappelle pas de toute la soirée. Il fait noir, je n’ai plus aucune notion du temps, j’ai mal aux jambes, tout tourne et je dois atteindre ma foutu maison au bout de cette rue qui semble toujours de plus en plus longue.
Je suis fatiguée, et a deux doigts de m’assoir au pied d’un lampadaire pour finir ma nuit bien arrosée, dormir quelques minutes, quelques heures.
Il me semble voir une lumière dans ma vision périphérique. La panique m’envahit. Qui cela pouvait-il bien être ? Et même si cette personne ne me voulait aucun mal, je ne me suis pas vue dans un miroir depuis un bon moment, et je ne pense pas avoir une mine accueillante.
Je sens la lumière se déplacer. Je me retourne tout doucement pour lui faire face, le cœur battant. Je suis tout d’abord éblouie, et cet éclair blanc et vif me tabasse le cerveau immédiatement. Quand mes pupilles s’adaptent enfin à cette brillance intense, je n’arrive toujours pas à distinguer une quelconque forme, il me semble ne voir que cette lumière, comme en suspension dans le vide. Une sensation étrange m’envahit, une sensation d’apaisement
Je suis fascinée. Qu’est-ce que ça peut bien être ?
Soudain j’entend une voix lointaine, émergeant de cette clarté dans cette nuit sombre. Je ne comprends pas ce qu’elle dit. Je la distingue à peine. Puis soudainement, une évidence m’apparait, je connais cette voix. Je l’ai connu, mais je ne l’entends plus. Oh non !
C’est la voix de ma grand-mère.
Une boule imposante et piquante atteint le fond de ma gorge, les larmes me montent aux joues. Je ne suis pas dans mon état normal, je ne peux pas me le nier, je suis fortement alcoolisée.
L’alcool fait halluciner ?
Cette voix si douce et réconfortante qui m'a bercé pendant tant d’années. Que j’aime cette voix. Elle continue de parler, même si je ne comprends pas un mot. Soudain le visage de ma grand-mère se dessine dans mon esprit. Tant de souvenirs me reviennent. Mes nombreux bobos, qu’elle a soigné avec délicatesse et gentillesse, mes premiers spectacles d’école, où elle était toujours assise au premier rang, mes longues vacances d’été avec les cousins, à profiter de ses bons et nombreux gâteaux.
Qu’est-ce que je fous ici ?
Complètement ivre, dans ma propre rue, ne pouvant pas atteindre ma porte d’entrée. Où est passée la petite fille qui a promis à sa grand-mère de rester sage et pure pour l’éternité ? Comment ai-je pu en arriver là.
Sans m’en rendre compte, j’avais enfin atteint ma porte. J’étais sur le perron, comme perdue, mais enfin arrivée. Ma grand-mère m’accompagnait, elle m’a poussé à ne pas m’assoir, à atteindre cette entrée. Je ne sais pas combien de temps j’ai mis à l’atteindre. Je suis fatiguée, heureuse, nostalgique, et en même temps, pleine de remords. J’ouvre, je rentre, m’affale dans le canapé et tombe rapidement dans un profond sommeil.
Pardon mamie de ne pas avoir tenu ma promesse.
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