Acte 12 - Trajet

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Une fois de retour dans la voiture d'Ivan, Camille put enfin réfléchir à tout ce qui venait d'arriver, mais encore une fois, il trouvait que rien n'avait réellement de sens. Pendant ce temps, le conducteur démarra sa voiture et décampa des lieux.

- « Bordel Ivan, dis-moi ce qui s'est passé ! Qu'est ce qui t'as pris d'éclater la porte de cette pauvre vieille ?! » Demanda le passager, légèrement pris de panique.

Ivan vérifia rapidement son rétroviseur, il semblait très soucieux, lui qui était presque trop détendu auparavant. Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver ? Il regarda son maître de stage en souriant gentiment, et lui dit :

- « Désolé d'être parti un peu rapidement comme ça monsieur, mais je viens de me rappeler que j'ai un rendez-vous super important ! »

Le plus petit haussa un sourcil et le dévisagea d'un air suspicieux, puis lui répondit :

- « Je ne te crois absolument pas, t'as l'air de savoir un truc et de ne pas vouloir m'en parler, qu'est-ce qu'il y avait chez cette vieille ? Et pourquoi ça sentait comme dans le resto asiat' ?! »

En entendant cette dernière question, le plus grand fronça soudainement les sourcils et détourna le regard. Il resta silencieux un instant, puis reprit un visage apaisé et déclara en plaisantant :

- « Un restaurant asiatique ? Mais, vous racontez n'importe quoi ! Ça sentait la petite vieille, c'est tout ! Genre, l'urine et le médicament ! »

- « Et pour ce qui est de fouiller partout ? C'est quoi ton excuse foireuse, là ? » Rétorqua Camille.

- « J'avais perdu mon stylo plume ! Je me suis dit que je l'avais fait tomber quelque part, rien de plus, rien de moins ! » Expliqua Ivan d'un ton peu crédible.

Camille soupira à nouveau longuement. Il regardait par la fenêtre, l'air abattu. Lui qui aurait voulu que l'estimation se passe bien, ce fut sûrement un des pires échecs de sa carrière, si on exclu la visite qui avait eu lieu la veille. Comprenant que son stagiaire garderait pour lui ses secrets, il abandonna l'interrogatoire, et après tout, ses problèmes d'ordre mental ne regardaient que lui, si ça lui faisait plaisir de détruire des verres et des portes, c'était son problème. Mais une chose était sûre, l'épisode de violence contre la porte n'avait pas laissé de marbre le petit agent immobilier. Il se remémorait cette scène plusieurs fois, en frissonnant quand il repensait au son du fracas de la semelle contre la porte, car cela lui faisait remonter un plus ancien souvenir où il se rappelait du bruit fracassant d'une chaise contre des os. Cette remémoration fit monter l'angoisse dans le buste et la gorge de Camille, il mordit sa lèvre et ferma les yeux, essayant de focaliser son esprit et ses pensées sur autre chose, autre chose que ces sensations insupportables, cette peur insoutenable et cette douleur irrespirable.

Alors qu'il était ailleurs, en train de se noyer dans les abysses de sa mémoire, la voix d'Ivan, comme une main tendue l'agrippant pour le remonter, vint le tirer de ces profondeurs :

- « Vous en faites pas monsieur Camille, je dirai que c'est ma faute si ça c'est mal passé ! »

Camille essuya les quelques larmes qui avaient coulé le long de ses joues, se racla la gorge pour la dénouer et répondit :

- « Il y a plutôt intérêt. J'ai déjà totalement foiré ma visite hier, alors si je dis que j'ai aussi foiré aujourd'hui, je vais être dans le viseur de la direction, c'est sûr... »

Le stagiaire pris alors conscience de l'ampleur de sa maladresse, aussitôt il s'excusa et proposa :

- « Écoutez ! Pour me faire pardonner, je vous invite ce soir ! Ça vous dit ? »

Surpris par cette proposition totalement hors de propos, le plus jeune se mit à rougir de gêne. Son stagiaire n'a vraiment pas froid aux yeux. Néanmoins, en mâchant un peu ses mots, il lui répondit :

- « Ce soir ? Et bien, je n'ai rien de prévu. Mais c'est pas commun un stagiaire qui invite son tuteur, non ?! »

Ce à quoi Ivan, avec un habituel haussement d'épaules répondit :

- « On s'en bat les couilles, monsieur Camille ! Il y a une loi qui dit que c'est interdit ? On est deux adultes pucés et vaccinés, on fait ce qu'on veut ! »

Camille ria légèrement, le franc parler de son stagiaire était tout de même assez comique, surtout avec quelqu'un qu'il ne connaissait depuis quelques heures. Il lui répondit alors :

- « Bon allez, d'accord si ça peut te faire plaisir. Mais tu me payes tout, hein ? Moi j'avais pas prévu de sortir. »

- « Oh, mais bien sûr, monsieur Camille ! Ne vous en faites pas ! J'aurais juste besoin de votre adresse. » Demanda alors Ivan.

Le plus jeune déchira alors une feuille de son carnet de notes et commença à écrire dessus. à la fin de ce processus, il posa le petit morceau de papier sur le tableau de bord du véhicule.

- « Et au fait, pourquoi tu as besoin de mon adresse, tu compte me stalker ? » Plaisanta alors Camille

Mais le plus âgé était beaucoup moins souriant. Il lui répondit froidement :

- « Oui.»

Aussitôt, un lourd silence s'installa dans la voiture. Le plus petit sentait son rythme cardiaque accélérer fortement et une boule se loger dans son ventre. Qu'est-ce qu'il venait de dire ? Un frisson parcourra tout le long de sa colonne vertébrale, suivit de sueurs froides.

- « Mais non ! Je rigole voyons, monsieur Camille ! C'est pour venir vous chercher ce soir, je suis pas un type chelou, désolé de vous avoir fait peur. » Le rassura Ivan en gloussant.

Le passager se sentit alors tout à coup soulagé, comme si un énorme poids venait de partir en fumée. Mais une fois sa peur totalement calmée, l'énervement pris le dessus, il commença à fulminer et à crier :

- « Non mais, j'ai pas eu peur du tout ! Juste, c'est quoi ces blagues de merde ?! Pis de où tu fais des blagues à ton maître de stage, déjà ?! Je vais te coller une sale note si tu continues ! »

Ivan ria jovialement, son visage arborait un sourire bienveillant. A la fin de son instant de rigolade, il s'excusa, et lui dit :

- « Après, je vous le répète, mon stage j'en ai un peu rien à péter honnêtement, mais j'aimerais au moins ne pas me faire virer avant ! Et au pire, je me rattraperai ce soir ! »

- « Te rattraper ce soir ? » Demanda Camille, la voix pleine de curiosité.

- « Oui ! Ne vous en faites pas, c'est pas une connerie ! Je vais juste faire en sorte de rendre votre soirée la plus agréable possible ! » Assura Ivan.

Peu rassuré, Camille ne pouvait s'empêcher de trouver ce type louche, mais il ne ressentait aucune antipathie chez lui. Le jeune homme décida alors de lui accorder un brin de confiance pour au moins ce soir, et il le jugera peut-être mieux après.

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