3.1
Durant l’été, nous avons des alertes. Les règles de sécurité nous interdisent d’aller seuls dans ces endroits retirés. Nous sommes donc obligés de nous retrouver pour aller dépanner chaque station. Nous optimisons notre tournée et nous descendons en train, avec le matériel, et nous empruntons un 4×4 au centre local concerné. Nous ne sommes jamais parvenus à faire l’intervention en une seule journée, même du côté de Chartres ! Sans doute de l’incompétence programmée… Cela nous oblige à nous retrouver pour la nuit. Chacune de ces journées, et de ces nuits, est un petit bijou. Nous nous tenons par la main si naturellement que nous n’y faisons plus attention. Chaque fois, le collègue sur place, le commerçant, les promeneurs, ne peuvent détacher leurs yeux de ses mains d’hommes liées entre elles. Nous n’avons pas entendu de remarques, mais nous sentons bien que nous choquons. Pourquoi ne peut-on montrer son attachement affectif librement ? Pourquoi est-ce une agression ? Pourquoi ce bonheur doit-il se cacher ?
Pourtant, nous restons discrets, nous ne nous embrassons pas en public. Enfin, pas sur la bouche ! Je n’avais jamais fait attention à tout cela. Mais quand je suis avec Pierri, je suis un autre. Cela déborde de partout.
Nous sommes dans une union et une intimité parfaite, intégrale. Une fois, alors que sa langue me prépare doucement, il me dit :
— Tu piques !
Effectivement, je suis parti si vite que je n’ai pas eu le temps de me préparer. Pourtant, pour chaque rencontre avec Pierri, je me bichonne délicatement. Cette préparation intime est déjà une offrande. Avec Doron, c’est un geste quotidien et partagé.
Juste après, je me faufile dans la salle de bain pour réparer cette situation. C’est long ! Mais j’aime tellement le passage du rasoir et le résultat. Pierri, inquiet ou délaissé, vient voir ce qui se passe. Il me trouve barbouillé de crème dans des contorsions bizarres. Il éclate de son beau rire.
— Usem, il faut me demander !
Il me prend le rasoir et se met à la besogne, avec une grande douceur. Je ressens celle de Charlotte, mon initiatrice. Je vois que ces gestes déclenchent son envie. Je suis extrêmement touché de cette marque inconsciente d’amour de mon corps. La douche pour achever le travail est brulante !
Ces dysfonctionnements des stations se succèdent régulièrement, souvent dus à des bousculades par les animaux, malgré nos attentions de pose. Nos ballades au pied levé nous permettent de satisfaire notre liaison, sans que nos partenaires officiels en souffrent.
De toute façon, nous suivons chacun les remontées des données et nous sommes obligés de travailler en visio quotidiennement. Chacun dans son bureau, au milieu de ses collègues, nous avons mis en place un petit jeu pour nous comprendre et nous dire notre intimité.
Nous étions devenus, par la force des choses, inséparables !
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