4.7
Quand ils se défont, nous avons toutes le même soupir de soulagement. Manon entraine Roxane sous la douche. Elles adorent et en ont pour une bonne heure. Doron et Thomas ont inversé les rôles, toujours dans leur monde. Charlotte est silencieuse, immobile, avant d'amorcer doucement :
— Tu en penses quoi ?
— De quoi ?
Ma réponse fuse, pour éviter de vraiment répondre. Elle pose ma main sur son ventre.
— Je crois qu'il est de toi, murmure-t-elle.
— Pourquoi pas de Doron ?
En répondant, je m'aperçois qu'il n'est même pas question de Thomas, comme une évidence.
— Parce que j'ai senti quand c'est arrivé, que je sais que c'est toi !
— Et Thomas ?
— Certainement pas. Nous essayons depuis des années et les premiers tests ont révélé une oligospermie sévère, pour ne pas dire une aspermie.
— Ah bon ! Le pauvre. On connait la cause ?
— Peut-être une maladie infantile, ou une exposition à une substance…
— Pourtant, il a l'air de fonctionner parfaitement !
— Pour le reste, oui. Les taux d'hormones sont normaux, tout est normal, sauf les petits nageurs, nada !
— Quel dommage !
— Pourquoi ?
— Tu as vu à quoi il ressemble ? Il est parfait, partout, en tout. Je n'ai jamais vu un mec aussi beau ! En plus, intelligent…
— Affectueux, tendre, prévenant, enchérit-elle.
— Cela doit-être dur pour lui, pour vous !
— L’annonce a été dure à encaisser et à accepter. Nous avons réfléchi aux différentes solutions et nous avons élaboré celle-là !
— Laquelle ?
— Celle de faire appel à vous !
— Mais je croyais… Votre premier anniversaire de mariage et tout ça…
— J’adore ta crédulité ! Trop mignon ! D'abord, cela fait plus de trois ans qu'on est marié, plus de cinq ans que nous sommes ensemble. C'est plus compliqué que cela. En fait, depuis le début, je le voyais s’interroger sur son attrait pour les garçons. Tu sais, avec son charme, il est courtisé des deux côtés. Il n'avait jamais osé franchir le pas, je le sais. J'ai vu ses yeux tellement briller quand je lui ai parlé de mes aventures avec Manon. Bref, je l'ai décoincé, mais pour cet aspect des choses, il me fallait de l’aide. En plus, me faire engrosser par un pédé simplifiait la suite !
— Vu comme ça !
— Je rigole, Usem ! Enfin, à moitié. Tu sais, je ne savais pas ce que ça allait donner. Franchement, je ne voulais plus. Quand tu as envoyé les photos, j'ai craqué. Nous voulions un enfant et, de toi ou de Doron, se dégageait quelque chose de positif. Thomas a flashé sur vous, se libérant dans sa tête. Moi, c’était dans mon ventre. Ce que je ne savais pas, c'est que vous étiez aussi des personnes adorables. Je suis si heureuse que cela se passe comme ça, avec vous, avec toi !
— On fera un test génétique pour être sûr que c'est moi ! Je comprends maintenant pourquoi tu ne voulais pas de protection ! la première fois, cela m’avait choqué ! Tu sais, avec Doron, nous étions séparés, avec notre vie aventureuse chacun de notre côté. C’était prendre un risque considérable !
— Je sais ! C’était un peu n’importe quoi ! je crois que je ne maitrisais pas trop cette envie ! Vous avez bien fait de refuser. Mais, au mois d’août, vous avez accepté, tous les deux !
— Oui, nous étions ensemble et, de toute façon, on avait fait des tests complets pour pouvoir être libre entre nous !
— Mais il y avait Pierri !
— Oui, mais lui, comme il était puceau, j’étais sûr de lui ! Bon, c’est vrai ! Il y a toujours un risque. Tu sais, nous continuons les tests et nous sommes clean ! Tu vas pouvoir faire le plus beau bébé du monde ! Mais dis voir : vous avez les yeux bleus tous les deux, double récessif. Comment allez-vous expliquer les yeux noirs ? Doron ou moi, ça va donner le même résultat !
— On verra ! Je crois que la transmission de la couleur des yeux est plus compliquée que cela. Mais ce n'est pas moi la biologiste !
— Quand même, qu'une telle beauté ne se reproduise pas, quel gâchis !
— Je ne suis pas sûre ! Tu connais le top model, le gentleman, j'aime mon homme, mon amant, le père de mes enfants, mais des fois, il me fait peur. Quand il me raconte son travail, c'est horrible. C'est un requin, un tueur. Il cherche le pouvoir et il avance vite. Son mépris pour ceux qu’il a détruits ou simplement dépassés est sans limites. Il y a eu un suicide chez ses collaborateurs. Il gagne des sommes folles, juste pour jouer. C’est un prédateur sans scrupules. Tu vois, c'est compliqué !
Je ne relève pas. C'est vrai que j’ai ressenti de la peur après certaines réflexions de Thomas, sans pouvoir discerner la vraie raison. Reste à savoir si cette attitude est génétique ou congénitale… j’ai juste bien noté le pluriel pour leurs enfants !
— Charlotte…
— Oui ?
— Toi, tu es une gentille fille !
— Tu n'en sais rien !
— Si ! Je ne sens pas la même chose avec toi qu’avec Thomas. Je veux que nous restions proches. Tu sais, si tu as besoin d'une autre insémination, c'est avec plaisir que je te ferais l'amour !
— Et sans insémination, pour notre plaisir, pour notre amitié…
— Mais pas dans ton état !
— Au contraire ! Viens !
C'est la première fois que je fais l'amour. Je veux dire que je vis quelque chose de différent. Cette fois, je donne la vie. Je sais bien que réellement, cela a eu lieu des mois auparavant. Alors, cette fois, je me rattrape. C'est merveilleux ! Charlotte ne s'y trompe pas, car elle me chuchote, juste après être redescendue :
— Ce sera un enfant de l'amour !
Je suis ému. Je ne sais que répondre.
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