4.10
Le weekend suivant, nous sommes invités, Doron et moi, chez Clarisse et Pierri. Une semaine que je ne l'ai pas vu ! Pas touché, exactement, car nous sommes toujours en relation chaque jour.
Quand je le revois, je ressens à nouveau ce coup de foudre. Il m’est tellement indispensable. Contrairement à la toute première fois, ses yeux expriment notre attachement. Que c'est dur de lui faire juste un câlin, alors que je veux me fondre en lui !
Pendant le déjeuner, les jambes se mélangent sous la table, sans bien savoir lesquelles se frottent auxquelles. Doron doit partir après le repas. Je m'apprête à le suivre, mais c'est Clarisse qui m'invite à rester.
Elle m'indique le canapé. Je me sens gauche et timide. Pierri se pose à côté de moi, sans me toucher vraiment. Je sens sa chaleur, mais je ne le vois pas. Devant nous, Clarisse, dans une petite robe noire très seyante. Elle n'a pas le charme de Manon, mais je ne suis pas objectif. Elle n'a pas la beauté et l'embrasement de Charlotte. C'est une fille tout en nerfs et en muscles. J'avais bien aimé cette force, cet accompagnement lors de notre dernier rapport. Je comprends Pierri, c'est une excellente partenaire.
La situation est étrange, car mon amoureux est près de moi et sa femme déploie son charme vers moi, avec énormément de succès. Je me laisse emporter, alors qu’elle raconte sa vie, des études, ses copines, ses vacances. Tout ceci est d'une banalité affligeante. Elle n'a vécu et ne vit que selon les schémas établis. Tout est convenu, les gouts comme les couleurs, les idées comme l'habillement et les loisirs. Rien de personnel, aucun élan, aucun recul. Cette absence totale de réflexion m'étonne. Mais peut-être est-ce là la vraie sagesse : ne pas penser !
La vraie question qui me travaille est de comprendre pourquoi Pierri l’insatisfait, le chercheur d'absolu s’est entiché de cette pouliche racée. Hormis la convention sociale, je ne vois pas. L'intelligence : mal utilisée ; le physique satisfaisant, mais quelconque ; les sentiments, je sais que non ; le sexe ? Non, d'après ce que j'ai ressenti, c'est du classique sans imagination. Le patrimoine ? Je ne vois pas Pierri intéressé. Se marier par convention ! Mon pauvre amour ! Qu'as-tu fait là ! Pourquoi as-tu fermé les portes de ta liberté ?
Elle associe ces paroles creuses avec des gestes et des regards qui m’hypnotisent en titillant mes envies. Pourtant, généralement, je demeure totalement imperméable à ces numéros. J'en ai vécu plusieurs, avec plus d'attraits et plus de brios, sans me laisser convaincre. Qu'a-t-elle de plus ? Ma dissociation d'esprit me perturbe.
Je sens à peine une main saisir la mienne, la serrer. Quand je me réveille, je suis ensorcelé. Pierri vient de dire que je suis prisonnier, que je ne peux plus partir à cause du couvre-feu. Je sais l’argument fallacieux, mais je m’y plie, devinant une nuit particulière. J’appelle Doron pour le prévenir. Je l’entends rire.
Je ne sais pas s’ils se sont mis d’accord, si c’est un plan de Clarisse accepté d’emblée par Pierri. Que va-t-il se passer ? Cette fois, je n’ai pas l’aide de ma fée qui dénoue toutes les situations.
Quand je me remets sur le canapé, je suis enfourche par cette walkyrie. Sa robe est largement fendue, ce que je n'avais pas remarqué. Mes mains se posent sur ses cuisses fines et musculeuses. Je les sens broyer les miennes. L'impression ne m'est pas désagréable, même si j'aimerais rencontrer les yeux de Pierri pour savoir comment me comporter. C'est sa bouche à elle qui s'écrase violemment contre la mienne. Je ne vais pas résister, j'ai de la politesse. Rarement j'ai eu un baiser aussi fougueux. Elle se recule. J'ai juste le temps d'entrevoir mon dieu vivant, pour le coup interloqué. Je laisse Clarisse profiter de moi, lui offrant les retours qu'elle attend. Je dois dire que sentir ses petits harcèlements m'excite fortement.
Elle se déshabille, elle me déshabille. Je crois que je vais me laisser violenter, tant elle semble impossible à maitriser. Je n'ai pas bougé et elle s’empale sur moi. Je suis trempé. Alors qu'elle s'écarte, les deux mains sur mes genoux, pour amplifier ses mouvements, deux lèvres bienveillantes viennent rafraichir les miennes. Un volcan travaille mon bas-ventre, le souffle aérien de mon soleil survole mon visage. Que j'aime cette douceur ! Je laisse Clarisse monter, car elle semble aller vers des sommets inexplorés. Toute mon attention est sur ce baiser, car c'est lui qui m'emporte.
Nous sommes bousculés quand elle se retire dans un dernier rugissement, avant de s'écrouler sur le canapé. Elle se blottit contre moi, tandis que ses halètements se calment. Pierri s'est également un peu écarté, regardant avec perplexité cette furie calmée comme une inconnue.
— Putain, baiser avec un vrai pédé, c'est quelque chose ! Pierri, j'espère que tu vas vite devenir un vrai pédé !
Nous nous regardons, hébétés !
Elle se lève, nous disant qu'elle va chercher trois bricoles à grignoter. Même de dos, elle a de la niac !
Pierri me regarde, amusé.
— Eh ben ! Je la découvre ! Ça promet ! Bravo et merci.
Le charme entre nous a été rompu. Nous nous levons pour la rejoindre. Pendant que j’enfile mon boxer, une main câline vient ranger soigneusement mon matériel encore mouillé. Un doux sourire accompagne ce petit geste. L'essentiel est intact.
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