5.2

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Le soir, je marche dans le froid avec Manon. Le couvre-feu est dépassé, mais j’ai toutes les justifications et ce n’est pas loin de chez elle. Je lui ai tout raconté, tout ce que nous avons fait, comment j’ai pénétré Clarisse, ce que je sentais qu’elle ressentait. Pourquoi après ce plaisir ce rejet aux enfers ? C’est pourtant simple ! Elle a découvert le plaisir corporel, sexuel. C’est juste trop fort pour elle, avec la crainte de ne plus vivre que pour ça, de devenir addict, alors que toute sa morale tire dans l’autre sens. Pourquoi est-elle venue voir et tester ? Par attrait, par curiosité.

Pour Manon, il n’y a rien à faire. Elle ne pourra jamais franchir le pas, sauf à être forcée ou à suivre une psychothérapie pour la décoincer. Elle sait bien que Pierri, avec sa recherche d’absolu, va craquer dans ce monde ligoté. Mais apparemment, divorcer, fuir n’est pas encore possible. Pas de solution ! Elle me console, mais est-ce possible ?

Je rentre. Doron m’accueille avec son immense sourire et sa tendresse. Je ressens alors la morsure de cette nuit. Elle s’est agrandie. Plus rien ne tient.

J’essaie de répondre à sa gentillesse. Je joue, je ne suis plus sincère. Je me barricade, je ne veux pas avoir à lui expliquer. Je suis emmuré.

Je n’essaie même pas d’appeler Pierri, de lui envoyer un message, tellement je suis sûr que son cerbère veille.

Lors du comité de pilotage, le responsable de Pierri annonce qu’il va quitter la mission et qu’il cherche un remplaçant. De toute façon, c’est l’hiver et, comme prévu, nous entrons dans une phase de sommeil. Beaucoup de stations sont inaccessibles. Nos interventions ont fait chuter celles qui dysfonctionnent. Nous pouvons attendre mi févier ou début mars pour repartir. Les premières données sont à analyser pour renforcer la pertinence des mesures.

J’écoute, mais je ne suis plus là ! Presque plus de visio, car nous allons travailler chacun de notre côté, et puis quand ça reprendra, ce sera avec un ou une autre.

Je me remets à ma thèse, à fond, en reprenant tout, selon la lumineuse idée de Pierri. Doron et mon directeur ne reviennent pas de ce changement et l’admiration que je reçois me fait autant de plaisir que de peine puisque je ne peux pas remercier mon bienfaiteur, même s’il est le seul présent dans la dédicace.

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