Chapitre VII
Éléonore se réveilla lentement. Ce rêve n’avait pas été très excitant : il n’y avait pas eu de chasse mais « parlait » de la cohésion dans cette famille de lions. Elle se sentait calme, encore transportée. Elle s’étira lentement, comme un chat et se leva. Elle se remémora alors ce qu’il s’était passé la veille. La tension réapparut en elle.
Bon, autant aller la voir pour le lui dire. Je ne suis pas obligée de rester.
L’adolescente s’habilla et descendit. Elle vit qu’Ophélie était dans le salon et regardait fixement le gribouillis qu’elle avait remarqué la veille. Sa grande-tante semblait absorbé dans sa contemplation. Elle prit une tartine dans la cuisine et mordit dedans. Ophélie parut alors seulement la voir. Elle fronça les sourcils.
- Tu es là depuis longtemps ?
Éléonore répondit :
- Même pas deux minutes.
La discussion se clôt sur cette phrase.
- Je peux… visiter le village ? finit par demander l’adolescente timidement.
- D’accord mais s’ils te demandent d’où tu viens, dis-leur que tes parents sont aussi ici.
- Euh… d’accord.
Éléonore sentit que si elle lui demandait pourquoi, Ophélie risquait de se mettre en colère et se montrer encore plus distante qu’elle ne l’était déjà. Elle se tut et sortit. Elle se surprit à accélérer le pas, comme si elle était pressée d’arriver.
En approchant de la maison de Maire, elle entendit de la musique. Il y eut un court silence puis une nouvelle chanson débuta. Elle fut aussitôt transportée par le son de la flûte. Le thème fut ensuite repris par les violoncelles. Un sourire apparut sur son visage.
Elle s’arrêta devant la porte, subjuguée. Pendant tout le temps de la chanson, elle resta sur place. Seule sa tête bougeait au rythme des mélodies. Marie la surprit ainsi.
- Oh ! Une nouvelle fan… Viens, entre !
L’adolescente obéit et la musique se tut au moment où elle pénétrait dans la maison.
Comment les compositeurs parviennent-ils à créer de telles chansons ?
- Qu’est-ce que c’était comme chanson ?
- Impossible de Two Steps From Hell. C’est beau, non ?
- Oui.
- Qu’est-ce que te font écouter tes parents ?
- Ils n’ont jamais pris le temps de nous faire connaître des groupes qu’ils aiment… Un petit peu de rap, de la pop… Pas grand chose d’autres.
- D’accord. Tu veux m’aider dans l’étable ?
L’adolescente acquiesça.
- Et je laisse la musique, rajouta la jeune femme.
Elles changèrent de pièce. Elle dut nourrir les chèvres, les poules, le cheval, les deux vaches, les moutons. Après quoi, Marie lui montra comment brosser son cheval surnommé Beethoven. Cette activité la détendit. Elle ne vit pas la matinée passer, ainsi qu’une partie de l’après-midi. Elle fit aussi la connaissance du Patou de la maison : Arka.
Éléonore s’étira au bout d’un moment.
Pfiou… c’est fatigant, surtout quand on n’a pas l’habitude.
- Miaou !
L’adolescente sursauta et se retourna. Un chat siamois était assis sur la barrière de l’enclos, au soleil. Il la regardait droit dans les yeux.
J’ai cru qu’il m’avait appelé. Ou il a miaulé pour attirer mon attention.
Elle tendit sa main pour le caresser. Le chat la renifla, méfiant puis frotta son museau contre. L’adolescente sourit. Elle fit glisser sa paume sur le pelage soyeux, il se mit à ronronner. Il la fixa, elle plongea son regard dans le sien. Il lui sembla qu’ils communiquèrent, mais sans qu’elle devine leur sujet de conversation. Le chat miaula doucement, puis sauta de la barrière. Elle le laissa partir.
- C’est étonnant qu’il se soit laissé aussi rapidement et facilement, lui dit Marie. D’habitude, il ne veut pas qu’on l’approche. Même avec moi il ne se laisse pas caresser comme ça. Etonnant…
- Ah. Il faut que je rentre. Je crois que je suis restée trop longtemps ici.
La jeune femme acquiesça.
- J’aimerais juste te montrer un exercice. Encore cinq minutes, ça te va ?
- C’est important ? la questiona-t-elle.
- Disons que oui.
Elles rentrèrent dans la maison et s’installèrent à table.
- C’est un exercice qui permet de se concentrer sur le moment présent. Détends-toi, d’accord ? C’est l’exercice 5-4-3-2-1. Il y a trois étapes : regarder, écouter, ressentir. D’abord tu regardes cinq choses, tu écoutes cinq choses et tu ressens cinq choses. Quand je dis ressentir, ça peut être en sensation physique ou dans les émotions. Ensuite tu refais la même chose mais plus cinq fois mais quatre. Et ainsi de suite, jusqu’à un. Tu comprends ?
- Euh.. je crois.
- On va le faire ensemble, tu comprendras.
Elles les firent et Éléonore se sentit plus reposée quand elle le termina.
- Essaye de le faire au moins une fois par jour, d’accord ? Ca te va ?
L’adolescente fit oui de la tête et courut jusqu’au chalet d’Ophélie. Sa grande-tante arrachait les mauvaises herbes, calme.
À croire qu’elle n’a pas remarqué mon absence…
Elle la regarda quelques minutes puis finit par rentrer. Elle prit une longue douche.. Elle prit son temps savourant l’eau chaude sur sa peau.
Si mes parents le savaient…
Elle sortit, se changea puis reprit ses dessins dans sa chambre. Elle les continua, les améliora comme elle put. Elle recourba le dos, essaya de rajouter des muscles, des griffes puis les mit en couleur. Elle contempla le résultat final.
Ils sont mieux maintenant. Mon coup de crayon semble plus sûr.
Elle les colla dans son cahier recollé puis ajouta des annotations. Elle fut tellement absorbée par sa tâche qu’elle n’entendit pas Ophélie frapper à la porte.
- Éléonore !
L’adolescente sursauta et faillit tracer un énorme trait à travers son cahier.
- Préviens s’il te plait !
- Tu ne m’as pas entendu ?
- Non.
- Bon. On mange.
- J’arrive tout de suite.
Elle rangea ses dessins puis rejoignit Ophélie dans la cuisine. Au menu : ratatouille faite maison avec patate. Elles mangèrent en silence mais elle remarqua que sa grande-tante l’observait à la dérobée. Elle finit par poser ses couverts pour lui demander :
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Rien. Tu veux faire une randonnée demain ? J’ai regardé les prévisions météo. Ce n’est pas très fiable mais bon… Je pense que le temps s’éclaircira un peu avant. Après, dans quelques jours, ça risque d’être plus compliqué de prévoir quelque chose.
- Je veux bien faire une randonnée. Il faut un début à tout.
La dernière phrase fit sourire Ophélie.
- Bien. Alors on part demain matin assez tôt pour avoir assez de temps. Tu veux un sandwich avec quoi à l’intérieur ?
- Peu importe. Je mange de tout, et je n’ai pas d’allergies, donc…
- Bon alors tu me laisses décider et tu n’auras pas intérêt de te plaindre demain ! Compris ?
- Parfaitement. Je finirai mon sandwich jusqu’à la dernière miette.
- On verra…
Éléonore hocha la tête et monta dans sa chambre. Elle se brossa les dents mais avant de s’endormir, elle alluma son téléphone pour la première fois depuis son arrivée ici. Elle ouvrit Deezer et remit la musique qu’elle avait entendu chez Marie. Elle s’endormit sous cette musique.
Annotations