Les Gueules Noires

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C’est désagréable. Je sens que ma combinaison se fait ficeler par ce tunnel rocheux. Et c’est encore pire quand on doit se trimbaler un sac de conserves ! On me refile toujours les sales besognes ! C’est normal, je suis petit, je suis frêle mais je sais tenir une pioche. Toutefois comme mon pé’ je suis poissard. Bah oui, il s’est retrouvé lui et son équipe bloqués dans une galerie. Il y a eu un éboulement causé par une raison inconnue et bam ! Il faut recreuser la sortie. Seul le tunnel pour le passage des wagons a été un peu préservé, mais pas assez pour laisser passer un ouvrier adulte. C’est ainsi que je me retrouve à leur apporter le casse-croûte. J’ai du mal à respirer mais hallelujah je sors enfin du trou infernal ! J’attrape mon silex et un bout de chandelle puis après un mouvement vif la mèche s’enflamme ! C’est un peu dur mais bon, mon pé’ a le coup de main et c’est lui qui m’a tout apprit ! Je remet le sac sur mon épaule et reprend la marche en sifflotant. Fait un froid de chien dans cette mine...toutefois je ne pense pas que mes frissons soient causés que par l’humidité.

«- Pé’ ! Les gars ! V’sêtes où ?!

- ...»

Ma voix résonne mais pas la leur. Pourtant cette galerie n’est pas très profonde à ma connaissance. Mon pé’ ne m’aurait pas menti...je sais que je peux souvent être poltron mais pas à ce point. Je continue à traîner le fardeau en grelottant alors plongé dans de sombres pensées.

Tandis que ça faisait un bon bout de temps que j’errais là-dessous quelque chose résonne au loin. «Clic...clac...clic...clac». Je n’y prête pas attention, ce sont les bruits de l’environnement même si...honnêtement...ils me font frissonner. C’est alors qu’une silhouette s’agite ai loin. J’accélère le pas et essaie de discerner mes compagnons. Ma vision n’est pas assez affûtée, je faillis trébucher et perdre niaisement ma seule lumière. Je réussis à la garder mais fit une roulade extraordinairement sotte. Je veux me lever. Mais on me retient au sol. Alors ma réaction fut positive. J’explose de rire ;

« - Ahahahahah ! Bahaha...papa lâche mo-ahahahaha ! »

Et on me lâche. Mais mon père n’était pas celui qui me tenait.

Personne ne se trouve derrière. Je déglutis et mon corps entier devient une feuille d’automne tenant désespéramment sur un arbre pendant qu’une bourrasque la frappe. C’est alors que, tremblant, je lâche lamentablement mon briquet qui tombe et s’éteint, en même temps que mon espoir de les trouver. Des gouttelettes d’effrois montent et je fond en larme. Je cherche la lumière en tâtant la roche, ma frayeur me bloque la gorge et je suffoque bêtement. Désemparé j’arrête et me laisse tomber en me recroquevillant, ce qui fait office d’ultime protection.

Un bruit de pioche résonne dans le chemin voisin. Et il se rapproche de moi. Je me détends un peu m’installant sur mon coude. C’est sûrement un des mineurs du groupe ! Il va me trouver et me sauver de là ! Il approche à vive allure quand même...peut-être me cherche-t-il ? Mais non, ce n’est pas possible, ils ne savent pas que je suis ici, à moins que…

Alors que je me perds dans mes pensées des mains glaciales et humides me saisissent les chevilles. Et soudain, alors que je ne prononce qu’une unique syllabe elles me traînent dans le chemin voisin a une vitesse inhumaine. Je m’accroche au sol rocheux, me débat et hurle mais rien n’y fait, le trajet continue. Finalement cela me lâche au milieu d’un chemin inconnu. Je me relève et me plaque contre la paroi rocheuse en reprenant mon souffle. J’ai affreusement mal. Une ombre remue dans mes angles morts performant des dances atypiques. Elle me submerge de ses longs membres difformes qui m’effleurent. Je suis perdu...fini.

Au loin une légère lueur bleuâtre se détache. Elle est floue, faute à mes larmes. Je la scrute, et alors la force de me lever s’affirme enfin. Mes mains font fuir d’un geste l’ombre maudite et je prend une bouffée de l’air démunie avant que mes jambes ne s’élancent droit en avant. Je ne sais guère qui c’était ou ce que c’était ayant confiance. Trop confiance.

Enfin j’atteins cette lumière mais elle fuit immédiatement. La personne à qui elle appartient se met à courir et j’entends ses pas s’imprégner dans la poussière. Alors mon esprit se volatilise. Je perd toute raison. Et me voilà à poursuivre un inconnu dans des couloirs mortels.

Mes pieds peinent à rester stable à chaque atterrissage sur la poudre de roche. Mes mains moites ne soutiennent que par miracle le sac de toile, par ailleurs j’entends des conserves tomber en arrière. Je sens des gouttelettes ruisseler sur mon front. Je relève la tête et me rend compte que la silhouette et sa compagne sont à porté de bras. Idiotement je tends le libre et perd l’équilibre, je cru que cela était de ma faute mais ce ne fut que trop tard que je réalisai être tombé face à un mur alors que je tenais la chemise collante du fuyard.

Je suis dans les vapes. Mon crâne me fait souffrir le martyre, et au vu de l’odeur métallique qui emplit mes narines mon corps a eu un sacré choc, je saigne. Je ne peux bouger, mes membres sont si ankylosés qu’ils en deviennent mort. Des pas de fourmis résonnent, et ils me font tressauter. J’inspire de grande bouffée glaciale comme si cela suffirait à me rendre ma mobilité. Bien sûr que non. Les pas se rapprochent, et avec eux une torche. Ma pauvre petite conscience n’a plus la force d’espérer...ce n’est pas eux et je le sais. Une vague d’effroi m’engouffre...mais si ce n’est pas eux...qui est-ce ? Alors brusquement des mains robustes me saisissent les épaules. Je claque des dents et essaie de lutter, en vain. Lentement cela me fait tourner pour que je puisse admirer sa face perverse et monstrueuse.

Des larmes coulent lorsque je réalise que c’est mon père. Je suis en sécurité.

C’est subitement que mes membres se libèrent pour encercler la nuque de mon pauvre pé’. Ce dernier dû bien me rassurer une bonne vingtaine de minutes avant que je ne lui conte les évènements. Il me réplique, compatissant :

« - ne t’en fais pas mon garce...c’est à cause de ta p’tite nature. Je t’emmène voir les autres et on mangera ‘semble, d’accord ? »

J’hoche simplement la tête et le suit. Il prend le sac de provision sur ses épaules et marche en tête. Juste avant il me lance un regard...étrange ? Je ne sais pas réellement c’est quoi mais j’ai jamais vu ça chez lui, cette lueur sombre m’est tout bonnement inconnue. Nous marchons côte à côte et, du moins pour moi, nous sommes heureux de nous revoir. J’observe mon géniteur et remarque des petits tiques. J’avais jamais prêter attention mais il se gratte régulièrement la nuque. Je lui demande, d’humeur espiègle :

« - et beh pé’, t’es fait piquer par des puces ? »

Il n’esquissa même pas un sourire. Ça me rend un peu triste mais je passe outre ce détail pour juste profiter de sa présence. Toutefois plus on navigue moins cela me semble partagé. Il a l’air...comment dire...agité, préoccupé. Le pas de notre marche accélère. Je le réalise très vite et interroge mon protecteur qui sobrement me réplique « qu’être seul dans une crevasse est dangereux, on ne sait pas ce qu’il peut nous tomber dessus ».

Cela fait longtemps...beaucoup trop longtemps que nous errons. Il me demande de m’arrêter pendant qu’il doit vérifier quelque chose. J’ai toujours été discipliné alors je m’arrête sans broncher malgré que ma quiétude se vaporise. Il me laisse la torche et s’engouffre donc dans les ténèbres sans jeter un regard en arrière. Je profite de ce délai pour m’asseoir et me réchauffer avec la pitoyable flamme qui m’abrite. Mais sa chaleur me réconforte.

Il ne revient pas…

Et si cela s’en était prit à lui ?

Alors que ces éternelles questions résonnent je me lève et marche. Je suis ses traces. Il n’avait pas l’air normal...il devait être inquiet. Mais...ce que j’ai vu...ça s’en est peut-être prit aux mineurs ! Je peux pas laisser mon pé’ !Si il a besoin d’aide je dois être là ! Un courage m’étant inconnu me saisit soudainement. Pourtant je ne fuis pas, cette bravoure mystérieuse n’agit pas pour mon bien. Mais pour celui de mon père. Je trotinne jusqu’à que mes oreilles m’annoncent que je ne suis pas en terres inconnues. « Clic...clac...clic...clac ». Le claquement des chaînes caractéristiques que j’ai ignoré le temps de ma besogne. Mais peut-être est-ce mon pé’ qui le produit ? Je dois m’en assurer. Alors je suis la douce cacophonie.

Et voici comment le temps d’un regard je perdis ce que je croyais acquis. Là devant moi...des silhouettes difformes mais familière s’agitent, accrochées à de pauvres chaînes rongées par leur sang. Alors ma gorge se noue brutalement un long filet gelé la traversant de droite à gauche. Ma respiration se coupe. Et j’observe par dessus mon épaule.

Un grand homme aux mains meurtrières et au regard fou…

je l’ai déjà vu…

mais ce n’est pas cette chose que j’ai poursuivis…

non elle était une amie.

Je le sais car celui qui me condamne

c’est mon père.

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