Chapitre 31 - Samedi 11 avril

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Surgelés

Habitué au sommeil des trains de nuit, pour une fois j’ai dormi comme la plume de l’oreiller. Ma passagère n’y est pas étrangère. Il s’en est fallu de peu pour qu’Éva joue les contrôleurs. Je descends en catastrophe en pleine campagne. À peine le temps de boire mon premier café de la journée que les filles descendent à leur tour. Il est neuf heures trente. Elles ont les cheveux en bataille, si j’en avais j’aurais les mêmes. Le petit-déjeuner est paresseux et traîne des pieds, caféine et vitamine C sont les bienvenues.

À midi, nous partons faire les courses avec Nora et Éva. Il reste encore une douzaine de masques et suffisamment de gants. Ça amuse beaucoup Éva, beaucoup moins sa mère. Il faut faire la queue avant de pénétrer dans le supermarché. Pas longtemps, un quart d’heure.

À l’intérieur, c’est plutôt tranquille. Rayon chocolat, les Kinder sont en vacances, on se rabat sur du classique et du tout-venant. Je complète avec des bonbons, Nora n’est pas avec nous, nous l’avons envoyée au rayon cosmétique. C’est open-bar pour Éva, elle en profite. Je cache notre trésor sous quelques paquets de pâtes. Au rayon boucherie, il n’y a plus de gigot. Nous sommes bons pour faire un détour au Picard.

Là-bas, malgré le confinement planétaire, il reste des agneaux Néo- zélandais dans les bacs réfrigérés. Ils sont probablement venus à la nage ou à la rame. Allez savoir. Le rayon glace nous tend les bras. Nora n’est pas avec nous, elle est encore partie au rayon cosmétique. Chez Picard, ce sont les légumes à la con. Si, si, il y en a !

Une jolie blonde plutôt avenante et gaulée comme un cornet vanille-fraise se penche tant bien que mal pour attraper son joli dessert. Visiblement, elle n’a pas froid malgré l’hiver austral. Je n’ai rien à y redire malgré mon mètre de distance. Elle me regarde en souriant et prend tout son temps pour se relever.

- Excusez-moi, me dit-elle.

- Tout va bien. On est tous en vacances. Vous avez trouvé votre bonheur ?

- Mon bonheur ?

- Oui votre bonheur glacé.

- Ah oui ça ! Je ne sais pas trop. C’est pour les enfants. Je n’aime pas les glaces. C’est votre fille ?

- Non. C’est mon Kim-cône.

Éva ne sait pas ce que c’est, mais elle sourit. Elle est surtout pressée de choisir sa glace. Nora arrive, son visage a pris froid. La blonde amorce un demi-tour nonchalamment.

- Bonne journée et joyeuses Pâques, me dit-elle.

- Euh, au revoir.

Nora a des yeux noirs, Nora est jalouse.

- Tu la connais ?

- Pas du tout.

- Éva, c’est bon. Tu as choisi ?

- On peut prendre les deux ?

Nora est pressée. On part avec des esquimaux et un magnifique assortiment floral composé de sorbets. Je la regarde amusé.

- Tu es jalouse ?

- Non.

- Si.

- Non, mais elle fait un peu pétasse.

Je prends l’accent du Midi. Je sais faire, mais pas dans la nuance.

- Un peu ? Mais pas qu’un peu. On pourrait boucher le port de Marseille tellement elle remue du cul. Mais la plus belle des cagoles, c’est toi.

Elle qui parle si bas, regarde gênée les personnes alentours. Elle finit par me sourire.

- Chuut. T’es con.

- Tu me fends le cœur.

Et je repars, fier au volant de mon caddie. Nora est jalouse et Éva a ses deux desserts.

Il est très bien ce petit Picard.

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