Chapitre XXXI
J'allais mieux. Je ne pétais pas le feu, mais j'allais mieux, doucement. J'avais toujours cette boule dans ma poitrine qui m'empêchait de respirer, mais elle n'était plus insoutenable. La douleur restait, mais je vivais de mieux en mieux avec.
J'aillais mieux. C'est tout.
***
Ce matin encore, Learth et moi étions en froid. Voilà seulement quelques heures que nous avons parlés, mais il y a beaucoup moins de tensions. Et ce soir, nous allons tous à l'auberge. Nous y retournons demain soir pour le nouvel An. Je n'ai pas très envie d'y aller, mais je le garde pour moi. Je ne veux pas saboter l'ambiance.
Je mets un jean – je ne me sens pas d'humeur à mettre une robe ou une jupe – et une tunique. Bien sûr, Hely me retire ma tunique avant que je ne descende et me tend un autre haut en pointant ma chambre du doigt. Je ressors avec un débardeur ample et échancré. J'ai envie de me changer, mais je n'ai pas le courage de me battre contre elle ce soir. Je hausse les épaules en hochant la tête. Elle saute de joie dans tous les sens. Je ne prends pas de quoi me couvrir, il fera chaud là-bas encore.
Nous vidons encore la voiture de Learth et Lokian retourne dans le coffre. « Cassez-vous ! C'est ma place maintenant ! » a-t-il dit. Comme si on allait se bousculer pour y aller. Quand nous arrivons, le même schéma se reproduit. Les garçons au bar et les filles sur la piste. Je me pose moi aussi au bar, j'ai déjà chaud. Je demande un cola. Je ne suis pas assez en forme pour boire de l'alcool. Peut être demain.
Lokian vient s'asseoir à coté de moi. Il a une énorme bière à la main. Il enveloppe mes épaules de son bras. Il boit plusieurs gorgés et me sourit.
- Toi, t'as pas envie d'être là.
- Pas spécialement, non.
- T'aurais dû le dire. Tu serais restée au chalet.
- Pour broyer du noir dans mon coin et inquiéter Nesta ? Non, autant venir. Et au moins ça me fait sortir un peu.
- Tu sais que t'es pas obligée de venir demain.
- Je sais, Lokian. Je vais essayer de m'amuser quand même. Ne t'en fais pas.
Je lui souris et il s'éloigne. Le bon coté avec Lokian, c'est qu'on peut lui faire croire n'importe quoi, du moment qu'on lui offre un sourire à peine convainquant. Il a de la chance. Au moins, il ne se ronge pas les sangs pour les autres. Ça doit être reposant.
Nesta arrive avec Hely, elles prennent des shoots et les boivent à toute vitesse. Nesta me prend le bras.
- Viens, Numichou ! On va danser.
- Non merci, je ne me sens pas de..!
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'elles s'y mettent à deux pour m'emporter dans la foule. Elles se remuent dans tous les sens. Elles sont déjà soûles. J'essaie de me secouer un peu moi aussi, mais abandonne immédiatement. Non, je n'ai pas assez d'alcool dans le sang pour me ridiculiser ce soir. Demain peut être.
Je me retourne, mais sens une main empoigner la mienne et me faire faire un tour sur moi-même. Gorka me prend dans ses bras en souriant. Par réflexe, je le repousse. Mais il lève les mains innocemment.
- Ne t'en fais pas. Je veux juste discuter.
Nous nous retrouvons sur le balcon de l'auberge qui donne sur le vide. Nous sommes haut sur la montagne ici, la vue est belle mais impressionnante. C'est plus calme ici. La musique est moins audible et il y a moins de monde. Il y a quand même des gens assez cinglés pour se baigner dans une piscine en extérieur un 30 décembre, mais sinon c'est plutôt calme ici.
Gorka se penche pour boire son cocktail à la paille, tout en me regardant. J'ai encore un peu de mal après ce qu'il s'est passé. Mais je garde mon calme et ma dignité, seules choses positives que ma mère m'ait apprise. Je croise les bras sur ma poitrine. Il me sourit.
- Ça commence mal. (il pointe mes bras du doigt) Quand quelqu'un croise les bras, c'est qu'il est fermé à la conversation.
Il m'énerve avec ses cours de psychologie. Je décroise les bras et les pose sur les accoudoirs de ma chaise. Il fait froid ici, j'espère qu'il ne va pas s'étendre sur ses explications. Il joint les mains.
- D'abord je tiens à m'excuser encore une fois. Sur le coup c'est la seule option qui me soit venue à l'esprit. Aussi je tiens à me racheter. Mais avant tout, j'aimerais qu'on passe l'éponge et qu'on redevienne amis.
Je hoche la tête.
- Très bien, faisons comme s'il ne s'était rien passé.
Il me sourit gentiment. Je retrouve le Gorka charmant et gentil. Pas le pot de colle qui m'a embrassé de force. Je lui tends la main.
- Amis ?
Il me sourit et la serre.
- Amis.
Il se lève et pointe du doigt le bar eu l'autre coté de la foule.
- Tu veux que je t'offre quelque chose, pour me faire pardonner ?
- Oh non, ce n'est pas nécessaire. Je n'ai pas soif de toute façon.
- Ah mais je tiens à trinquer, au nom de notre amitié. Je te ramène une bière.
Et il disparaît dans la foule. Je suppose qu'il veut lier notre amitié dans ce verre. S'il y tient à ce point, pourquoi pas. Je préfère ça à l'ignorance ou la haine. Au pire, je ferais semblant de boire. Je ne me sens vraiment pas de boire de l'alcool.
Il revient un peu tard avec deux verres de bière. Nous entrechoquons nos verres, et pendant qu'il lève les yeux, je verse un peu du contenu au sol. Je ne veux vraiment pas boire ce soir. Il se lève et me tend la main.
- On va se promener un peu ?
- Seulement quelques minutes, je ne veux pas inquiéter les autres.
Il me tire et nous faisons le tour de l'auberge.
Nous nous retrouvons dehors, dans un coin sombre. Il n'y a personne ici. Je suis sur le point de lui demander ce que nous faisons là, mais il me plaque contre le mur et me met un coup de genoux dans le ventre. Mon souffle se coupe. Il plaque son avant bras sous la gorge et m'embrasse de force. J'essaie de le repousser mais il est plus fort que moi. Je vois son autre main détacher son pantalon. Non, il va pas faire ça !? Je gigote pour me défaire de son emprise, mais il me gifle.
- Tu résiste plus que prévu. Je vais devoir frapper plus fort.
Il me met un coup de poing dans le ventre. Il serre fort ma gorge et m'embrasse langoureusement de force. Il commence à détacher mon jean maintenant. Hors de question ! Je lui mords fort la lèvre, jusqu'à sentir le goût du sang dans ma bouche pendant qu'il hurle de douleur. Je le tire vers moi par les hanches et lui met mon genoux dans les valseuses. Il me lâche et je repars en courant. Mais je sens sa main m'attraper par l'épaule. Je n'ai pas frappée assez fort.
- À L'AIDE !!!
Il me tire par les cheveux et me fait tomber au sol.
Il se met à rire sadiquement. Mais d'un coup, il vol sur le coté. Je vois Learth passer devant moi. Je me relève sur les coudes et le vois le prendre au cou. Il le soulève d'une main, il doit être enragé. Il le plaque contre le mur et il plante un regard de tueur dans les yeux.
- Dis pardon.
Sa voix est d'un calme effrayant. Gorka rit, la bouche remplie de son propre sang.
- Sinon quoi ?
Learth lui flanque son poing au milieu du visage et le jette au sol. Il le laboure de coups de pieds. Je me relève et m'agrippe à Learth.
- Arrête ! Tu vas le tuer !
Il pose son pied sur la tête de mon agresseur et appuie dessus.
- Tu as bu le verre qu'il t'a donné ?
Quoi ? Comment il sait qu'il m'a offert un verre ? Je fais non de la tête.
- Fariz vient de m'envoyer un texto. Il voulait te droguer pour avoir ce qu'il voulait. Ça fait une heure qu'on te cherche partout.
De la drogue ? Je pousse Learth et flanque un coup de pied dans le ventre.
- J'ai un cancer au cerveau, connard ! La drogue peut me griller les neurones !
Je lui mets un autre coup de pied.
- Et comme si ça suffisait pas, t'as voulu me violer en plus !
Je lui mets pleins de coups de pieds.
- Espèce d'enfoiré !
Je ne m'arrête plus, Gorka, lui, rit. Learth me prend par l'épaule.
- Calme-toi, ça sert à rien.
Il me décale et lui met un gros coup de pied dans le mentons, avec ses grosses bottes. Gorka ne bouge plus.
- Voilà, maintenant c'est bon.
Maintenant, il se tourne vers moi et regarde mon visage. Il voit le sang.
- Ça va ? Qu'est-ce qu'il t'a fait ?
- Rien qui soit pire que ce que m'a déjà fait ma mère. Et c'est son sang.
Il me sourit.
- Je vais faire attention à ce que je dis maintenant, vu ce que tu viens de lui faire.
Il m'arrache un rire. Je laisse tomber ma tête et respire fort.
- C'est bon, on rentre.
- Tous ?
- Non, que toi et moi. Je vais prévenir les autres.
Il regarde le corps inerte de Gorka au sol.
- Et faut que quelqu'un le bouge de là. Il va crever de froid ce blaireau.
Il me prend la main et me tire jusqu'à sa voiture.
***
Learth a appelé Heinesy pour prévenir les autres qu'il m'avait retrouvé et que nous rentrions. Il a aussi indiqué où trouver Gorka. Lokian voulait en rajouter un peu, j'étais d'accord, du moment qu'il ne le tuait pas. Inutile de grossir son casier judiciaire.
Nous voilà rentrée. Learth allume la lumière et il se tourne vers moi. Il sourit bizarrement.
- Vu ta gueule, tu pourras jouer dans un film d'horreur.
Je me couvre le visage, me sentant honteuse. Il lève les yeux au ciel.
- Bon, bah on peut dire que je sais parler aux femmes.
Il me fait rire et cherche un torchon dans un meuble de la cuisine. Il l'imbibe d'eau et revient vers moi. Je m'assois sur une chaise de la cuisine. Il la fait pivoter et s'assoit en face de moi. Il essuie le sang de Gorka de mon visage. Je souris.
- Je peux le faire moi-même, tu sais.
- Chut, laisse toi faire et tais-toi.
Je pouffe de rire. Je ne peux m'empêcher de regarder son visage. J'adore la couleur de ses yeux. Ce bleu-vert étrange et hypnotisant. Il me faisait peur au début. Maintenant, je me sens en sécurité quand je le vois. Il finit d'essuyer le sang et baisse la main.
- Il t'a frappé où ?
- Au ventre. Et il m'a plaqué contre le mur. Il m'a un peu étranglé aussi.
Il lève mon menton et regarde mon cou.
- T'es un peu violette. Mais c'est rien.
Il fixe mon ventre et lève les yeux vers moi.
- J'aurais bien regardé ton ventre, mais je ne voudrais pas violer ton intimité une deuxième fois.
Je lui tape l'épaule en faisant les gros yeux, mais j'ai du mal à réprimer mon sourire.
- Sois gentil avec moi, je viens de me faire agresser !
- Tu la vis plutôt bien ton agression.
- Chez moi, on est agressés de père en fille. C'est dans notre sang. On finit par s'y habituer.
Il rit doucement.
- Je veux juste voir si c'est sérieux. Après soit je t'emmène à l'hôpital, sois et te laisse remettre ton débardeur.
Je me lève et tire mon débardeur vers le haut, de sorte à ne dévoiler que mon ventre. Il prend un air sérieux.
- Tu as encore des marques jaunies.
- Oui, c'est ma mère.
- Je sais, la dernière fois elles étaient plus prononcées.
Je rougie. Il avait donc vu mes marques. Je baisse mon tee-shirt et souris.
- Tu as dû me trouver particulièrement sexy avec toutes mes couleurs super moches.
- Oui.
Je sens mon corps s'enflammer. Hein ? Quoi ? Son visage s'effondre à moitié et il se met à rire fort.
- Non, c'est pas ce que je voulais dire !
Il colle sa main à son visage et rit encore plus fort. Il inspire et souffle. Il rit encore un peu.
- Non, c'est pas tes bleus qui m'ont excité. C'est toi, parce que tu es sexy dans tous les cas.
Je tourne la tête presque à cent-quatre-vingt degrés. La honte. Il se lève et me tire les bras pour que je m'approche de lui.
- Je vois que ça te met très mal à l'aise de savoir que tu es bien foutue.
- Arrête de parler comme ça !
Il rit encore plus. Il me retourne.
- Je vais regarder ton dos aussi. Mais faut que t'enlève un peu plus ton tee-shirt.
- Oh non, pitié ! Je suis super gênée, ça devrait te suffire !
Il rit et pose ses mains sur mes épaule, dans mon dos.
- Promis, je fais ça vite. J'ai pas envie que tu t'évanouisses.
Il soulève mon tee-shirt et le fait passer au-dessus de ma tête. Ah, regarder comme ça donc. Je sens son pouce se poser à un endroit douloureux en haut de mon dos.
- Il t'a fait un sacré hématome ici. Je vais voir si y'a pas de la glace dans le congélo.
Il se déplace pour aller jusqu'au frigidaire. Il ouvre l'une des porte et se retourne en souriant.
- J'ai des glaçons et une surprise pour après.
Il ferme la porte et emballe les glaçons dans un torchon. Il revient derrière moi et me fait m'asseoir. Il pose le torchon froid sur mon bleu. Je grimace et gémis de douleur.
- T'inquiète, ça va passer.
Il pose son autre main dans le creux de mon rein. Ma peau nue en contacte avec la sienne m'extirpe un frisson très agréable.
Les images de ses mains sur moi reviennent, encore. Et aussi le passage où il m'a enlevé mon haut dans le couloir de sa maison. Il faut que j'arrête d'y penser, sinon je vais encore frissonner et il va s'en rendre compte. Non, il faut que j'oublie. Le temps passe au ralenti. J'ai hâte qu'il se détache de moi. C'est insensé de penser comme ça, mais j'ai hâte qu'il s'éloigne pour que cette chaleur dans mon ventre parte avec lui. Je ne veux pas être esclave de mes hormones.
Il finit par reculer. J'ai l'impression de respirer de nouveau. Il pose le torchon près de moi, sur le comptoir et me tend mon tee-shirt. Je le remets en tremblant à moitié. J'ai froid maintenant. Il retourne vers le frigidaire et sort des pots de crème glacée. Il sourit.
- Tu préfères quoi ? Pistache, fraise, chocolat, vanille, crème brûlée, cookie, framboise ? Putain, ils en ont pour un régiment !
Je viens vers lui et les sort tous.
- Je ne connais que chocolat, fraise et vanille.
- Quoi, c'est tout ?
- Je veux tout goûter.
Il se remet à rire.
Nous sommes installés sur le canapé en face de la télévision. Elle est éteinte, mais il y a une table en face. Les pots de crème glacée sont tous éparpillés dessus. J'ai tout goûté, et je continue de me servir.
- Une fois j'ai goûté à la navette. me dit Learth.
- À la navette ? C'est quoi ce truc ?
- C'est un biscuit. Et putain, ça défonçait tout.
- Et c'est quoi ta préférée ?
- Cookie, de loin.
- Moi c'est crème brûlée.
- Ça va, mais elle surpasse pas les cookies. Imagine le monde sans cookies, ce serait d'une tristesse.
Il me fait rire. Je me penche sur ma glace à la crème brûlée et rajoute de la chantilly. Je mange une grosse cuillerée. Je la triture un peu.
- Ça va mieux ? Par rapport à tout à l'heure ?
Je hausse les épaules.
- Je me dis juste que c'est dommage.
- Dommage ? T'aurais voulu que je vous laisse un peu d'intimité ?
Je ris encore et secoue la tête.
- Non, c'est dommage qu'il soit comme ça. Il est plutôt beau, charmant au premier abord, et il joue bien de la guitare. Mais c'est un con.
Il crache presque sa glace en m'entend dire ça. Il me sourit.
- Une petite agression et on se lâche sur les mots ?
- Absolument.
Je repense au soir du concert. Oui, il jouait bien, mais il n'était qu'un minuscule rouage dans la machinerie. Je souris à Learth.
- Toi aussi tu joues bien de la guitare.
- Moi ? M'insulte pas steuplaît.
- Quoi ? Qu'est-ce que j'ai dis ?
- Je joue de la basse moi. Les guitares c'est pour les filles badass ou les petites couilles molles.
C'est à mon tour de m'étouffer avec ma glace.
- Je me disais aussi que ça faisait pas le même son.
- Non mais oh ! De la guitare !
Je me remets à rire.
- Excuse-moi. Tu chantes bien aussi. Dommage, j'ai rien compris sur le coup. Entre les espèces de rots de Ekin et ta voix d'ange.
- Voix d'ange ?
- C'était bizarre. J'aimais pas du tout. Vraiment pas.
- Merci.
- Mais quand je t'ai entendu chanter... je sais pas, j'ai ressenti quelque chose de puissant. Tu as une très belle voix. Tu devrais te pencher là-dessus, toi qui ne sais pas quoi faire plus tard.
Il me sourit. J'ai l'impression que mon compliment lui va droit au cœur. Il me sourit, comme un enfant qui vient de tomber amoureux de sa maîtresse.
- Merci beaucoup. Maintenant je sais ce que je vais faire plus tard.
- Ah oui ?
- Voix de dessin animé.
Je me plie en deux pour rire fortement et gravement.
- Bah ouais, j'ai une voix d'ange, un peu comme les écureuils de Disney. Tic et Tac.
Je ris encore plus, connaissant enfin une référence.
- Mais non, pas ce genre là ! Tu n'as pas de difficulté pour monter dans des aiguës, mais pas comme une voix féminine, et elle prend un coté brisé très beau... poétique même. C'est apaisant.
Il porte sa main à son cœur et prend un air ému.
- C'est trop mignon.
Je ris et me lève.
- Ça y est, t'en a marre de moi ?
- Non, je vais chercher un pull, je commence à avoir froid.
Il tire son sweat-shirt et le jette sur moi. Il hausse les épaules.
- Je suis pas frileux. Tu peux le mettre.
Je lui souris et l'enfile. Il porte son odeur. J'adore cette odeur.
Je le regarde, il porte un tee-shirt noir tout simple, mais on voit qu'il a les épaules et le dos large d'ici. Il a la taille mince mais forte. Comment j'ai pu passer à coté de ça pendant si longtemps ? Je reviens m'asseoir. Il jette sa main vers l'arrière.
- Oublie Gorka. C'est un connard. Dommage que dalle.
Je hoche la tête.
- Non, ce qui me déçoit le plus, c'est qu'il a l'air passionné dans ce qu'il fait.
- Ah bon ?
- Oui, il m'a dit que la musique le faisait vibrer et que c'était l'une des seules choses qu'il aimait dans la vie. Que l'école n'avait jamais eu raison de lui.
Learth souffle et secoue la tête.
- Quel fils de chien.
- Hein ? Pourquoi ?
Il me sourit, j'ai l'impression qu'il rougit.
- Il t'a dit que la musique s'écoutait et qu'elle se décortiquait pas aussi.
- Oui.
- C'est moi qui lui ai dit ça à notre rencontre. Il était en musicologie. Il s'éclatait à nous raconter comment faire de la bonne musique avec ses techniques à la con. Et je lui ai balancé ça. Il s'est senti tellement con qu'il s'est reconverti en psycho. C'est vraiment une tête de gland ce mec. Et pour info, c'était un intello. C'est Lokian qui me l'a dit. Le genre de mec bon partout sauf là où il voudrait être le meilleur : la musique. Je dis pas qu'il est à jeter, mais il s'en sort pas tout seul. Il est incapable de faire une carrière solo.
Il met les mains derrière sa tête et pose les pieds sur la table basse. Il regarde le plafond.
- Il a clairement un complexe d'infériorité. Quand j'ai su pour Heine et lui, il a pas arrêté de me le balancer à la gueule. Je pense qu'il a couché avec elle parce qu'à l'époque j'aurais bien aimé. Aujourd'hui c'est mon meilleur pote Heine, alors j'en ai plus rien à foutre, et Gorka le sait. Mais il répétait toujours « Quand tu veux quelque chose, il faut le prendre. » J'avais pas compris qu'il parlait de toi.
Je ne sais pas s'il veut dire qu'il s'intéresse sérieusement à moi ou s'il dit qu'il ignorait les intention de Gorka. Non, il m'a dit l'autre jour que Gorka était très curieux vis à vis de moi. Je me rapproche de lui.
- Mais je ne comprends pas. Pourquoi Gorka voulait absolument m'avoir ? Je suis pas une fille exceptionnelle. Il peut avoir bien mieux que moi. Et bien plus accessible que moi.
- T'as ta réponse. T'es assez inaccessible comme meuf. Zéro bisou, zéro mec, zéro baise. T'étais le défi du siècle pour lui.
Je me sens insultée et sale.
Je ne suis que ça pour les hommes ? Un objet de convoitise rare ? Une occasion de prouver sa virilité ? Learth se penche vers moi et me sourit.
- Y'a pas que ça évidemment, mais lui c'était ça qui le branchait.
- Et c'est quoi les autres raisons ?
Il sourit et rit à moitié.
- Est-ce que tu te mates dans un miroir de temps en temps ?
Hein ? Quoi ? Il continue de rire.
- Alors, en tant qu'homme hétéro qui t'a vu à poil...
- Learth !
- Non mais faut bien que je t'explique !
- On a dit qu'on en parlait plus !
- Ok, alors tu ne sauras jamais pourquoi tu es intéressante.
Je croise les bras sur ma poitrine. Il mime mes gestes en faisant une moue boudeuse. Je lui tire la langue. Il hausse les sourcils et se jette sur moi pour me chatouiller.
Je crie et ris. Je le supplie d'arrêter. Mais j'adore cet instant intimiste. Il faut qu'il arrête, sinon je vais craquer.
- Ok, dis-moi !
Il me lâche et recule légèrement, mais reste au-dessus de moi. Il me tient les poignets.
- Je t'ai vu complètement nu. Je t'ai vu dans tous tes états. Je t'ai vu exploser de plaisir. Oui, t'es une femme très sexy, peu importe ce que tu diras.
J'aimerais me cacher le visage, mais il tient toujours mes poignets. Il sourit encore plus.
- Et au-delà de ça. T'as une vie pas facile du tout, et tu arrives toujours à faire face. Tu es mignonne et tu perds facilement tes moyens quand t'es gênée. Mais sinon tu fais toujours preuves de sang froid et de réflexion. Tu ne baisses pas les bras, tu te relèves toujours pour te battre.
Il relâche son emprise et se rassoit.
- T'es une survivante. T'es pas une pisseuse. C'est pas sexy les pisseuses.
Il m'arrache un rire juste après m'avoir dit tout ça.
Je suis toute tourneboulée. Je me sens fiévreuse. Je sais que s'il voulait m'embrasser, là tout de suite, il pourrait m'avoir toute entière. Alors j'espère qu'il ne va pas tenter quoi que ce soit. Mais je ne suis pas d'accord avec lui.
- Tout le monde croit que je suis forte. C'est faux. Je suis faible. Je me cache pour ne pas le montrer, c'est tout. Je ne suis qu'une petite fille qui a peur du noir. Si j'étais quelqu'un de fort, je surmonterais ce que je vis. Mais ça m'empoisonne l'existence. Parfois quand j'y pense, j'ai du mal à respirer. Je passe mes journées dans la déprime et mes nuits dans l'épouvante. Oui, je survie. Mais je ne tiendrais pas éternellement.
Les larmes me montent. Je tape sur le canapé.
- Et j'en ai marre de pleurer pour un rien !
Il me sourit et me prend dans ses bras. Je m'accroche à lui, comme à une bouée en pleine tempête. Il caresse mes cheveux et mon dos. Il se penche à mon oreille pour chuchoter.
- Avoir peur de la mort c'est humain. Avoir des difficultés face à adversité aussi. Ça ne fait pas de toi quelqu'un de faible. Si tu étais faible, tu te laisserais mourir dans ta chambre chez ta mère.
Je cale mon visage dans son cou.
- Tu es la femme la plus forte que je connaisse.
- Learth, si tu continues à être aussi gentil avec moi, je vais encore me jeter sur toi.
- Fais comme chez toi.
Je ris dans mes larmes.
***
J'ai mal partout. Je suis recroquevillée sur le coté. Je suis gelée. Il fait humide. Je me sens sale de l'extérieur comme de l'intérieur. Je frissonne pour toutes les raisons négatives possibles. De froid. De peur. De douleur. Je ne vois rien dans l'obscurité. Je suis nue sur le sol crasseux et mouillé.
J'entends les barreaux de la prison vibrer sous les coups de la matraque. Ils sont là. La grille s'ouvre et je me redresse légèrement. Je dois me mettre à quatre pattes, je le sais, mais je ne veux pas. Ils crient. Des cris inhumains et terrifiants qui broient mon cœur. Je sanglote et obéis. J'ai mal aux genoux à force que prendre cette position. Ils me tiennent pour me garder stable. Leurs mains froides se plaquent contre ma peau glacée.
L'un d'eux abat la matraque sur ma nuque. Mes jambes se tétanisent et mes cris me déchiquettent la gorge. Pendant le châtiment, les autres déploient leurs mains de parts et d'autres sur mon corps.
STOP.
Cette voix. Celle qui m'a poursuivie dans un autre rêve. Elle m'a déjà tué. Pourquoi revient-elle ? Mes bourreaux invisibles disparaissent pour ne laisser place qu'à du noir. Un fil de lumière perce ma vision, juste devant moi. Il approche. Je ne vois que sa main. Il a un fendoir de boucher. Il le lève haut et l'abat sur ma tête.
Je tombe de mon lit. Je retiens mes cris. Je sais que Hely et Mano sont dans cette chambre. Je me recroqueville et me retiens de respirer. Je sens encore leurs mains sur moi. Non, ça n'est pas réel ! Ça n'est pas réel ! J'inspire trop fort. Je vais réveiller tout le monde. Ma peau est trempée et froide, mon ventre saigne fort. Non ! C'est dans ma tête ! Je la frappe, haïssant mon cerveau malade. Je mords mon poing et écrase l'autre sur mon front.
Je suis soulevée sous les bras et remise dans mon lit. Je sens de la chaleur sur ma joue. J'ouvre les yeux. Learth est allongé près de moi. Je fais non de la tête.
- J'arrive pas à sortir.
- Je sais, respire.
Je respire trop vite, je dois arrêter de respirer. Il lève mon menton.
- Respire, Numidia.
Je fais non de la tête.
- Respire. Je te promets que ça ira mieux après.
Je respire fort, la main devant la bouche. Il me la retire. Je fais non de la tête.
- On s'en fout des autres. Regarde-moi et respire.
J'inspire fort et expire deux fois plus. Ça fait mal. J'ai envie d'arrêter. Je continue de le regarder dans les yeux.
Je commence à retrouver un rythme agréable. Il caresse ma joue. Je n'avais pas remarqué qu'il avait enroulé son autre bras autour de moi. Je suis collée à lui. J'ai une boule au fond de la gorge. Il remets mes cheveux en arrière.
- Tu veux que je dorme avec toi ?
Je fais oui de la tête. Je ferme les yeux et me love contre lui. J'arrive à trouver une harmonie dans son étreinte. Je ne sais pas ce que je ferais sans lui.
***
Je me réveille progressivement. Je peine à ouvrir les yeux. Je suis bien là. Pour une fois, je n'ai pas envie de me lever. Un souffle chaud et très agréable dans mon cou me berce. Je me colle à la chaleur dans mon dos. J'aimerais ressentir ça éternellement. Cet instant entre le rêve et la réalité. Dans les bras... dans ses bras.
J'ouvre les yeux et me décolle. Je me retourne et trouve Learth dans mon lit. Il était blotti contre mon dos. On a dormi ensemble ! Je dois garder mon calme. On a fait que dormir. Je lève le drap pour m'en assurer. Je l'entends rire.
- Je t'ai pas violé dans ton sommeil si ça peut te rassurer.
Il n'a pas ouvert les yeux. Il est réveillé mais ne bouge pas. Il est beau comme ça. Il est toujours beau. Je me recouche près de lui. Il a une mèche qui tombe sur son visage. Je la soulève et la remet en arrière. Il ouvre un œil.
- Je sais que je suis irrésistible, mais tu pourrais être plus discrète quand tu me tripotes.
- Quoi ? Mais non...
- Je déconne. Détends-toi.
Comment veux-tu que je me détende ? On a dormi dans le même lit ! Je lui tire la langue. Il sourit.
- C'est pas très poli de faire ça.
- Justement.
J'aimerais sortir de mon lit, mais je suis entre lui et le mur. Ou alors je dois passer sur lui. Je ne pourrais jamais, c'est trop gênant. Il pose son doigt sur ma joue.
- Pourquoi tu rougis ?
- C'est pas très poli de faire remarquer aux gens qu'ils rougissent.
- Ouais, mais j'm'en fous.
Il se couche sur le dos et ferme les yeux.
Je pourrais rester un peu... Non ! Il faut que j'arrête ! Il est resté avec moi parce que je faisais une crise, c'est tout. Je le pousse.
- Laisse-moi partir de ce lit. Je veux mon café.
- T'as large la place de passer.
Il ne bouge pas d'un poil. Je m'engage vers la sortie et passant une jambe par-dessus son corps. Il sourit. Je suis à moitié sortie, mais il me tire contre lui et me chatouille. Je me retiens de rire. Je ne veux pas réveiller les autres. Et surtout je ne veux pas me faire remarquer, pas dans ses bras. J'arrive à en échapper en tombant du lit. Il se redresse et rit. Je me redresse et sors de la chambre à toute vitesse.
La première chose que je remarque, c'est la lumière du jour. D'habitude, quand je me lève, le soleil commence à peine à se lever. J'ai dû dormir plus longtemps. Je descends les escaliers et sens l'odeur du café. Je me tourne vers la cuisine. Tout le monde est levé. En me voyant, ils me regardent tous avec un grand sourire. Je me retourne pour être sûre que je suis le centre de l'attention. Je m'approche, et Hely se met à ricaner.
- J'ai raté quelque chose ?
Elle sort son téléphone et me montre une photo. C'est moi, dans les bras de Learth. Oh non ! Tout mais pas ça !! Je me sens rougir. Ils rient tous fort et longtemps. J'essaie de m'expliquer, mais ils font trop de bruit. Nesta se lève et me prend dans ses bras. Ils disent tous à quel point ils sont content pour nous. Et ils ne m'écoutent pas. Bon, je vais devoir être un peu plus virulente.
- STOP !
Ils se calment tous. Je racle ma gorge et m'assois.
- C'est pas ce que vous croyez.
Ils se remettent à rire. « Trop mignon ! », « Elle assume pas ! », « Ils sont beaux tous les deux ! ». J'abandonne, ça ne serre à rien. Je me lève pour prendre un café et vais me poser dans le canapé.
J'entends Learth descendre les escaliers. Il a droit au même spectacle. Mais il a clairement plus de virulence que moi. Il aboit une fois pour trouver le calme. Il se sert un café.
- J'ai dormi avec elle parce qu'elle fait des crises toutes les nuits depuis presque un mois et qu'elle osait le dire à personne. Mais vous étiez trop occupés à faire les commères pour voir quoi que ce soit.
Il jette un froid dans la salle. Je me sens très mal pour le coup. Et Nesta va culpabiliser. Il vient s'asseoir à coté de moi en souriant. Il dit, sans discrétion :
- T'as vu comment je les ai calmé ?
Ekin et Mano le soulève par les bras pour l'extirper du canapé et le mettre à terre pendant que Heinesy prend son café et le boit. « Espèce d'enfoiré qui nous fait culpabiliser ! ». Nesta se lève et tape dans ses mains.
- On frappera celui-là plus tard. Avant je veux mettre les choses au clair pour ce soir. (Il arrêtent de frapper Learth) On avait prévu de passer la soirée à l'auberge, mais après le coup de Gorka on pense pas que ce soit une bonne idée.
- Non, tu crois ? Moi je pense qu'on devrait lui donner une médaille. dit Learth sarcastique.
- Tais-toi. Donc on va le faire ici. On va aller acheter de quoi boire et Mano veut acheter des pétards... pas ceux qu'on fume, ceux des feux d'artifices.
- Je veux les deux.
- Oui bah tu fumeras des joints tout seul.
- Moi aussi je veux fumer des joints !
- Hely, t'y met pas. Donc tout le monde est OK pour ce plan ?
Tout le monde répond en canon. Quand Learth dit ''ok'', Ekin lui met une petite tape sur la joue, redémarrant leur bagarre.
***
La soirée a été très mouvementé. Les garçons, Hely et Heinesy ont commencé à boire dès que le soleil s'est couché. Nesta et moi avons attendu un peu plus. Nous avons eu comme repas des chips, gâteaux apéritifs, olives, mini pizzas... rien de bien équilibré. Nous avons mis la musique à fond et nous avons tous bu.
Hely a fumé son premier joint, elle était dans un état pas possible, une vraie larve aux yeux rouges. Nesta a déplacé la télé pour qu'elle soit face au salon et a installé le karaoké. Presque tout le monde a joué le jeu, sauf Lokian et Learth. Même moi j'ai essayé, mais avec l'alcool dans le sang et ma pauvre culture musicale, je ne suis pas allée assez loin. Certains dansaient pendant que les autres chantaient. C'était du grand n'importe quoi, mais on riait bien.
Hely a fini par se remettre et a sorti du gui en plastique de son sac à main. Elle le jetait sur les gens, et la personne qui l'attrapait devait embrasser la personne la plus proche. Je me suis éloignée des garçons, surtout de Lokian et Learth, pendant cette phase là. J'ai embrassé Nesta et Heiney sur la joue et Hely trois fois. Elle faisait exprès d'être proche de moi quand je l'avais pour m'embrasser sur la bouche, sachant que je n'ai jamais embrassé de fille. Mais j'ai réussi à l'esquiver de peu, à chaque fois.
Il est presque minuit. Je commence à fatiguer, mais je ne dois pas aller me coucher avant le décompte. C'est la première fois que je reste debout pour voir la nouvelle année. Nesta allume la télé pour avoir le décompte en direct. On compte tous en hurlant.
- 10 !... 9 !... 8 !... 7 !... 6 !... 5 !... 4 !... 3 !... 2 !... 1 !...
Je regarde dehors, je sais qu'il va y avoir le feu d'artifice. Je me vois jaillir dans le ciel. Mes camarades hurlent comme des cinglés et courent dans tous les sens. Nesta met une chanson que je ne connais pas à fond, ils chantent tous ensemble :
- All is quiet on New Year's Day ! - A world in white gets underway ! - I want to be with, be with you ! - Night and day ! - Nothing changes on New Year's Day ! - On New Year's Day !
Je les regarde en souriant. Je sors sur le balcon pour voir le feu d'artifice.
Je me prends la froideur de la nuit comme une claque. Mais j'ai l'impression de respirer ici. Il fait trop chaud à l'intérieur, et les autres fument aussi. Je regarde les flammes exploser dans le ciel. Voilà, une nouvelle année. Je n'en verrai pas le bout, mais elle serait mieux que toutes les autres. Je m'y engage. Je ne laisserai personne la détruire.
J'entends la porte coulisser derrière moi. Learth s'appuie contre la rambarde à coté de moi. Il tient bien l'alcool. Il n'a même pas l'air soûl. Il me sourit.
- Tu vas bien ?
Je hoche la tête.
- C'est la première fois que je vois le changement d'année. C'est moins impressionnant que dans mon imagination.
- C'est pas comme si les montagnes bougeaient et que le ciel changeait de couleur.
Je souris. Je hausse les épaules.
- C'est pas grave. Le fait de l'avoir vécu pour de vrai me suffit.
Je regarde derrière moi, les autres n'ont pas remarqué notre absence. Ils sont complètement bourrés, oui.
Je me rapproche de lui et le prend dans mes bras. J'ai trop bu pour réfléchir. Je ne suis pas totalement sous l'emprise de l'alcool, mais assez pour être désinhibée. Il me serre contre lui. Je suis dos à la rambarde, face à lui. Il est plus grand que moi. Je me sens enclavée dans ses bras, cachée du reste du monde. Je glisse mes bras derrière sa tête et m'élève sur la pointe des pieds. Je l'embrasse. J'ai envie de l'embrasser depuis des semaines. Je n'en pouvais plus. Je sais que se sont mes hormones qui me parlent, mais j'en ai envie. Je le regretterai demain, mais tant pis. Je n'ai pas eu assez de temps pour profiter, je dois le prendre maintenant.
Il m'embrasse, mais défait notre geste au bout de quelques secondes. J'ai chaud quand je suis proche de lui. Il me regarde en souriant.
- T'as bu. Demain tu vas t'en vouloir.
C'est fou, il lit dans mes pensées. Mais je fais non de la tête.
- Je m'en fous.
Je recommence, mais il m'arrête encore.
- T'en as pas envie. T'es juste bourrée.
- C'est faux. Depuis que je suis venue chez toi pour me perdre en toi j'en ai envie. Déjà avant j'en avais envie, mais je résistais.
Je devrais me taire maintenant, mais je n'y arrive pas.
- Depuis des semaines, voire des mois j'en ai envie. Tu es tellement beau. Et au-delà de ça, tout me plaît en toi. Ton odeur, ta façon de penser, tes yeux. Ton regard. Je brûle de te sentir près de moi. Je ne sais pas si c'est de l'amour, mais je te désir plus que tout, plus que je n'ai jamais désiré. Je me persuade que c'est physique, seulement physique, mais même quand tu me parles je me sens minuscule à coté de toi. Je suis en admiration face à toi. Je sais que je devrais me taire. J'ai cette petite voix dans ma tête qui me hurle de me taire. Mais je sais que si je me tais plus longtemps, je vais craquer, comme j'ai craqué quand je suis allée chez toi, le cœur en miette.
Je baisse la tête et la pose sur sa poitrine.
- Je sais pas quoi faire, Learth. Je sais même pas ce que j'éprouve. Je sais pas si ce que j'éprouve est réel ou pas. Je me demande des fois si je ne suis pas en train de rêver. Tout s'emmêle. Et j'ai l'impression que tu es la seule chose à me ramener dans le vrai.
Il me serre contre lui et embrasse ma nuque endolorie par mes cauchemars. Je me sens fébrile.
- Je dois m'allonger. Je sens que je vais tomber.
- Ok.
Il me prend dans ses bras et me porte jusqu'à mon lit. Sans que je lui demande, il se couche avec moi. Il est parfait.
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