Chapitre XXXIII
Tout est parti en vrille...
***
Mano a appelé quand nous étions sur la route. Les urgences avaient déjà embarquées Hely à l'hôpital. Il les avait suivis. Learth a appelé tout le monde pour les prévenir. Nous nous sommes tous retrouvé à l'hôpital, celui dans lequel je suis admise. Je n'étais pas très à l'aise au début. Chaque fois que je viens ici, c'est pour recevoir une mauvaise nouvelle.
Nous sommes dans le couloir à attendre les pronostiques des médecins. Tout le monde est angoissé. Nesta se tient le visage, les larmes aux yeux. Heinesy fait sans cesse des aller-retour entre ici et le coin fumeur. Les garçons ne disent rien, Mano est particulièrement calme. Il n'a rien dit depuis que nous sommes arrivés.
J'essaie de lire un magazine, mais je n'y arrive pas. Je le jette sur le reste de la pile, provoquant un glissement de terrain. Les magazines se retrouvent tous par terre. Je les ramasse et les remets en équilibre, tremblante. Je me rassoie sur la chaise en métal et ramène mes genoux vers moi. J'entends la voix de ma mère me dire que ce n'est pas convenable de se tenir ainsi. Mais je m'en fous. Je ronge la peau au coin de mes ongles. J'ai du mal a rester immobile.
Learth passe sa main dans mon dos, ce qui me calme un peu. J'essaie de lui sourire, mais c'est tellement bref et faux que ça doit ressembler à une grimace. Il approche ses lèvres de mon oreille.
- Ça va ?
Je hausse les épaules.
- J'aime pas être ici. C'est tout.
Il me sourit et me tire vers lui. Je remets mes pieds au sol et me penche sur lui. Je pose ma tête dans son cou et ferme les yeux. Il passe son bras sur mes épaules et caresse mon bras.
Un médecin arrive vers nous, je ne le connais pas celui-là. En même temps, je ne peux pas tous les connaître. Il nous regarde.
- Helyzbeth Janssens ?
Nous nous levons tous.
- Seulement les membres de la famille.
- Ils ne sont pas encore là, on nous a dit qu'ils avaient été prévenu. C'est tout ce qu'on sait. dit Nesta.
- Désolé, je ne peux donner les détails qu'à la famille.
- On peut la voir au moins ? demande Ekin.
- Pas pour le moment, elle se repose. On vous préviendra quand vous pourrez lui rendre visite.
Il repart avec son dossier en main.
Tout le monde regarde Mano. Il fixe le sol, sans rien dire. Les autres savent qu'il a appelé Learth, chose qu'il n'a fait qu'une fois, quand il s'est fait tabasser dans la rue. Il ne l'appelle que quand il est en détresse. Il lève la tête en voyant tous ces yeux vers lui. C'est la première fois que je le vois normal et pas dans un état second. Il secoue la tête.
- Me regardez pas comme ça. Je sais pas ce qui s'est passé.
Ekin se lève et l'attrape par le col de son sweat-shirt pour le secouer.
- Vous avez fait quoi hier soir ?
- Des potes m'ont appelé, ils voulaient que je vienne pour faire la teuf. Elle a dit qu'elle voulait venir, mais on se défonce dans ce genre de truc.
- Elle a pris quoi ?
- J'en sais rien ! Je suis tombé dans les vapes super vite !
Learth se lève et vient vers lui. Il lui assène une gifle et plaque son épaule contre le mur derrière lui.
- Putain Mano ! Je t'avais dit de pas l'amener chez tes potes !
- Elle voulait venir...
- Fallait lui dire chez qui tu allais, merde !
Il le lâche et souffle. Il sort une cigarette et part. Mano se tient le visage. Et se penche en avant.
- Je sais pas ce qu'ils lui ont fait. J'suis désolé.
Je me lève pour rejoindre Learth.
Je cours presque pour le rattraper. Je le vois dehors, s'allumer sa cigarette. Je marche vers lui. Il est dos à moi. J'enroule mes bras autour de lui. Il se retourne. Il n'exprime rien, mais je sais qu'il ressent quelque chose vis à vis de la situation.
- C'est qui ces ''amis'' ?
- Des mules, des petits dealers, des toxicos. Mais y'a jamais de filles à leurs fêtes, et c'est pas pour rien.
J'imagine le pire.
- Tu crois qu'ils... qu'ils ont...
- J'en sais rien, mais ça m'étonnerait pas. Gorka y va aussi des fois.
- Tu y es déjà allé ?
Il réfléchit quelques instants.
- Une fois, pour voir. J'ai pas aimé l'ambiance. C'est des trous du cul qui se défoncent pour oublier leur vie misérable. Moi je veux pas oublier.
Je me tiens à une barrière rouillée et sale. Je ferme les yeux.
- C'est horrible. Si elle avait su...
- Elle y serait sûrement allée quand même.
Je le regarde, choquée par ce qu'il dit.
- Comment tu peux dire ça ?
- Elle adore repousser ses limites et passer pour une grande. Elle kiffe l'adrénaline. C'est le genre de nana qui attire volontiers la merde. Mais c'est pas pour ça qu'elle mérite ce qui lui arrive, quoi que ça puisse être.
Mon cœur bat trop fort. Je commence à me sentir mal. La journée commençait pourtant si bien. Il me regarde et souffle.
- Viens là.
Il prend ma main et me tire vers lui. Je respire son odeur. La cigarette et le cuir. Il embrasse ma tempe. Je l'entends rire doucement.
- Désolé pour ce matin.
Je lève la tête pour le regarder.
- Désolé pour quoi ?
Il hausse les sourcils et sourit.
- J'en sais rien. D'être allé trop loin. Pas assez. De pas avoir fini ce que j'ai commencé.
Je ris, gênée maintenant que je ne suis plus dans le feu de l'action. Je hausse les épaules.
- Je te rassure : moi non plus je sais pas pourquoi tu es désolé, ni si tu dois l'être.
Il rit et me serre plus contre lui. Je rapproche mon visage du sien.
- On va devenir cinglés avec cette histoire, Learth.
- C'est pas grave. Ça me dérange pas d'être cinglé.
Je lui souris. Il arrive à me faire sentir bien avec moi-même. Il embrasse ma joue. Il relève la tête. Je ne bouge pas, ne le lâche pas des yeux. J'embrasse le coin de sa mâchoire. Il baisse la tête et j'embrasse sa joue. Il baisse un peu plus la tête. Je ferme les yeux. Nos lèvres se frôlent. Elles ne font que se frôler. Nous jouons à suspendre cet instant indéfiniment.
- C'est bon, on peut aller...
Nous regardons Nesta qui suspend son arrivée en nous voyant. Elle fait les gros yeux.
- Je tombe mal ?
- Non, c'est bon.
Learth prend ma main et la serre avant d'écraser sa cigarette et de partir devant. Je vais moi aussi vers la porte. Nesta me retient par la main. Elle regarde si Learth est toujours là. Elle a dû mal à contenir son sourire.
- Alors, comme ça vous êtes pas ensemble ?
- Non, on est... bizarre. C'est tout.
Elle rit à moitié.
- Ah je confirme, vous êtes vraiment bizarre.
Je ne peux m'empêcher de rire en réalisant ce que je viens de dire.
- Non, c'est juste... on est pas en couple mais on est pas amis. On est entre les deux.
- Bah il serait peut être temps de passer au niveau supérieur !
- Non, on est bien comme ça.
Je commence à ouvrir la porte, mais elle la bloque.
- Vous êtes bien comme ça !?
- Oui.
- Non. Non, je suis pas d'accord ! Vous devez vous mettre ensemble ! T'imagines si tout le monde faisait comme vous !?
- Les gens se prendraient sûrement moins la tête.
- Non ! Ce serait l'anarchie absolue !
Je souffle. Bon, je vais lui expliquer sinon on en a pas fini.
- Mon traitement provoque des piques et des chutes brutales d'œstrogène. En gros, je n'ai plus mes règles et je suis désinhibée sexuellement.
- Et alors ?
- Et alors c'est hormonal tout ça. Si j'ai couché avec lui c'était juste hormonal. Si j'ai encore envie c'est juste hormonal !
- Mais enfin, Numidia ! C'est toujours hormonal !
- Hein ?
- Oui ! Quand t'es amoureuse d'un mec, c'est une réaction chimique dans ton cerveau qui provoque des pics hormonaux en grande partie ! C'est pour ça que t'as plus envie de coucher avec ton copain qu'avec les autres ! Si c'était juste un bouleversement hormonal avec tes traitements, tu voudrais sauter sur tout ce qui bouge ! Là, t'as juste envie de coucher avec lui.
Qu'est-ce que ça veut dire ? Je suis... amoureuse ? Je lui souris et hausse les épaules.
- Peu importe, il faut aller voir Hely.
- Oh oh ! Tu cherches à éviter le sujet, c'est que j'ai raison !
Je la tire par le bras pour l'emmener jusqu'à la chambre de Hely.
Pendant que je parlais à Nesta, j'ai oublié la gravité de ce qu'il se passait. En entrant dans la chambre de Hely, je m'en rends compte. Elle a des cernes énormes sous les yeux, elle est blanche comme un mort et bouge à peine. Quand elle nous voit, elle sourit.
- Wouah, j'ai un vrai fan club.
Sa voix vient de loin. On dirait moi dans mes pires moments. Heinesy se penche vers elle.
- Ça va toi ?
- Hmm hmm.
- Désolée, mais t'as une sale tête.
Elle rit doucement.
- J'me sens lourde. Ils m'ont branché à pleins de produits qui font dormir. C'est pas aussi cool qu'au cinéma.
Elle regarde autour d'elle.
- Mes parents vont venir je suppose.
- Ouais, ils les ont appelé. Ils ne veulent parler qu'à eux. dit Nesta.
- Donc vous êtes au courant de rien.
Elle se redresse avec peine.
- Tant mieux, c'est pas très glorieux comme soirée.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? demande Ekin.
- Je suis allée chez les potes de Mano et il est très vite parti dans son trip. On m'a offert à boire et... je me suis évanouie. Je me souviens juste m'être réveillée chez Mano avec une envie de gerber. J'ai pas arrêté. Je me sentais sale.
Mano se penche vers elle.
- Hely, je suis désolé. Si j'avais su je t'aurais pas emmenée.
- C'est bon, Mano. C'est pas ta faute. Ils vont me mettre plein de tuyaux et je partirais en pleine forme.
Il a les larmes aux yeux. Ekin et Learth le tire de force hors de la chambre.
Elle ne dit pas tout. Je le sens. Et avec ce que m'a dit Learth, j'ai de plus en plus peur de ce qu'elle pourrait cacher. Heinesy sort son téléphone.
- Je vais appeler tes parents pour leur dire que tu vas bien.
- Merci, Heine.
Elle sort aussi. Nesta lui tient la main. Je regarde Lokian qui est là depuis le début, je lui fais signe de sortir. Il sort sans poser de question. Je ferme la porte derrière lui et me penche vers Hely.
- Maintenant dis-nous la vérité.
Nesta m'interroge du regard. Hely a l'air paniquée.
- J'ai tout dit.
- Non, je sais que c'est faux. Tu peux nous faire confiance. Tu ne peux pas garder ça pour toi.
Elle se mord la lèvre et ses yeux rougissent. Elle secoue la tête.
- Ne dis rien à mes parents, Numidia. Ma mère en mourrait.
- Je te promets de ne rien dire. Nesta aussi.
Elle la regarde, ma colocataire hoche la tête. Elle se frotte les yeux.
- Il m'ont fait boire un truc, ça avait un goût bizarre. J'arrivais plus à bouger et... j'étais réveillée... ils s'y sont mis à plusieurs... j'arrivais même pas à crier... je voulais pas...
Nesta la prend dans ses bras alors que Hely éclate en sanglots. Alors ils l'ont vraiment violée. J'aurais pu vivre ça moi aussi, si Learth ne m'avais pas sauvé. Je me lève en état de choc.
- Je suis désolée, Hely.
Je sors de sa chambre.
Je me couvre la bouche. J'ai du mal à réaliser. Je me mords la langue et pars vers le service de cancérologie. Je me couvre à moitié le visage. Lokian, voyant mon état, vient vers moi.
- Numidia...
- C'est pas le moment, Lokian.
Il n'insiste pas. Je marche sans regarder autour de moi. Je fixe le vide, retenant mes larmes. Je marche vite, mais n'ose pas courir. J'ai presque peur que mes jambes me lâchent.
J'arrive devant le bureau du docteur Austin. Je toque et ouvre presque en même temps. Elle est seule, à remplir des papiers. Elle se lève en me voyant.
- Numidia, ça ne va pas ?
- Je peux vous parler, docteur ? Je sens que je vais lâcher prise.
Elle m'a ramené un café et a sortie mon dossier. Je ne sais pas si elle va noter ce que je vais lui dire, mais je m'en moque. J'ai besoin de comprendre. Nous avons déjà commencé à parler.
- Votre réaction est normale. Vous avez vécu une agression du même type. La différence, c'est qu'il n'a pas pu obtenir ce qu'il voulait avec vous.
- Pourquoi les humains font ce genres de choses ?
- Il n'y a pas vraiment de réponse à cette question. C'est la nature humaine qui veut ça. Mais aussi la société dans laquelle ont vit, l'éducation qu'on a eu, les choses qu'on a vécu. Souvent les victimes de violences deviennent violentes, c'est pareil pour les viols. Ça peut aussi venir d'une pathologie, comme pour la pédophilie. C'est quelque chose qu'on ne contrôle pas forcément. Mais le cas de votre amie est différent. L'acte était prémédité, avec la prise de drogues.
Je hoche la tête. Je la regarde dans les yeux.
- J'ai une autre question, me concernant cette fois.
Je triture les bord de mon gobelet vide.
- Vous m'avez dit que mon traitement déréglait mes hormones. Quand est-il de la chimie de mon cerveau ?
- La chimie de votre cerveau est elle aussi affectée, mais par le cancer et les modifications qu'il opère.
- Donc mon cancer peut me donner des comportements anormaux ?
- Pourquoi cette question ?
Je me redresse dans mon siège. C'est troublant de parler de ça avec elle. Elle connaît mon cerveau par cœur, mais pas mes pensées.
- Je... j'ai un comportement bizarre avec... un garçon en particulier.
- Et vous vous demandez si c'est normal.
- Il n'a rien à voir avec moi. Nous sommes complètement différents. Mais il m'attire. Au début c'était purement charnel, mais maintenant c'est différent. Je ne me sens bien qu'avec lui. Il me fait oublier que je vais mal.
Elle rit doucement et pose mon dossier.
- Il n'y a aucun mystère là dedans : vous êtes amoureuse.
- Merde.
Je n'ai pu contenir ma frustration. Elle m'a entendu.
- Pourquoi cette réaction ?
Je hausse les épaules, les larmes aux yeux.
- Parce qu'il est génial. Il a tout pour être parfait. Il a quelques défauts, mais il est parfait avec moi. Il sait comment être et comment agir avec moi. Il sait comment je pense, comment je vais, et il réussit toujours à me faire sourire.
- Mais ?
- Je vais mourir. C'est injuste pour lui. J'essaie de me mettre des freins. J'essaie, vraiment. Mais je n'y arrive pas. Je me retrouve sans cesse dans ses bras, et je m'y sens bien. Mais il va se retrouver seul. C'est égoïste de profiter, ce n'est pas moi qui vais le pleurer. C'est plus facile de ne pas être seul pour mourir. C'est atroce de voir quelqu'un qu'on aime mourir. Je ne veux pas lui faire vivre ça.
- Donc vous préférez mourir seule et triste plutôt que de profiter de votre vie ?
- Ce n'est que l'histoire de quelques mois. Quand je serai morte, je ne serais plus triste. Par contre, quand je serai morte, lui le sera toujours. Alors oui, je préfère être triste quelques mois plutôt que de le faire souffrir indéfiniment.
Elle se lève et pose mon dossier sur son bureau.
- C'est tout à votre honneur de vous sacrifier pour les autres. Mais vous avez passé votre vie à passer en dernier. Vous n'avez pas envie d'être au premier rang pour une fois ?
- Il y a une différence entre ce que je souhaite et ce que je dois faire.
- C'est vrai. Mais s'il vous aime, il souffrira quand même à votre mort. Et en plus, il n'aura pas eu l'occasion d'être avec vous. Il n'aura que les souvenirs d'une fille qu'il aurait voulu aimer. Vous pensez que c'est mieux de le laisser seul et pleins de regrets ?
Mon cerveau est brouillé. Je n'arrive pas à faire le pour et le contre. Je la regarde, complètement perdue.
- J'en sais rien.
***
Je me rince les cheveux et les attache. Je sors mon rasoir et le passe sous mes bras. Je commence à le passer sur ma jambe droite. J'ai un pincement dans la nuque. Je la frotte et me redresse. Je glisse et...
*BAM*
Je me retrouve encastrée dans la baignoire, dans une position qui pourrait être très inconfortable si je sentais mes jambes.
- Merde !
Je crie de frustration. Je me disais que mes jambes étaient très lourdes, aussi. Ça arrive de plus en plus souvent, mais c'est la première fois sous la douche. Je tire sur l'une de mes jambes pour me mettre en position allongée, mais je suis coincée. Je tape mes mains contre les paroirs de la baignoire. J'en ai vraiment marre de ça, aussi.
Learth entre dans la sale de bain. Je me couvre la poitrine. Il rit et approche. Il va me voir nue !
- Arrête-toi tout de suite !
- Numidia, c'est moi.
- Toi ou un autre, personne ne me voit nue !
- Même pas ton gynéco ?
- J'ai pas de gynécologue.
Il rit et passe ses mains sous mes bras. Je mets une tape sur sa main.
- J'ai dit non !
- D'accord, alors bonne chance pour décoincer tes jambes. Ça va, t'as plus qu'à attendre le matin, le temps de retrouver ta mobilité.
Il sort en laissant la porte ouverte. Je souffle.
- D'accord. Tu peux venir.
Il revient et ferme la porte derrière lui. Il me tire pendant que je démêle mes jambes avec mes bras. Il bouche l'évacuation et fait couler l'eau.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Ça va être plus simple de te laver dans un bain.
Il récupère mon rasoir et tire ma jambe.
- Tu saignes.
Le rasoir a ouvert ma jambe quand je suis tombée. Je le reprends et tire ma jambe pour la mettre sous le jet d'eau. Pendant se temps, j'en profite pour continuer à la raser. Il rit en me voyant.
- Alors t'es le genre de meuf qui se rase même en hiver.
- C'est une habitude. Ma mère me disait qu'il fallait être présentable en toutes circonstances.
- Ça sert à quoi si personne voit tes jambes ?
- Si jamais j'ai un accident et que je dois aller à l'hôpital. Ils te déshabillent à l'hôpital.
Il rit fort et commence à me savonner le dos. J'arrête son mouvement.
- Je peux le faire moi-même.
- Oui, mais c'est agréable d'avoir un esclave.
Il reprend son geste. Je suis gênée.
Nous étions à l'hôpital il y a encore une dizaine de jours. Hely est revenue en cours depuis, mais elle est plus discrète. Moi, j'ai dit aux autres que je ne pouvais plus vivre à l'internat, que c'était trop compliqué avec mes problèmes de santé. L'information est passée naturellement chez tout le monde, sauf chez Lokian qui s'inquiète de plus en plus pour moi. Je le vois tous les jours, mais il veut que je revienne à l'internat, pour qu'il ait un œil sur moi. Je ne sais pas s'il est au courant que je vis plus ou moins chez Learth, il a dû comprendre. Ils ont dû tous comprendre. On arrive en cours ensemble, on rentre ensemble, il est absent quand je suis immobilisée. Ils doivent même penser qu'on est ensemble, mais à chaque fois que je vois Nesta, je lui dis que non.
Nous sommes proches, parfois il y a des petits dérapages, mais pas aussi énorme qu'il y a dix jours. Quand il voit que je fais preuve de résistance, même infime, il arrête. C'est très frustrant, mais j'ai peur d'aller plus loin. J'ai peur de faire une bourde. On dort ensemble, parfois on se câline, mais rien de vraiment sexuel. À chaque fois que nous avons un moment d'égarement, je repense à ce que le docteur Austin m'a dit. Mais je me dis que ce n'est pas une bonne chose à faire. Je ne peux pas être égoïste.
J'ai du mal à savonner mes jambes, alors il le fait. Je cache ma poitrine et détourne les yeux. Il rit.
- C'est mignon quand t'es gênée. J'ai presque envie d'aller plus loin pour te voir rougir.
- Si tu fais ça, je t'étrangle.
Il rit encore plus. L'eau n'est pas très haute, à peine de quoi cacher mon entre-jambe. Il débouche la baignoire et allume la pomme de douche. Il me la tend pour que je me rince. Pendant ce temps, il se retourne. J'ai presque envie de l'inviter dans la baignoire, parce qu'il détourne les yeux. J'ai vraiment un problème. J'éteins l'eau et pose la pomme de douche contre le robinet et il me soulève sans prévenir. Il me regarde dans les yeux en souriant.
- Je peux pas te mater si je te regarde dans les yeux.
Je lui souris et secoue la tête.
Il m'assoit sur le bord de la baignoire et m'essuie. D'abord le dos, puis le ventre, les jambes, il remonte à la cage thoracique. Je tire la serviette.
- Je vais m'occuper de la poitrine et des cuisses, merci.
Il rit fort et me laisse faire. J'ai à peine de temps d'enrouler ma serviette autour de moi qu'il me soulève. Il m'amène jusqu'à sa chambre et me pose sur son lit. Il repars chercher mon pyjama. Il redescend vite avec ma culotte et une serviette pour mes cheveux. Il pose tout à coté de moi. Je tends la culotte.
- Et le reste ?
- Je vais pas réussir à te mettre ton pyjama, c'est trop casse-couille.
- Et je dors avec quoi ?
- T'as ta culotte.
Je plisse les yeux et pince mes lèvres. Il sourit et enlève son tee-shirt.
- Tiens, c'est bien large en plus.
- Quoi ? Non ! Je vais pas dormir dans ton tee-shirt !
- Bon, je vais me laver.
Il court presque pour sortir.
Ça l'arrange bien que je ne porte qu'un tee-shirt et une culotte. Mais pour être honnête, j'adore l'idée. Ce n'est pas une bonne idée. Mais je n'ai pas le choix, je ne peux pas marcher pour aller chercher mon pyjama. Je mets ma culotte et son tee-shirt. Je m'essuie les cheveux comme je peux, mais je galère complètement. Je n'arrive pas à rester stable. Je tombe du lit. Je tire sur les draps pour me remettre assise, mais ils ne sont pas bien résistants. C'est foutu, je n'arrive pas à me remettre assise. Je reste à plat ventre et souffle. Qu'est-ce que c'est chiant !
J'entends Learth rire. Il vient me soulever et me remettre dans son lit. Il prend la serviette et essuie mes cheveux dans mon dos. Il les brosse rapidement et me pousse pour que je tombe sur le matelas. Je me retourne comme je peux pour faire face. Il se penche sur moi et me retourne pour que je sois sur le dos. Ses cheveux dégoulinent sur mon visage. Il prend ma serviette et se frotte rapidement la tête avec.
Il me soulève pour que je sois sous les draps et il se glisse à coté de moi. Il se colle immédiatement. D'habitude, il prend plus son temps. Il passe sa main devant mon visage pour mettre une de mes mèches de cheveux derrière mon oreille. Il caresse mon cou.
- Ça te va bien mon tee-shirt. Super bien même.
- Profite bien que mes jambes soient en panne. Dès que je les récupère, je te botte les fesses.
- Oh oui, mets-moi une fessée.
Je le pousse en râlant. Mais il se raccroche à moi. Il est très près. Il dort toujours en boxer. J'adore toucher sa peau. Elle est chaude et douce. Je passe ma main sur son torse. J'ai envie de le sentir plus près de moi. Dommage que mes jambes soient insensibles, j'aurais aimé qu'il les touche.
Pourquoi je pense comme ça ? En général, je suis beaucoup moins entreprenante, beaucoup plus patiente. Là, ce soir, j'ai envie d'être proche de lui, plus que d'habitude. Peut être parce que je me sens de mieux en mieux. Je n'en sais rien.
Je glisse ma main sur son ventre et le chatouille un peu. Je sens ses muscles se crisper sous mes doigt. J'approche mon visage du sien mais m'arrête juste avant.
- J'ai envie de t'embrasser.
- Alors pourquoi tu le fais pas ?
Je secoue la tête.
- J'en sais rien. J'en ai envie, mais je sais pas si c'est une bonne idée.
- Pourquoi ?
- Parce que je sais pas ce que j'ai dans la tête.
J'ai un cancer. C'est tout ce que je sais.
Mon visage va dans son cou pour l'embrasser. Ça fait longtemps que je me retiens. J'adore embrasser sa peau. Je ne l'avais plus fait depuis le dernier dérapage. Il ne s'est pas vraiment passé grand chose depuis le dérapage. Il passe ses mains sur moi. Sous mon tee-shirt. Il se balade. Mes lèvres reviennent vers les siennes. Je ne les ouvre pas. Je les frôle. Comme la dernière fois. Frôler les limites a quelque chose d'excitant. Moins que si nous laissions nos corps s'exprimer, mais je me contente de ça. Je lui fais assez confiance pour savoir qu'il n'ira pas plus loin si je ne l'embrasse pas.
Sa main va vers le bas de mon ventre. J'essaie de me détendre, mais des doigts passent sous l'élastique de ma culotte. Je me crispe. Il retire sa main. Je m'agrippe à son épaule. Je souris contre ses lèvres.
- Désolée.
- Non.
Il me colle plus à lui. Je passe mes mains dans son dos et le câline. Sa respiration change. Il aime autant que moi quand je touche sa peau. Je me mets dos à lui en tirant mes jambes. Il enroule ses bras autour de moi. Je prends l'une des ses mains dans la mienne. Ses lèvres embrassent ma nuque. J'aime m'endormir comme ça.
***
Je suis rentrée à la maison. Je passe la porte, mais il fait chaud ici. Pourtant nous sommes en hiver. Je n'ai peut être pas vu le temps passer. Peut être ai-je dormi plus longtemps que je ne le crois. Non, il fait vraiment chaud. Même en été il ne fait pas si chaud. J'ai l'impression de fondre
Je vois ma mère au bout du couloir. Elle me souris. Elle a l'air heureuse de me voir. Je cours vers elle pour la prendre dans mes bras. Je crie son nom. Je me blottis contre elle. Je ne la reconnais pas. Mais je l'aime comme ça.
Je sens quelque chose de douloureux dans mon dos. J'essaie de l'atteindre. Je sens du métal, chaud et coupant. Un couteau. Je recule pour la regarder. Mais ce n'est pas elle. Si, c'est elle, mais ce n'est pas ma mère. Elle me sourit, mais son sourire me fait peur. On dirait qu'elle n'a plus de paupières.
Je fais ça pour ton bien, Numidia. De toute façon, tu es morte.
Je regarde mes mains. Elles sont en train de fondre. Sur tout mon corps, le même phénomène anormal. Ma chair se détache de mes os, tombant et pourrissant au sol.
Oui. Je suis morte.
***
Je me réveille juste avant lui. J'ai envie d'aller aux toilettes. Je me lève et l'enjambe. Je regarde l'heure. Son réveil va bientôt sonner. Je monte jusqu'au salon et démarre la cafetière. Je vais aux toilettes dans la salle de bain. Je tire la chasse en remonte ma culotte, mais je reste assise là.
J'ai dû mal à y croire. Ça y est. J'ai atteint mes dix-huit ans. Ça fait bizarre. Quand j'ai appris pour mon cancer en septembre, je ne pensais pas arriver jusqu'à ce jour. Je regarde mon téléphone pour être sûre. Si si, on est bien le trois février. Je ne ressens rien, juste un genre de vide. Je devrais être morte. Ça ne va pas tarder, mais... non, je ne sais pas ce que je ressens.
Learth ouvre la porte de la salle de bain. Il vient vers moi et s'accroupit entre mes jambes. Il me sourit.
- Et ben voilà, tu peux me botter le cul maintenant.
Je le regarde, je ne sais pas ce que je ressens.
- C'est mon anniversaire.
- Quoi ?
Je hoche la tête. Je sens les larmes monter. Je me tiens le visage.
- Je pensais mourir avant.
Il me prend dans ses bras et me laisse pleurer. Je me calme assez vite. Je n'ai pas de raison de pleurer. Il relâche son étreinte.
- Pourquoi tu me l'as pas dit avant ?
- J'avais peur de pas atteindre la majorité. Je préférais oublier la date.
- Tu veux qu'on sèche les cours ?
Je souris et secoue la tête.
- C'est bizarre, c'est tout. Il y a dix-huit ans, je venais au monde. Et maintenant je vais mourir. Ma mère... elle doit être réveillée à cette heure. Je me demande si elle pense à moi.
- Si elle pense pas à toi, c'est qu'elle est pire que ce que je pense.
Je me penche en avant.
- Quand j'étais petite et qu'on allait à l'église tous les dimanches, je m'asseyais sur les genoux de mon père. J'étais une petite fille encore, je ne faisais pas attention à ce que disait le Pasteur Richmond, le prédécesseur du Pasteur Daniel. Mais ce qui retenait mon attention, c'était le sermon. Peu importe le sujet qu'il abordait il finissait toujours sur la même chose : le Bien et le Mal. Et comment les gens vertueux voient le Mal et lui résistent de toute leur force. Ça me faisait peur. Mais en même temps j'éprouvais quelque chose d'apaisant. Tout était noir ou blanc. Mais depuis ces derniers mois, je me suis rendue compte que ce n'était pas si simple. Le Bien et le Mal, ce n'est pas noir ou blanc, tout est nuancé. Comment savoir où est la frontière ? Et avec ma mère, je me demande s'il y en a une.
Je prends ses mains. Je suis triste.
- J'ai peur. J'ai peur presque tous les jours. Tu es la seule chose qui m'aide à reprendre mon souffle quand je sens que tout part en vrille. Tu es ce à quoi je me raccroche. Et je sens que sans toi, je sombrerai. Mais aujourd'hui, en voyant dans quel état je suis, je me demande si ce ne serait pas plus simple d'en finir, comme ça. Je... je veux pas finir en légume. Je veux pas que mon cancer ronge mon cerveau au point de devenir un zombie, un corps vide branché sous respirateur jusqu'à ce que le cœur lâche. Ou que les métastases me paralysent et me tuent aléatoirement. Je ne veux pas mourir du cancer. S'il le faut, je me jetterai du toit de l'immeuble le plus haut que je puisse trouver. Je me gaverai de médicaments. Je m'ouvrirai les veines. Je n'en sais rien. Mais je refuse de mourir comme ça.
Je sens mes yeux s'inonder à chaque mot.
- Hier je voulais t'embrasser. J'ai envie de t'embrasser à chaque fois que je te vois. J'ai envie d'être à toi, de m'abandonner en toi. Je veux m'oublier en toi. Mais je peux pas. Parce que je veux pas que tu souffres. Je vais mourir. Toi tu vas vivre. C'est injuste et égoïste de ma part d'attendre quoi que ce soit de toi.
Je ne sais pas pourquoi je lui dis tout ça. Ça ne réglera rien et ça ne me sauvera pas. Mais il a le droit de savoir pourquoi il se heurte à un mur. Il reprend mes mains.
- Tu crois que j'en ai quelque chose à foutre de ton cancer ?
J'ai du mal à lire son expression facial. Il secoue la tête.
- Numidia, tu crois que je serais là si c'était un problème ? N'importe qui serait parti. Moi, je suis là. Ça devrait te suffire. Mais ne fait pas ça. Ne mets pas de limites pour moi. Et n'abandonne pas comme ça. C'est pas toi de laisser tomber. La Numidia que je connais elle va jusqu'au bout, elle a la niaque. Elle tombe parfois mais elle se relève. La Numidia que j'aime reste debout, et si elle en est incapable elle rampe.
La Numidia qu'il aime ?
- Je m'en fous que tu puisses plus marcher. Je te porte s'il le faut. Je te laisserai jamais tomber. Jamais.
Il s'approche et baisse les yeux.
- Je sais que tu veux pas mourir comme ça. Je l'ai compris y'a un moment. Je le comprends... je le ferais.
Quoi ?
- J'arriverais pas à te tuer, j'en suis incapable, même pour ton bien. Mais je trouverai le moyen pour que tu meurs quand tu ne voudras plus vivre. Je te promets que je trouverai un moyen. Mais n'abandonne pas maintenant. Je sais que c'est beaucoup te demander et que tu es épuisée. Mais s'il te plaît. Tiens encore un peu.
Mon cœur bat à mille. Il bat si fort qu'il me fait mal. Je pleure toujours, mais pas pour les mêmes raisons.
Il m'aime. Il m'aime. Je sais pourquoi j'avais envie de pleurer quand il m'a dit qu'il acceptait cette relation bizarre. Il m'accepte. Il ne me demande pas d'agir autrement, de parler autrement, d'être autrement. Il m'accepte avec tous mes défauts et mes bizarreries. Je passe mes mains derrière sa tête et l'attire vers moi. Je l'embrasse fort. Je me colle à lui et l'embrasse. Il me tire pour me faire descendre et me porte. À quelques mètres, il se laisse tomber dans le canapé et me tire à lui. Il passe ses mains sous mon tee-shirt et l'enlève. Je me penche sur lui et colle ma peau contre la sienne. Je griffonne sa peau et mordille sa lèvre. Il attrape mon corps et se retourne pour que je me retrouve sous son corps. Il embrasse mon corps entier. Il remonte et m'embrasse langoureusement. Il pose son corps entre mes jambes. Il relève la tête.
- Si on partait ?
- Quoi ?
- Ouais, on fait un sac et on se casse.
- Tu veux aller où ?
- J'en sais rien, on prend ma bagnole et on fait le tour du pays, ou on passe la frontière. J'en sais rien. Mais on part.
Je prends son visage entre mes mains et l'embrasse fort. Je relâche ses lèvres et hoche la tête, mon sourire inonde mon visage.
- Ok. On s'en va.
***
Nous sommes devant chez ma mère. Sa voiture n'est pas là. Elle est sûrement au marché. À moins qu'elle ne soit chez son amant. Je dois prendre mon passeport au cas où. Et il est dans le bureau de mon père. J'aurais pu le lui demander, mais je ne sais pas s'il est en voyage d'affaire ou pas. Et puis il aurait mis un certain temps à me l'amener. Et surtout, je ne veux pas que ça s'ébruite avant qu'on ne soit partis. Une fois qu'on sera sur la route, j'enverrai un message à Lokian et à mon père.
Learth tire le frein à main et fixe la maison. Je le sens douter. Mais je dois y aller. Pour mon passeport, mais aussi pour moi. Il est temps que je dise adieu à cette maison.
- Franchement je le sens pas du tout ce coup là.
- Ça va aller. Ma mère n'est pas là. Et même si elle rentre, tu n'es pas loin. Si tu sens que c'est trop long, appelle-moi. Et si je réponds pas, appelle la police. Je suis majeure, elle n'a plus le droit de me séquestrer.
- Parce qu'elle avait le droit avant ?
Je lui souris et prends sa main.
- Je vais faire vite. Ne t'en fais pas.
J'approche mon visage et embrasse sa joue. Je recule, mais il s'approche à son tour et m'embrasse. Je prends son visage et lui rend son baiser. Je me détache de lui avec difficulté. J'ouvre la portière.
- On se voit dans dix minutes !
Je ferme derrière moi et cours jusqu'à la maison. J'ouvre la porte.
Je vais partir avec lui. Tout ira bien. Il m'aime. Je l'aime aussi. Oui, je l'aime. Je dois lui dire. Je veux qu'il sache. Je ne peux plus vivre sans lui. L'idée même me serre la gorge.
Je monte les escaliers à toute vitesse. Je m'arrête devant ma chambre et l'ouvre. Ça fait bizarre. On dirait qu'elle n'a plus d'âme. Comme si elle n'était plus occupée depuis des années déjà. Je traverse le couloir et me retrouve devant le bureau de mon père.
J'ouvre la porte doucement. Parfois, il s'endort sur ses dossiers. Mais il n'y a personne. Je rentre et laisse la porte entrouverte. Je tire les tiroirs à la recherche de mon passeport. Je ne tombe que sur des documents pour le travail de mon père. En soulevant un gros dossier, je tombe sur une arme. Un revolver. Je ne savais pas qu'il avait ça. Mieux vaut ne pas y toucher.
Dans le dernier tiroir, je trouve mon acte de naissance. Je le mets de coté. J'aimerais bien le lire, par curiosité. Je tombe sur des lettres. Entre mon père et sa sœur. Ils s'écrivaient beaucoup. Je tombe sur une photo accrochée à une lettre. Une photo de ma tante – c'est vrai qu'elle me ressemble – avec Lokian quand il était petit et un chiot. Mais mes yeux restent accroché à un détail. Son ventre. Elle était enceinte ? Lokian devait avoir cinq ans, à tout casser. Ça veut dire que son enfant aurait eu mon âge, plus ou moins. C'est peut être pour ça que tout le monde a été autant bouleversé par sa mort. La mort d'une femme enceinte, c'est tragique. Je regarde au dos de la photo. Elle est datée de quelques semaines avant ma naissance. Une seconde... je lis la lettre qui était jointe.
Coucou mon frérot !
Voilà une photo de la famille prête à s'agrandir ! Lokian va bientôt devenir grand frère ! Hiiiiii ! - Grand frère ? - Il a tellement hâte. Il insiste toujours pour qu'on appelle le bébé Xilmur si c'est un garçon. Je commence même à trouver ce prénom cool, haha ! Mais je suis enfin fixée : si c'est un garçon, ce sera Ren, non négociable. C'est simple, exotique et ça plaît tellement à ta femme. J'ai presque envie que ce soit plus un garçon juste pour l'embêter ! Non, je peux pas dire ça de mon petit ange à venir. Si c'est ma petite Lumia, elle a m'en faire baver à l'accouchement pour se venger.
J'arrête de lire à partir de là. Lumia. Mon père m'a déjà appelé Lumia... ça ressemble tellement à mon prénom. Juste avant ma naissance. Les secrets de Lokian. Quelqu'un se plante dans l'embrasure de la porte.
- Numidia, qu'est-ce que tu fais ici ?
Je me lève et me tourne vers ma mère, la lettre et la photo dans la main. Son visage se décompose.
- Est-ce que tu es ma mère ?
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