Les blessées de la vie
Le lendemain, elle est de nouveau là à son arrêt peu avant midi. Toujours sans sac, ni casque. Elle a pour seule compagne sa douleur et sa tristesse. Ses yeux, auparavant étincelant de vie, sont éteints comme des ampoules grillées qu'on n'aurait pas changées ; ses cheveux châtains auparavant luisant et parés de mille reflets sont ternes, sales et emmêlés. Elle a perdu son entrain, sa joie de vivre, et est noyée dans le chagrin et la fatigue. Pourquoi ?
Le regard dans le vague, l'air pensif, perdue dans les méandres de la vie. Elle semble avoir plongé au cœur de l'univers, et en être ressortie transformée, avec des visions d'éternité imprimées derrière ses iris brunes.
En début d'après-midi, elle rentre chez elle. Cette fois, elle n'est pas seule à l'arrêt de bus ; son amie aux béquilles est avec elle, fidèle à son poste. Je réalise qu'elle ne les a plus eues depuis un certain temps. À présent, c'est elle qui attend l'autre, calquant son allure sur celle de la petite et l'attendant quand nécessaire ; les rôles sont inversés, et elle fait preuve de la même patience que la petite lorsqu'elle l'accompagnait, adaptant son rythme et faisant des pauses aussi souvent que nécessaire.
Qui sont ces deux adolescentes, ces deux blessées de la vie qui continuent à marcher malgré tout ? Où trouvent-elles la force et le courage de ne pas abandonner ?
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