Cour de maternelle remplie d'enfants bien vivants. Une grande personne frappe dans ses mains.

• En rang ! les enfants. La gentille remplaçante est arrivée. Elle est en train d'accrocher un tableau qu'elle a peint spécialement pour vous. Je ne l'ai pas vu, mais il doit être très beau. Entrez dans la classe calmement, puis asseyez-vous au coin " Regroupement. "

Dans la précipitation, la directrice - plus myope qu'une taupe - a oublié ses lunettes dans son bureau, cependant, comme elle connaît parfaitement les lieux, elle n'a aucun problème pour amener tout le petit monde à destination. Après avoir fait un signe de tête sans savoir si la nouvelle maîtresse la regarde, elle referme la porte doucement. Les petites sections s'avancent en chahutant jusqu'aux bancs. Mademoiselle Labiche se retourne en souriant. Elle est grande, a de longs cheveux ondulés et porte une jolie robe fleurie. Silence immédiat. Derrière elle, une multitude d'horribles yeux globuleux injectés de sang fixent chaque enfant.

• Si vous me le permettez, je vais m'allonger quelques instants. Je suis un peu fatiguée. Jouez dans le calme pendant ce temps.

Bizarrement, ce jour-là, aucun son ne filtra de la classe des petites sections. Les enfants, d'ordinaire très turbulents restèrent assis sans parler ni bouger, pendant que leur maîtresse dormait. Autre fait étrange, mademoiselle Labiche ne réapparut pas le lendemain. Pourtant elle n'avait pas haussé la voix ni tenu des propos inappropriés ni levé la main sur un élève. Aujourd'hui encore, mademoiselle Labiche se demande pourquoi les parents insistent systématiquement auprès de l'inspection académique pour qu'elle ne revienne pas à l'issue de son premier jour dans un établissement. En attendant sa nouvelle affectation, mademoiselle Labiche reprend ses pinceaux. Elle a mille projets en tête. En feuilletant une biographie de van Gogh, elle se dit qu'elle n'a pas encore dessiné d'oreilles coupées. En voilà une bonne idée !