Céleri Scélérat, adorable petite souris, prenait l’apparence d’un horrible rat malfrat à la tombée de la nuit. Personne ne connaissait son secret. Mulots, loirs, campagnols s’écartaient pour le laisser passer. Engoncé dans son épais costume, Céleri avançait à pas mesurés. Cela le rendait encore plus effrayant aux yeux des rongeurs pétris de terreur. Marquis de naissance, le rusé muridé savait que les nobles n’étaient pas toujours les plus aimés et que les petits gabarits étaient des proies faciles pour des êtres cruels et perfides. Comme il aimait se promener, il avait opté pour cet ingénieux stratagème qui lui permettait d’aller en tous lieux sans problème. Chaque soir, il se rendait tout en haut d’une colline pour admirer les lumières de la ville. Jusqu’au jour où il tomba, non pas de selle, mais sur Radicelle Scellera, une magnifique gerbille, célèbre pour ses délicieux bretzels à la fleur de sel.

Surprise par ce gros rat repoussant, la gerbille hésitait entre prendre la fuite et rester encore un instant, quand elle entendit :

— Ne craignez rien, belle Radicelle. Fermez les yeux et faites un vœu. Ce lieu est rempli de magie.

Méfiante, mais intriguée, la demoiselle ne bougea pas et pria pour ne pas être prise au piège. Pour se rassurer, elle se répétait que les apparences n’étaient pas toujours ce que l’on croyait.

Tant pis, si je perds la vie, pensa-t-elle émue. Jusqu’ici je peux dire qu'elle a été heureuse et bien remplie.

Pendant ce temps, le petit marquis ôta sans bruit son abominable déguisement et le jeta au plus vite avec malice. Quand Radicelle, quelque peu étourdie, ouvrit ses jolis yeux rubis, elle découvrit une charmante souris qui lui sourit.

À partir de cet instant, Céleri et Radicelle ne se quittèrent plus d’une semelle. Le jour, ils vendaient leurs bretzels. La nuit, ils couraient retrouver leur endroit préféré en compagnie d’une bande de joyeux Scélérat qui ne faisaient pas du tout peur - hormis à leurs géniteurs qui tremblaient pour eux à toute heure.