La gazelle n'était plus très loin. Elle broutait tranquillement, inconsciente. Tamsir s'approcha sans bruit et retint son souffle. S'il réussissait cet exploit, il ne serait plus ce gamin méprisé que les hommes regardaient sans voir, plus personne n'oserait l'injurier et traiter sa mère comme une moins que rien. Il serra sa flèche entre ses doigts. Bientôt ... Bientôt.

L'instant était venu. La flèche, à peine décochée, fendit l'air et foudroya la bête qui s'affaissa. Tamsir lacha son arc et courut vers son trophee. Il n'arrivait pas y croire. Il reviendrait ce soir au village le dos chargé d'une bete qu'il jetterait fièrement aux pieds de sa mère, au vu et au su de tous !

Le premier instant passé, l'excitation et l'orgueil laissèrent la place à une pitié qu'il n'aurait jamais soupçonnée. La bête gisait là devant lui, belle dans sa fragilité blessée. Elle lui fit penser à sa mère, Penda la douce, la silencieuse, qui évoluait dans la vie sans faire de mal à personne, sans répondre aux invectives, sans rendre les crachats, et qui s'éteindrait un jour discrètement, mourant à petit feu de toute cette méchanceté contre elle dirigée. Non ! Il ne laisserait pas les choses dégénerer ainsi, il fallait que cela cesse. Tant is si pour y arriver il avait fallu prendre la vie d'une bête innocente. Le monde est imitoyable et se gorge du sang des faibles. Il ne serait bientôt plus de ce nombre.