"- On dirait que tu portes un gros sac de cailloux sur tes épaules...

- Excellente remarque, tu es moins con que tu en as l'air. Je te confirme que c'est aussi ce que je ressens."

A quel moment ai-je commencé à le remplir ? A quel moment ai-je commencé à me courber sous son poids?

Ce matin je crois bien que c'est lui qui pèse un peu trop, mais sur ma poitrine cette fois. Une immense mélancolie m'envahit sur un fond nauséeux qui n'est ni présage d'un heureux évènement ni séquelle d'une soirée d'ivresse.

Bon, en même temps, il fait un temps dégueulasse et une zone industrielle n'est pas forcément des environnements qui mettent le plus en joie.

"C'est passager. Reprends toi. Ne sois pas tout ce que tu détèste.Je t'interdis de geindre."

Bien sûr que je vais me reprendre. Bien sûr que personne n'en verra ni n'en saura rien. Comment le pourraient-ils ?

D'aussi loin que je me souvienne, ils n'ont jamais rien vu, jamais rien entendu, encore moins compris.

Quand je dis "ils", ce sont les gens.

Tous ces gens qui s'affairent et qui grouillent de partout. Ces gens qui crient quand ils pourraient parler. Ces gens qui rient à gorge déployée quand ce n'est pas drôle.

Et ces gens qui haussent des épaules quand on leur parle d'émotions qui brûlent, qui bouleversent, qui font chavirer le navire.

Je crois bien que parmi les cailloux de mon sac, nombreux sont ceux, qui avant d'être cailloux, étaient une de ces émotions ravageuses.

"A fleur de peau", c'est tellement joli comme expression. C'est doux, c'est presque tiède.

Quelle ironie...